Il y avait des chèques pour tout le monde et sa sœur dans la plus récente mise à jour économique du ministre des Finances, Eric Girard.

Mais un groupe n’a pas obtenu de bouée de sauvetage : les sociétés de transports en commun. Pourtant, ça presse. La Société de transport de Montréal (STM) se dirige vers un trou de 78 millions l’an prochain. Sur un budget de 1,7 milliard, ce n’est pas immense. Mais c’est assez pour faire planer le spectre d’une diminution de services.

La même situation se répète partout dans la province. En tout, le manque à gagner est évalué à 560 millions. Encore une fois, le chiffre peut paraître gros. Mais rappelons que Québec vient de faire pleuvoir 3,5 milliards en chèques sur les Québécois, dont plusieurs n’en ont aucunement besoin. Et qu’il devrait accorder dès 2023 des baisses d’impôt totalisant 7,4 milliards sur quatre ans.

Gouverner, c’est faire des choix. Ceux-là sont hautement contestables.

Les déficits qui frappent actuellement les sociétés de transport collectif ont deux causes. La première est structurelle. Les dépenses augmentent avec l’inflation, l’agrandissement des réseaux et le vieillissement des infrastructures. Mais les revenus, eux, stagnent. Des sources comme la taxe sur l’essence, par exemple, ne sont pas indexées.

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Depuis 2016, des experts préviennent qu’on s’en va dans le mur avec le financement des transports en commun. Puis la pandémie est arrivée, faisant chuter l’achalandage et donc les revenus. Le mur, on a foncé dedans.

Depuis, la circulation automobile est revenue à ses niveaux prépandémiques, mais pas la fréquentation des transports collectifs (une preuve, par ailleurs, que le télétravail n’a pas amélioré notre bilan environnemental).

Avec moins d’usagers à desservir, il est normal que les sociétés de transport revoient leur offre de service. Mais l’exercice est terriblement risqué. Un service réduit risque d’attirer moins d’usagers, diminuant les revenus et entraînant des coupes supplémentaires. C’est cette spirale vers le bas qu’il faut absolument éviter.

Au-delà d’une aide d’urgence de plus en plus pressante, c’est donc toute la stratégie de financement des sociétés de transport qui doit être revue.

Où aller chercher l’argent ? Les possibilités sont multiples.

D’abord, des fonds pour les transports en commun, il en existe. Le hic : ils sont souvent destinés au développement des infrastructures et non aux opérations courantes.

Pour les gouvernements des ordres supérieurs, il est évidemment plus sexy d’inaugurer de nouveaux trains en coupant des rubans que de payer l’essence des autobus. Mais sans miner pour autant la nécessaire expansion des réseaux, un rééquilibrage est souhaitable.

L’autre poche dans laquelle on devrait piger, c’est celle des automobilistes, en tout cas là où il existe du transport collectif. D’abord parce que les transports en commun servent directement la cause des automobilistes en réduisant la congestion. Ensuite parce que l’objectif ultime est de diminuer l’usage de la voiture. Pour ça, il faut des mesures dissuasives.

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), par exemple, calcule que la part des automobilistes dans le financement du transport collectif a chuté de 8 % à 5 % entre 2001 et aujourd’hui. En décembre 2019, elle a proposé une hausse des immatriculations pour compenser. On lui a répondu que la Société de l’assurance automobile du Québec ne pouvait l’appliquer à cause de la refonte de son système informatique. Trois ans plus tard, elle attend toujours. C’est ridicule.

Il faudra finalement que les villes cessent de tirer dans leurs propres buts. Dans le contexte actuel, la décision de la Ville de Montréal d’offrir la gratuité du transport collectif aux 65 ans et plus à compter de juillet prochain est mal avisée. Voilà qui privera la STM de 40 millions par année, alors que bien des aînés peuvent très bien payer leur billet de métro.

À l’heure où l’on tente de combattre les changements climatiques et de densifier nos villes, on ne peut pas laisser les sociétés de transport collectif jouer aux mendiants pour boucler leur budget.

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    De façon approximative, un tiers du financement des transports en commun au Québec provient des usagers. Un autre tiers, des municipalités. Et le dernier, du gouvernement provincial.