Politiquement, ça devient intenable. Et d’un point de vue environnemental, les résultats ne sont pas là.

Le marché du carbone qu’utilise le Québec pour fixer un prix sur la pollution devient de plus en plus difficile à défendre. Si on veut le conserver, il faut une refonte rapide.

Surtout que les voisins, comme dirait Noir Silence, commencent à jaser.

La semaine dernière, la très revendicatrice première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a fait une sortie à propos des disparités des prix du carbone au pays.

Regardons les chiffres.

Au Québec, le prix de la tonne de carbone croupit autour de 35 $. La taxe qu’impose le fédéral aux provinces qui n’ont pas leur propre système, dont l’Alberta, s’élève à 50 $. Elle passera à 65 $ en avril prochain.

À la pompe, cela se traduira par un prix de 15 cents le litre dans la plupart des provinces, contre 8 cents au Québec avec le prix actuel.

Évidemment, la première ministre albertaine oublie de dire qu’au total, l’essence est plus taxée au Québec qu’en Alberta.

Il reste que sur le fond – et vous ne lirez pas ça souvent dans ces écrans, en particulier sur les questions environnementales ! –, Danielle Smith a raison.

Le prix du carbone au Québec est effectivement trop bas. Et ça commence à être injuste et gênant.

En établissant un marché du carbone avec la Californie, le Québec a été un précurseur.

En théorie, ce système de plafond et d’échanges a plusieurs avantages par rapport à une simple taxe.

1) Il donne de la flexibilité aux émetteurs en permettant d’effectuer les réductions là où c’est le moins coûteux de le faire.

2) En fixant un plafond aux émissions et en le faisant graduellement diminuer, il planifie une véritable réduction des GES.

3) Au Québec, les revenus du marché sont envoyés dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques (encore appelé le Fonds vert). Comme ces sommes sont investies dans la réduction des émissions, on bénéficie d’un double effet (on tire et on pousse en même temps, en quelque sorte).

Ça, c’est la théorie. En réalité, le portrait est beaucoup moins reluisant.

Comme l’a lui-même souligné François Legault dans son discours d’ouverture de la présente législature, « au cours des dernières années, des entreprises québécoises ont acheté pour plus d’un milliard de dollars de crédits carbone de la Californie ». Ce n’est pas nécessairement mauvais. Si nos entreprises font cela, c’est que ça leur coûte moins cher que d’effectuer elles-mêmes les réductions. Il reste que le marché du carbone provoque une fuite de capitaux du Québec vers la Californie.

De façon plus fondamentale, les gouvernements ont distribué tellement de droits de polluer que le prix du carbone ne monte pas suffisamment.

Le fameux plafond, de son côté, est trop haut et ne baisse pas assez vite pour provoquer de réelles réductions des GES.

Quant au fameux Fonds vert… Les uns après les autres, les rapports montrent que l’argent y est mal dépensé. Le résultat global, c’est que les émissions du Québec ne baissent pas. Malgré les milliards brassés, l’objectif ultime de tout le système est raté.

Pendant ce temps, la taxe fédérale, elle, est retournée dans les poches des citoyens (car il s’agit en fait d’une redevance). Le gouvernement du Québec est chanceux que ces enjeux soient complexes et que les citoyens ne passent pas leurs pauses-café à comparer les systèmes. Sinon, il y aurait sans doute beaucoup plus de pression pour que le Québec laisse tomber son marché du carbone et adopte la taxe fédérale.

Pour l’instant, Ottawa n’a pas l’intention de mettre Québec au pas. La province « a un système qui fonctionne », nous assure-t-on au cabinet du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault.

Nous faisons plutôt l’analyse que ce système est brisé.

Il serait relativement simple de le réparer, notamment en retirant les crédits inutilisés du marché et en assujettissant davantage d’émetteurs afin de réajuster l’offre et la demande. Mais cela doit se faire rapidement. Sinon, les arguments pour abandonner le marché du carbone au profit de la taxe fédérale seront de plus en plus convaincants. Et ils viendront autant du Québec que de ses voisins.

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