L’inédit dans cette guerre, c’est la furie avec laquelle les médias occidentaux, surtout européens, se fendent en deux pour culpabiliser et même diaboliser les pays qui choisissent de rester neutres dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie. En plus de l’Inde et de la Chine, on parle ici de beaucoup de pays africains.

Pourtant, loin d’être insensibles au drame qui se joue en Ukraine, ce que beaucoup de pays africains refusent désormais, c’est d’être de simples marionnettes au service des puissances occidentales lorsque vient le temps de voter à l’ONU.

Cette nouvelle réalité s’inscrit dans un rééquilibrage des forces qui est en marche depuis que la Chine a commencé à bander ses muscles. Si elle s’exprime désormais au grand jour, c’est parce que l’hégémonie du monde occidental qui dure depuis la fin de la guerre froide vacille un peu.

Sans entrer dans les tenants et les aboutissants de cette guerre, cette petite chronique vise à donner une lecture moins eurocentrée de la neutralité affichée par beaucoup de pays africains lorsque vient le temps des condamnations à l’Organisation des Nations unies.

Il faut se voiler le regard pour ne pas réaliser que ce repositionnement est symptomatique d’une grande fracture séparant désormais deux mondes, deux communautés internationales. Une séparation qu’on voyait tranquillement venir, mais dont l’ampleur a été exposée au grand jour par cette épouvantable guerre.

Cette nouvelle posture affichée par beaucoup de pays africains contient un message codé que des médias occidentaux peinent à décrypter. En cause, la très grande majorité des pays africains se sont toujours fait dicter par les nations occidentales de quel côté de la force il fallait être lorsque venait un vote important. Si un pays voulait être invité au concert des nations dont l’Amérique était le chef d’orchestre incontesté depuis l’effondrement du bloc soviétique, il devait souvent accepter ce rôle de marionnette.

Pour mettre une image, c’est comme si, lorsque venait le temps de voter, le représentant de la France levait sa main droite et que, avec sa gauche, il intimait ceux de la Françafrique de copier son geste. Cette fois-ci, au grand déplaisir du monde occidental, beaucoup de pays africains ont refusé le mot d’ordre.

La surprise est totale. Les Européens se demandent même comment des nations traditionnellement sous leur influence pouvaient choisir une si honteuse dissidence devant l’horrible agression de Vladimir Poutine sur l’Ukraine.

En vérité, cette soi-disant neutralité des victimes du colonialisme et de l’impérialisme du monde occidental cache un message codé qui dit à peu près ceci : « Vous avez suffisamment envahi de pays et imposé votre supériorité militaire sur le reste de la planète pour savoir comment vous débrouiller tout seuls avec ce conflit qui se déroule, cette fois-ci, sur votre continent. Cette guerre est la vôtre. Et si nous refusons d’entrer dans les rangs, ce n’est pas par manque de solidarité avec les terribles souffrances du peuple ukrainien, mais pour vous rappeler que nous ne pouvons pas continuer d’être de simples pions sur votre échiquier géopolitique. Autrement dit, vous n’êtes plus la seule communauté internationale sur cette planète ! »