La semaine dernière, plusieurs nouvelles nous sont parvenues du front de l’éducation.

D’abord, la question de l’enseignement du français, qui s’avère encore plus inquiétante qu’on ne l’imaginait. L’épreuve ministérielle de français écrit de cinquième secondaire de 2022 est catastrophique. Le taux de réussite est en chute libre, blâmons la pandémie. Mais là où ça se corse est que dorénavant cet examen compte pour 20 % de la note plutôt que 50 % auparavant. On diplôme donc des élèves qui ne savent pas écrire.

Puis, on apprenait que plusieurs enfants en position d’échec passent directement de la cinquième année au secondaire dans des classes adaptées plutôt que de redoubler, ce qui les condamne à la difficulté et à la perspective du décrochage.

Des destins de vie s’écrivent à 10 ou 11 ans. Des situations précaires se jouent dès le primaire, dissimulées sous des statistiques jovialistes.

Ensuite, Bernard Drainville, le nouveau ministre de l’Éducation, a énoncé sept priorités sans grande vision d’ensemble, pour pallier le manque d’enseignants. La mesure la plus porteuse du lot étant celle d’une voie rapide vers un brevet d’enseignement. Des passionnés acquerront rapidement des crédits en pédagogie.

La semaine nous a rappelé que l’éducation, quoi qu’on en dise, n’est pas une priorité au Québec, que son état se détériore, que les profs s’épuisent, des jeunes se désintéressent, et que les conséquences de cet état handicaperont la société entière dans son élan.

Tous les deux ans, les questions éducatives font les manchettes. Système à trois vitesses dont la dernière, très, très ordinaire, voit ses élèves se démotiver, ses profs capituler… On tente désespérément de retenir l’attention des futurs décrocheurs largués par deux ans de pandémie et le miroir attrayant de jobines payantes.

Il y a cinq ans, lors de la campagne électorale qui allait porter la CAQ au pouvoir, François Legault (un ex-ministre de l’Éducation) disait : « Priorité à l’éducation ! » On a voulu y croire. Pourtant aujourd’hui, après 20 ans de réformes et de bricolage, et plusieurs ministres plus tard, le système est extrêmement complexe, sérieusement poqué. Trois avenues y accélèrent les inégalités sociales, et ne sont jamais remises en question par les ministres successifs. Au fil des réformes, on a abandonné l’école égale pour tous au profit de trois vitesses : l’école privée, payée en très grande partie par l’ensemble des Québécois et plébiscitée par les classes moyennes qui y voient un moyen d’échapper au public décrié, le public à projets particuliers qui fait des miracles pour ceux qui réussissent à s’y hisser, et le public ordinaire où sont parqués ceux qui ont perdu au jeu de chaises musicales éducationnelles ; tous ceux qui n’ont pas réussi à être « surclassés ».

Il faudrait que TOUS aient accès aux projets particuliers au public. Mais nous manquons de profs, d’argent, de motivation, de souplesse. Les classes sont trop populeuses. Il règne, depuis longtemps, une médiocrité systémique dans le système scolaire. L’école québécoise reproduit et creuse les iniquités sociales. Ce n’est pas la faute des profs, dont la majorité est dévouée et créative. Ni du personnel dépassé et pas assez nombreux. À tous les étages, des travailleurs portent à bout de bras le système.

Est-ce NOUS TOUS, comme société, qui n’accordons plus à la valeur éducation, et particulièrement en situation de nation minoritaire, la place qu’elle devrait occuper ? La question se pose.

L’école est aussi capitale que le système de santé, qui bouffe la plus grande part du budget étatique. L’éducation est l’assise de la société. Il n’y a pas si longtemps, elle permettait de s’émanciper de la fatalité de nos conditions. Elle fait progresser les idées. Il faut, comme société, retrouver le sens de l’école, chérir la valeur qu’elle représente, la projeter dans le futur, et ne pas la voir qu’utilitaire, une usine à futurs travailleurs.

Il y a des pistes de solution. Depuis 25 ans, des profs, des spécialistes y réfléchissent. Et en général, ça ne passe pas par la fuite en avant, la diplomation au rabais, ou une… quatrième vitesse, mais par quelque chose de révolutionnaire, de jamais essayé : faire un bilan des programmes !

Qu’est-ce qui fonctionne ? Qu’est-ce qui est cassé ? Qui ou quoi est responsable ? Que valoriser ? Pourquoi ? Pour qui ?

Parce que le personnel enseignant est à bout de souffle, parce que la société est à un carrefour crucial et que le savoir est la clé, il faut réfléchir globalement le système, et non le patcher une fois de plus.

Souhaitons à Bernard Drainville le courage et la force d’accomplir la job de sa vie.