Le Québec a besoin d’un « vrai débat de société » sur l’énergie. C’est François Legault lui-même qui l’a dit dans son discours d’ouverture de la nouvelle session parlementaire, en novembre. Et il a 100 % raison.

Alors le premier ministre devrait être d’accord avec le Parti libéral, qui réclamait lundi une commission nationale qui serait, à n’en pas douter, l’arène idéale pour mener un débat ouvert et transparent sur l’avenir énergétique du Québec.

Sauf que le départ surprise de la présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, donne l’impression que les dés sont déjà jetés. Le nouveau superministre, Pierre Fitzgibbon, a son idée en tête : attirer des entreprises à grand coup d’électricité. Et rien ne pourra l’arrêter.

On ne reprochera pas à la Coalition avenir Québec (CAQ) d’être un gouvernement d’action. Mais dans leur empressement, les caquistes mettent souvent la charrue devant les bœufs. On l’a vu avec le troisième lien qui ne repose sur aucune étude. On l’a vu avec le REM de l’Est où la CAQ a été obligée de faire marche arrière. On le voit maintenant avec ce projet de construction de centrales hydroélectriques, une idée sortie comme un lapin d’un chapeau de magicien durant la campagne électorale.

De nouveaux barrages ? Peut-être. Mais pourquoi pas l’amélioration des centrales existantes ? Ou encore davantage d’éolien ou de solaire, dont les coûts ont fondu ? Ou davantage d’efforts pour réduire la consommation des bâtiments ?

La CAQ devrait prendre un pas de recul en lançant une commission qui poserait toutes les questions de manière logique et sereine.

Un tel processus peut être mené rondement. À preuve, en 2013, la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec n’avait duré que trois ou quatre mois. Malheureusement, l’exercice a été une occasion ratée, car le Parti québécois (PQ), qui avait lancé l’initiative, a perdu le pouvoir tout de suite après la sortie du rapport.

Dix ans plus tard, ce ne serait pas du luxe de refaire l’exercice, car beaucoup d’eau a coulé… sous les barrages.

Ça bouge très vite aux États-Unis, où l’Inflation Reduction Act, adopté en 2022, promet des investissements de 370 milliards pour stimuler la production d’énergie propre, une manne que le Québec doit saisir.

Le Québec aussi est à un moment décisif. L’époque où l’on nageait dans les surplus d’électricité est révolue. Avec la transition énergétique, le Québec aura besoin de plus de 100 TWh additionnels pour atteindre la carboneutralité en 2050, une augmentation de 50 % de sa capacité.

Cela n’a rien d’insurmontable puisque la province a réussi à développer 100 TWh entre 1965 et 1989, avec des technologies moins avancées. Mais à l’avenir, les coûts d’approvisionnement seront trois ou quatre fois plus élevés que ceux du bloc d’électricité patrimonial.

Autrement dit, l’électricité n’est plus un bar ouvert où l’on peut payer la tournée à tout le monde. À l’heure de la sobriété, une foule de questions se posent.

Par exemple, est-il normal que les entreprises subventionnent les consommateurs résidentiels avec des tarifs plus élevés ? Devrait-on hausser les tarifs des ménages, tout en protégeant les plus démunis, pour les encourager à réduire leur consommation ?

Jusqu’à quel point est-on prêt à attirer des entreprises au Québec avec de l’électricité au rabais ? Le bon vieil argument de la création d’emplois ne tient plus la route, car l’ennemi numéro un n’est plus le chômage, mais bien la pénurie de main-d’œuvre. Dans ce contexte, il faut prioriser les projets qui ont vraiment un impact majeur sur la prospérité et le développement du Québec de demain.

À la fin de l’exercice, on arrivera peut-être à la conclusion que la construction de centrales hydroélectriques est nécessaire. Mais compte tenu des conséquences sociales et environnementales qui en découlent, on ne peut pas brûler les étapes.

Le Québec est à un moment charnière. Au lieu d’avancer à l’aveuglette avec des mesures à gauche et à droite, la province a besoin d’une feuille de route pour tracer la voie de la transition énergétique. Une commission nationale serait un excellent point de départ.

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