Note au gouvernement Legault : les Québécois ne sont pas obligés de se faire avoir une deuxième fois sur le plan financier avec le Stade olympique de Montréal.

Construit au coût pharaonique de 1,5 milliard de dollars, le Stade a été l’une des pires décisions en matière d’infrastructures de l’histoire du Québec ET de celle du mouvement olympique.

Mais l’heure n’est pas à l’autoflagellation collective. Il faut plutôt décider ce qu’on fera avec notre Stade.

La toile du Stade est à la fin de sa vie utile. En 2017, Québec a décidé de la remplacer. Ça devait être prêt en 2023.

Non seulement les travaux ne sont pas commencés, mais, surprise, on apprenait mercredi qu’il faudrait aussi remplacer l’anneau technique auquel est accroché la toile1.

C’est un développement majeur. La facture vient de grimper en flèche. De combien de fonds publics supplémentaires parle-t-on ? Le Parc olympique et le gouvernement Legault ne veulent pas le dire pour l’instant.

Donc, on fait quoi avec notre Stade olympique ?

On a trois options :

  1. Remplacer le toit ;
  2. Vivre avec un Stade « hivernisé » sans toit ;
  3. Démolir le Stade.

Oublions tout de suite la démolition. Comme le Stade est trop gros et trop près du métro pour être dynamité, il faudrait le démanteler pièce par pièce. En 2012, la Régie des installations olympiques (RIO) a évalué le coût d’une démolition à 700 millions. Avec l’inflation, on parle aujourd’hui de 900 millions. C’est l’option la plus chère, la plus controversée, et on perdrait un actif patrimonial important.

Le débat porte donc sur l’option de remplacer le toit et celle d’« hiverniser » le Stade (avoir un Stade sans toit).

La ministre du Tourisme du Québec, Caroline Proulx, disait jeudi tenir absolument à remplacer le toit. Avec cette première option, le Stade serait utilisable 365 jours par années.

Avec la deuxième option, sans toit, le Stade serait disponible environ 200 jours par année, peut-être moins – bref, ce qu’on vit depuis des décennies avec nos problèmes de toit.

Le gouvernement Legault a une obligation de transparence. Compte tenu de l’importance du dossier et des sommes considérables en jeu, il doit rendre publics le coût et les détails des deux options, permettre le débat public et ensuite expliquer sa décision.

À un coût similaire et raisonnable, on préfère bien sûr un nouveau toit. C’est l’option défendue par Mme Proulx et la mairesse de Montréal, Valérie Plante. (C’est aussi ce qu’avait conclu le gouvernement de Philippe Couillard en 2017, mais on ne savait pas à l’époque qu’il faudrait remplacer l’anneau technique.)

Sauf qu’à première vue, l’option d’un Stade sans toit semble plus raisonnable pour les contribuables québécois.

En 2012, le RIO a évalué qu’il en coûterait 60 millions au départ (78 millions en dollars de 2023) pour « hiverniser » le Stade. Il faut aussi compter des coûts annuels (environ 8 millions/an). Selon notre estimation2, le coût total pour « hiverniser » le Stade sur 20 ans serait d’environ 345 millions.

Et un nouveau toit, comme le souhaite la ministre Caroline Proulx ? En 2017, le coût était de 250 millions. Avec l’inflation, c’est aujourd’hui entre 300 et 400 millions (ça dépend du chiffre d’inflation que vous prenez3). Il faut ajouter à cette somme le remplacement de l’anneau technique, qui coûtera sans doute des centaines de millions.

Au fond, Québec doit prendre une décision financière rationnelle.

À un prix similaire, on choisit un nouveau toit. Mais si le nouveau toit et le renforcement de l’anneau technique coûtent beaucoup plus cher, il vaut mieux un Stade « hivernisé » sans toit. Le Stade n’avait pas de toit de 1976 à 1987, et ce furent ses meilleures années !

Il ne faut pas se raconter d’histoires : le potentiel commercial du Stade est extrêmement limité, surtout en hiver. Aucune équipe de sport professionnel n’y joue régulièrement depuis le départ des Expos en 20044. Seulement deux concerts de vedettes internationales ont eu lieu dans la grande aire intérieure du Stade depuis 2015 et deux autres seront présentés cet été5. Doter le Stade d’un toit neuf n’y changerait pas grand-chose.

Comprenons-nous bien : le Parc olympique est important pour Montréal. Exploitons au maximum ses installations durant le printemps et l’été, particulièrement ses installations extérieures comme l’Esplanade.

Mais ce n’est pas renier notre fierté et notre passé olympique que de prendre une décision rationnelle sur le coût des rénovations du Stade.

On n’est pas obligé de payer une deuxième facture déraisonnable pour le Stade (pour le maintenir en vie l’hiver) parce qu’on l’a payé un prix de fou au départ.

1. Lisez l’article « Toit du Stade olympique : le cauchemar continue »

2. Pour arriver à notre estimation de 345 millions, nous avons compté l’investissement de base de 78 millions et les coûts annuels d’hivernisation du Stade. Pour déterminer les coûts annuels, nous avons utilisé le coût d’hivernisation de 1,6 million en 1976 ajusté à l’inflation (selon l’inflation générale au Canada), ce qui correspond à 8,09 millions en 2023. Nous avons augmenté cette somme de 5 % par an (pour l’inflation) pendant 20 ans.

3. Avec l’inflation générale au Canada, ça donne 301 millions en dollars de 2023. Avec l’inflation dans le milieu de la construction d’immeubles industriels au Québec (un indice plus précis), on arrive à 393 millions.

4. Le CF Montréal y dispute un match par année, généralement en mars.

5. AC/DC et One Direction s’y sont produits en 2015, et Metallica donnera deux concerts cet été.

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