Avec la nationalisation de la Montreal Light, Heat and Power en 1944, le gouvernement d’Adélard Godbout préparait le terrain à la première révolution énergétique du Québec, qui sera concrétisée en 1962, avec la campagne « Maître chez nous », du gouvernement Lesage et de son ministre des Richesses naturelles, René Lévesque. En étendant la nationalisation de la production d’électricité sur tout le territoire, le Québec sera avantageusement positionné sur le plan environnemental pour les années à venir.

Si le Québec est en bonne position sur la ligne de départ de la transition grâce à sa production énergétique essentiellement composée d'énergies renouvelables, nous sommes encore fortement alimentés par les hydrocarbures, que ce soit dans le secteur des bâtiments, des transports ou encore pour les procédés industriels. La Chaire de gestion du secteur de l’énergie des HEC Montréal évalue qu’en 2019, près de 54 % de l’énergie consommée au Québec provenait des hydrocarbures.1

Tout ceci est amené à changer avec les objectifs de carboneutralité et le transfert de la consommation d’énergie fossile vers les énergies renouvelables. Cette consommation accrue de ressources renouvelables va poser un défi majeur d’approvisionnement en énergie renouvelable.

Le gouvernement en est conscient, mais les idées partent dans toutes les directions et méritent un recadrage. Après que le premier ministre eut annoncé l’intention de construire des barrages en pleine campagne électorale, le ministre de l’Énergie s’est ensuite lancé dans la sobriété sans en avoir défini les paramètres, dès son arrivée en poste. Explorer les différentes avenues est une bonne chose, mais cette démarche doit être collective.

À la croisée des chemins

Comme l’a mentionné le premier ministre dans son discours d’ouverture de la présente législature, « on a besoin dans le prochain mandat d’avoir un vrai débat de société sur comment on va chercher ces 100 térawattheures ». Nous sommes d’accord avec lui, mais nous ne partons peut-être pas des mêmes prémisses. Une conversation nationale s’impose puisque, en effet, deux visions s’affrontent en ce qui a trait à l’avenir de l’énergie au Québec.

D’un côté, le gouvernement voit dans le potentiel de croissance de la production d’électricité au Québec un moteur pour le développement économique et industriel. Autrement dit, ajuster la production énergétique en fonction de la croissance comme on a toujours fait. De l’autre, plusieurs acteurs, dont des mouvements environnementaux et sociaux, estiment qu’il faut s’adapter aux impératifs de la transition sans répéter les erreurs du modèle économique actuel, basé sur la surexploitation des ressources, tant énergétiques que minérales, forestières et hydriques.

En somme, c’est la disponibilité des ressources énergétiques et leur déploiement qui devraient baliser le modèle et dessiner le potentiel de développement et non l’inverse.

Combien d’énergie peut-on aller récupérer en diminuant le nombre de voitures sur nos routes qui n’auront pas besoin d’être électrifiées ou encore en faisant le choix de productions serricoles moins énergivores ?

La société québécoise doit réfléchir collectivement à la manière dont elle souhaite utiliser sa précieuse énergie verte : pour produire quoi, à quelle fin, au bénéfice de qui ? Il ne s’agit plus uniquement de penser en termes de développement de nouvelles capacités énergétiques, mais bien de réfléchir à la consommation actuelle et future.

Un BAPE générique pour préciser la vision énergétique

Dans les premières journées d’activités législatives à Québec, le ministre de l’Énergie a déposé un projet de loi concernant les tarifs et les obligations de distribution d’électricité d’Hydro-Québec. Ce projet de loi sera débattu et étudié au cours de la prochaine session parlementaire et il sera important que les organisations et les experts travaillant au projet de transition énergétique puissent être entendus dans le cadre d’éventuelles consultations particulières à l’Assemblée nationale.

De plus, lors du dévoilement du Conseil des ministres, le premier ministre a annoncé la création d’un comité du cabinet sur la transition énergétique, qu’il présidera. Or, en discutant derrière des portes closes et en l’absence de consultation plus large de la société civile, nos décideurs et décideuses se privent d’informations nécessaires à la prise de décisions qui bénéficieront à l’intérêt commun.

Les initiatives gouvernementales actuelles pour définir la nouvelle vision énergétique du Québec ne sont donc pas suffisantes. Les Québécois doivent avoir leur mot à dire.

Le gouvernement devrait donc annoncer la tenue d’un BAPE générique, qui permet d’explorer en profondeur un enjeu pouvant avoir des répercussions importantes pour la société québécoise, pour permettre à toutes et à tous de s’exprimer sur notre avenir énergétique.

On a vu très récemment que ça brasse quand il est question de gestion des ressources et de développement énergétique au Québec. Si cet enjeu soulève autant de passion et crée autant de friction dans les hautes sphères du pouvoir, c’est un signe qu’une conversation nationale s’impose. La deuxième révolution énergétique est en marche au Québec, c’est à nous de choisir ce que nous en ferons.

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