La Coalition avenir Québec (CAQ) avait passé le plus clair de sa première année au pouvoir à éliminer les organismes qui pouvaient constituer des contre-pouvoirs qui pourraient s’opposer aux vues du gouvernement.

C’est ainsi qu’on avait littéralement émasculé la Régie de l’énergie en redonnant à Hydro-Québec et au gouvernement le soin de fixer les tarifs d’électricité. On avait aussi aboli les commissions scolaires, un dernier restant de l’ADN de l’ADQ, qui en avait fait son cheval de bataille en invoquant le faible taux de participation aux élections scolaires.

Dans l’entrevue qu’il a accordée à La Presse la semaine dernière, le premier ministre Legault affirmait qu’il allait puiser dans sa « réserve de courage » pour améliorer l’efficacité de l’État. C’est toujours l’efficacité qui est invoquée quand un gouvernement veut justifier un coup de force.

Dans le cas du réseau de l’éducation, cela signifierait que le gouvernement se donnerait les pleins pouvoirs pour choisir et congédier les directeurs généraux des centres de services scolaires. M. Legault ne s’en cache d’ailleurs même pas. « Il y a encore des pouvoirs à aller chercher pour avoir, entre autres, plus d’informations », disait-il à nos collègues, vendredi dernier.

« Il y a des choses qui sont faites [par les directeurs généraux] avec l’accord du conseil d’administration qui ne font pas nécessairement notre affaire », ajoutait le premier ministre pour bien établir que la seule chose qui compte, c’est que les centres de services scolaires fassent ce qu’on leur dira. Et tant pis pour l’autonomie promise.

Il faisait allusion au centre de services scolaires de Roberval qui a fermé des classes de maternelle 4 ans, faute de personnel.

C’est quand même un peu ironique. L’ensemble du milieu de l’éducation avait averti le gouvernement que le projet de maternelles 4 ans était l’exemple même d’une fausse bonne idée. À cause du manque de personnel et de locaux, il était peu réaliste de penser qu’on pouvait créer un réseau de maternelles 4 ans et il était plus important de compléter le réseau des centres de la petite enfance. À l’époque, M. Legault n’en avait cure.

Il y a quelques jours, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a dû reconnaître qu’il ne pourrait remplir la promesse de 2600 classes de maternelle d’ici 2025-2026 et il a reporté le tout à 2029-2030.

Mais si un directeur général de centre de services scolaire reconnaît le même problème et agit en conséquence, ce serait, selon le premier ministre, une raison de le congédier.

Bref, une réforme, qui était présentée comme un exemple de décentralisation et de volonté pour ramener le pouvoir aux parents et aux communautés, est en voie d’être transformée pour devenir exactement l’inverse.

Il y a dans toute cette attitude un enjeu de bonne gouvernance.

On risque de se retrouver avec des gestionnaires qui n’oseront plus donner au gouvernement une idée précise de ce qui se passe sur le terrain. Personne ne voulant être celui ou celle qui rapporte les mauvaises nouvelles au ministre ou au premier ministre, le silence risque de devenir la norme plutôt que la transparence.

C’est ce qui vient avec le pouvoir de congédier auquel tient tant le premier ministre.

En santé, la même conversion à la centralisation est notable. Dans les faits, le gouvernement Legault est en train de consolider et de terminer la réforme tant décriée de l’ex-ministre Gaétan Barrette.

Il faut rappeler que la CAQ, quand elle était dans l’opposition, avait d’abord appuyé la réforme Barrette pour ensuite s’en dissocier. « Avec le projet de loi, on centralise davantage de pouvoirs dans les mains du ministre, il décide de tout », avait dit le critique en matière de santé, François Paradis.

La question est maintenant de savoir si le gouvernement de la CAQ ira jusqu’au bout de ses intentions actuelles. S’il est un art qu’a bien appris ce gouvernement, c’est de changer de cap devant de mauvais sondages.

Après tout, n’est-ce pas ce gouvernement qui a érigé en dogme la notion d’acceptabilité sociale, une notion qui ne repose sur aucun critère objectif clair, sauf de lui permettre de reculer dès que l’eau devient trop chaude.

Actuellement, le ton du gouvernement est plutôt belliqueux. Il veut parler fort pour demander plus de flexibilité aux syndicats et se donner plus de contrôle du côté patronal dans les réseaux de l’éducation et de la santé. Et de moins en moins de personnes ne sont dupes du double langage qui fait qu’on essaie d’augmenter ses pouvoirs sous le couvert d’une volonté de décentralisation.

Sauf que ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement parle fort au début d’un cycle de négociations pour ensuite se rendre compte que l’appui populaire qu’il estimait avoir n’est plus aussi solide quand ça tourne à l’affrontement.

Avec ce gouvernement surtout, il vaut donc mieux attendre le prochain sondage.