Quelle mouche a piqué François Legault ? Le premier ministre, fraîchement réélu, a nommé son Conseil des ministres il y a 10 jours à peine. Il a notamment confié la Sécurité publique à François Bonnardel, les Transports à la vice-première ministre Geneviève Guilbault et la Métropole au superministre Pierre Fitzgibbon.

Mais voilà déjà qu’il se met les pieds dans leurs platebandes — et dans les plats — avec des commentaires peu avisés sur le profilage racial et le pont-tunnel.

Parlons d’abord de profilage racial.

Mardi, la Cour supérieure a rendu une décision majeure qui fera en sorte que les policiers ne pourront plus intercepter un automobiliste sans motif réel, d’ici six mois. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les Noirs qui se font arrêter à répétition, sans avoir commis le moindre geste répréhensible.

C’est de la discrimination pure et simple. Il faut que ça change.

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Mais le premier ministre a plutôt jeté de l’huile sur le feu en déclarant qu’il fallait « laisser les policiers faire leur travail » et qu’il ne s’agissait pas d’une « question de profilage racial », mais d’une « question de s’assurer d’arrêter la violence à Montréal ».

Bien sûr, on veut tous réduire la violence dans la métropole. Sauf que l’objectif des arrestations aléatoires en voiture est de contrôler l’alcool et la drogue au volant, pas de lutter contre les fusillades et la violence.

En mélangeant les concepts, François Legault fait un dangereux amalgame qui alimente les préjugés au sein de la population. C’est extrêmement clivant.

Le racisme et le traitement des minorités constituent un enjeu sensible qui aurait mérité davantage de doigté de la part du premier ministre, qui a attaqué un jugement étoffé avec une phrase lapidaire.

Cette phrase malheureuse va dans le même sens que le refus obstiné de François Legault de reconnaître le racisme systémique envers les Autochtones. Elle démontre son peu d’empathie envers les citoyens victimes de racisme, ce qui est inacceptable. Et elle donne la désagréable impression qu’il cherche surtout à flatter ses électeurs inquiets de l’immigration.

Et dire que le premier ministre avait lancé un appel à l’unité nationale dans son discours prononcé lors de la prestation de serment des ministres ! « En Occident, on assiste à beaucoup de division, de groupes qui se radicalisent, des insultes qui pleuvent », déplorait-il.

S’il veut réellement apaiser les tensions au Québec, M. Legault aurait mieux fait de se taire à propos du profilage racial, lui qui a heurté les communautés culturelles de plein fouet durant la campagne électorale, avec ses déclarations malheureuses sur l’immigration, auxquelles se sont ajoutées celles carrément mensongères du ministre Jean Boulet.

Autre sujet chaud de la semaine : le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Autre déclaration peu judicieuse de la part du premier ministre.

Le chantier débute lundi prochain, jour de l’Halloween. Un scénario de film d’horreur pour les résidants de la Rive-Sud qui seront coincés dans des bouchons monstres parce que le gouvernement, qui dormait au gaz, a tardé à mettre en place des solutions de rechange.

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En mêlée de presse mercredi, le premier ministre s’est dit ouvert à l’idée d’interdire l’auto solo aux heures de pointe dans le pont-tunnel pour réduire la congestion. Cette solution, qui sent l’improvisation, n’est pas la voie à suivre.

Soyons francs, l’auto solo est un réel problème à Montréal, où l’on compte de plus en plus de véhicules, de plus en plus gros… mais de plus en plus vides. Résultat : ça bloque et ça pollue de plus en plus.

Le covoiturage est une avenue intéressante. Mais elle n’est pas si facile à mettre en place, car les automobilistes doivent trouver un compagnon à proximité qui a le même horaire, aller-retour. Un fameux défi, surtout quand il faut déposer les enfants en chemin.

En bannissant l’auto solo, on risquerait de déplacer le problème sur les autres ponts où se rabattraient les conducteurs.

Pour le gouvernement, cette fausse bonne idée ne serait qu’une façon de remettre sur le dos des automobilistes la responsabilité de son inaction, alors qu’il devrait plutôt s’évertuer à leur offrir des solutions de rechange intéressantes avec les transports collectifs.

Au lieu de réagir ainsi à la va-vite, le premier ministre devrait regarder à l’horizon pour garder le cap sur les grandes orientations à donner au Québec. Après tout, c’est lui, le capitaine du navire. Et en ce moment, le navire tangue.

Après une reprise postpandémique spectaculaire, l’économie du Québec fait désormais marche arrière. Son PIB a accusé une baisse durant quatre mois consécutifs, d’avril à juillet, ce qu’on n’avait pas vu depuis la crise financière de 2008. Tout ça alors que l’économie canadienne a enregistré six mois consécutifs de croissance. Triste contraste.

Les menaces de récession grondent sérieusement au-dessus de la province. Le Mouvement Desjardins estime qu’on y est déjà. Et pourtant, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’était permis de relever ses prévisions de croissance économique, en pleine campagne électorale. Ce geste contestable lui a permis de financer des promesses plus généreuses.

Dans son prochain énoncé budgétaire, plus tard cet automne, le gouvernement devra maintenant prouver que ses engagements demeurent réalistes, malgré les vents contraires.

Ce sera le premier vrai test pour la CAQ 2.0, qui doit tenir la barre des finances publiques à deux mains.

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