Dans deux semaines, la capacité du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sera réduite de moitié.

Ce chantier majeur, plus complexe que celui de l’échangeur Turcot, est annoncé depuis plusieurs années. Les impacts des travaux toucheront l’ensemble de la région métropolitaine, et plus loin encore.

Or le leadership du ministère des Transports du Québec (MTQ) dans ce dossier laisse à désirer.

Le MTQ a attendu au 12 octobre dernier, soit moins de trois semaines avant le début officiel des travaux, pour présenter le calendrier final des fermetures ainsi que les mesures de mitigation aux villes de Montréal et Longueuil, qui sont pourtant les premières concernées.

Ce n’est pas sérieux.

Sur les 120 000 véhicules qui empruntent le tunnel quotidiennement, environ 13 % sont des camions qui n’ont pas le choix d’aller à Montréal pour charger ou livrer des denrées.

Il n’y a pas trente-six mille solutions pour éviter de vivre un cauchemar quotidien pendant trois ans : il faut convaincre les automobilistes qui sont seuls dans leur voiture pour la plupart de laisser leur véhicule à la maison.

Encore faut-il leur offrir des options attrayantes et les vendre avec conviction.

Ce n’est pas tout à fait le cas pour l’instant.

Oui, le MTQ a mis sur pied une série de mesures qui vont de navettes gratuites (au nombre de cinq) à 2400 espaces de stationnement incitatifs (pour l’instant plutôt vides) et des voies réservées, etc. La Société de transport de Montréal ajoutera un train sur la ligne jaune du métro et le Réseau de transport de Longueuil bonifiera son service à la demande. Ce ne sont pas de mauvaises mesures, loin de là. Mais elles sont assez évidentes. Pourquoi n’a-t-on pas poussé la réflexion un peu plus loin ? Où sont les idées audacieuses ?

On pense à des navettes dédiées aux grands employeurs de l’Est de Montréal dont le personnel ne peut pas choisir le télétravail. Elles pourraient faire le lien entre la Rive-Sud et l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, l’Institut de santé mentale et le parc industriel des Futailles. On pense aussi à une plateforme de covoiturage dédiée.

Jusqu’ici, le MTQ donne l’impression d’être en mode attente : voyons voir comment les automobilistes réagiront et on s’ajustera au besoin. Comme si, au fond, on ne croyait pas vraiment que les gens allaient délaisser leur voiture.

Ce manque de leadership déteint sur les autres « partenaires » qui parlent tous au conditionnel : exo étudie la possibilité de bonifier son offre sur la ligne de train Mont-Saint-Hilaire. À la Ville de Montréal, on va « s’adapter » selon la gravité de la situation. Faut-il le répéter ? Le chantier débute dans 11 jours !

Non seulement le leadership du MTQ est déficient, mais son plan de communication manque de dents.

C’est comme si on espérait que les gens « trouvent » l’information plutôt que d’aller à leur rencontre pour les informer. Or la communication est cruciale dans ce type de projets.

Où sont les affiches géantes aux abords des ponts de la Rive-Sud pour faire la promotion des transports collectifs ? Pourquoi pas une campagne de sensibilisation massive dans les médias généralistes, à la télé à heure de grande écoute ? Comment se fait-il qu’on n’a pas distribué des dépliants dans toutes les boîtes aux lettres des zones touchées par les travaux ?

Comme le dit si bien Florence Junca-Adenot, qui a déjà dirigé la défunte Agence métropolitaine de transport, « il faut expliquer aux gens ce qu’ils gagneront en utilisant les transports collectifs ».

Elle sait de quoi elle parle puisqu’elle a supervisé le lancement du train de banlieue de Blainville lors des travaux de réfection du pont Marius-Dufresne reliant Laval à Rosemère par la route 117. Au départ, l’objectif était d’attirer 4500 usagers sur deux ans. Ils étaient 5000 après trois semaines ! Résultat : le train, qui était une option temporaire, est devenu permanent.

Il faut dire qu’on n’avait pas lésiné sur les moyens : journées portes ouvertes, passages gratuits, concours, distribution de beignes et de café. Des mesures qui peuvent sembler des détails, mais qui ont contribué à attirer les gens à prendre le train. Plutôt que de présenter le transport collectif comme une punition ou un pis-aller, on l’a transformé en évènement.

Le contexte du tunnel est différent puisqu’on offre pas une, mais plusieurs solutions de rechange aux automobilistes pour qu’ils renoncent à leur voiture.

Le contexte est différent, mais l’objectif est le même : augmenter le nombre d’usagers des transports collectifs au-delà de la durée des travaux. Est-ce que le MTQ y croit ? Si oui, il doit faire mieux.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion