(Ottawa) Maintenant que l’Allemagne a accepté d’ouvrir la voie à l’exportation des Leopard 2, le Canada s’apprêterait à en libérer quelques-uns des siens. Officiellement, rien n’a été annoncé, mais en coulisses, on dit plancher sur l’envoi de moins d’une dizaine de chars.

« La décision n’a pas encore été prise, mais nous enverrions probablement moins de 10 chars », a affirmé mercredi à La Presse une source gouvernementale canadienne qui a requis l’anonymat, n’étant pas autorisée à discuter publiquement de cet enjeu.

Au Globe and Mail, on évoquait quatre ou cinq chars, toujours sur la foi d’informations venant d’une source gouvernementale.

Aux dernières nouvelles, le Canada n’a pas demandé à l’Allemagne l’autorisation d’expédier vers l’Ukraine des Leopard 2 – il y en a 112 au total, dont 82 chars de combat –, selon ce qu’a indiqué mercredi matin à La Presse une porte-parole de l’ambassade d’Allemagne au Canada.

Tout pays qui souhaite exporter les véhicules de fabrication allemande doit obtenir la permission de Berlin.

Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé mercredi qu’il n’avait rien à annoncer pour l’heure.

Le Canada cherche toujours à faire tout ce qu’il peut pour aider l’Ukraine […]. On espère en avoir plus à partager dans les prochains jours.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada, en marge de la retraite de son cabinet à Hamilton, en Ontario

Si elle se compte sur les doigts d’une main (ou de deux au maximum), peut-on dire que la contribution est significative ? « La première question qu’il faut se poser, c’est combien de chars sont fonctionnels. Et on ne le sait pas, alors c’est dur à évaluer », note le politologue Justin Massie, de l’Université du Québec à Montréal.

« Ça demeure un petit nombre, mais le Canada a très peu de chars d’assaut. Les pays d’Europe ont un bassin beaucoup plus imposant de blindés, et ils sont plus proches. Je pense qu’une poignée, c’est suffisant, parce qu’on doit les déployer outre-mer », enchaîne le codirecteur du Réseau d’analyse stratégique (RAS).

Des chars de Berlin et de Washington, en attendant les autres

Sous pression depuis plusieurs jours, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a donné mercredi son accord à la fourniture de Leopard 2 à l’Ukraine.

PHOTO MARKUS SCHREIBER, ASSOCIATED PRESS

Olaf Scholz, chancelier de l’Allemagne

Le gouvernement allemand avait auparavant décidé en conseil des ministres à la fois d’envoyer 14 Leopard 2 de type 2A6 issus des stocks de son armée, la Bundeswehr, et d’autoriser ses alliés occidentaux disposant de ces blindés de fabrication allemande à faire de même.

Parallèlement, les États-Unis ont annoncé la livraison de 31 Abrams, également des chars lourds. « Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie », a tenu à assurer mercredi le président américain, Joe Biden.

PHOTO MATEUSZ SLODKOWSKI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Char de combat M1 Abrams

La Norvège a aussi promis à l’Ukraine des Leopard 2. Selon plusieurs médias, la coalition de pays prêts à fournir de tels blindés comprend aussi le Danemark et les Pays-Bas, en plus de la Pologne et de la Finlande. L’Espagne a confirmé être « disposée » à livrer aussi des chars.

Le Royaume-Uni s’est pour sa part engagé à livrer 14 chars lourds Challenger 2.

« Ces chars vont brûler », tonne Moscou

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a applaudi la décision des Occidentaux, mais il a aussi semblé vouloir faire monter les enchères, en leur réclamant cette fois des missiles de longue portée et des avions de combat.

Au Kremlin, le porte-parole Dmitri Peskov a plaidé que l’Occident « surestim[ait] le potentiel » que les chars pourraient donner à l’armée ukrainienne.

Ces chars vont brûler comme tous les autres […] Sauf que ceux-ci valent très cher, et ce sont les contribuables européens qui en feront les frais.

Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, à propos des chars fournis par les occidentaux

Le régime Poutine bombe le torse, oui, mais l’argument voulant que le conflit s’envenime encore davantage à la lumière de ce développement est déboulonné par Justin Massie : « Que craint-on ? Que la Russie envahisse l’Ukraine et utilise des chars d’assaut et des missiles pour frapper des villages ? Elle le fait déjà. »

Les deux formes d’escalade possibles – attaquer un autre pays ou avoir recours à l’arme nucléaire – sont « suicidaires » pour la Russie, ajoute-t-il. En revanche, là où on pourrait franchir une ligne rouge, ce serait en fournissant à l’Ukraine des avions de chasse, ce qu’ont laissé planer les Pays-Bas, dit M. Massie.

L’annonce sur le putatif envoi de Leopard 2 du Canada, elle, pourrait avoir lieu d’ici la fin de la semaine.

Avec l’Agence France-Presse