Le prochain toit du Stade olympique nécessitera des changements majeurs à la structure du bâtiment, a annoncé discrètement mercredi le Parc olympique, ce qui risque de faire exploser la facture et l’échéancier du projet. Encore une fois.

L’anneau technique du Stade – l’immense couronne de béton qui constitue sa pièce maîtresse – devra être démantelé et remplacé, ont déterminé les ingénieurs qui se penchent depuis deux ans sur le remplacement du toit. L’ampleur de la décision est telle que la Société de développement et de mise en valeur du Parc olympique renonce au financement déjà réservé par Québec et redémarre le processus d’approbation.

« C’est un élément-clé de l’ossature ingénieuse du stade. Le replacer sera peut-être nécessaire pour maintenir l’intégrité structurale du tout. Comment et avec quelle attention à sa dimension architecturale ? », se demande Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal. « Il faudra que les ingénieurs et les experts en patrimoine travaillent ensemble dès le début et pas juste pour faire semblant. »

Le projet de toit – fixe, en acier et en verre – est le plus récent chapitre d’un feuilleton en forme d’histoire d’horreur qui s’étire depuis plus de 30 ans et qui a coûté des dizaines de millions aux contribuables.

« L’analyse technique effectuée par des experts internes et externes du Parc olympique a révélé la nécessité de remplacer l’anneau technique du Stade pour se conformer au nouveau Code du bâtiment » dans le contexte de l’installation d’un nouveau toit, indique l’organisation publique.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Source : Étude patrimoniale du Parc olympique de Montréal, France Vanlaethem

Appel d’offres annulé

Le Parc olympique a publié ces changements sans tambour ni trompette, mercredi, en annonçant qu’elle continuait à travailler avec les ingénieurs du consortium formé par les firmes Pomerleau et Canam. L’organisation aurait normalement dû déclencher un appel d’offres pour le contrat, mais a préféré le leur confier directement.

Michel Labrecque, président du Parc olympique, a refusé la demande d’entrevue de La Presse. Sa conseillère Laurence Coll nous a dirigé vers Vincent Fournier, un relationniste de l’agence TACT Conseil, qui a indiqué qu’il n’était pas en mesure de parler au nom de l’organisation.

Le cabinet de la ministre du Tourisme, responsable du Parc olympique, a aussi refusé de commenter le dossier.

« Tout ce processus s’est fait en conformité avec la Loi sur les contrats des organismes publics, sous la supervision d’un vérificateur indépendant et en consultation avec le ministère du Tourisme et la Société québécoise des infrastructures, s’est borné à déclarer Michel Labrecque par voie de communiqué. Cette nouvelle étape permet de continuer de développer le projet dans le meilleur intérêt public. »

Un immense tube

L’anneau technique du Stade olympique est un gigantesque tube de béton de plus de 450 mètres de long, situé au sommet de la structure.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L’anneau technique bien visible pendant un match préparatoire de la MLB au Stade olympique en avril 2017

« C’est tellement grand qu’on peut s’y promener sans problème », a expliqué France Vanlaethem, architecte et professeure émérite à l’École de design de l’UQAM, en entrevue téléphonique. Elle a récemment rédigé une longue analyse sur la valeur patrimoniale du legs bâti des Jeux de 1976.

Avec une toiture fixe faite en acier, « l’équilibre du bâtiment change », ce qui peut avoir forcé les ingénieurs à alléger la partie supérieure du bâtiment, a-t-elle dit. « C’est lié. [L’anneau technique], c’est la césure entre la structure et le toit. »

« C’est un élément non seulement structurellement important, mais aussi fonctionnellement important », notamment parce que les techniciens de scénographie l’utilisent pour installer du matériel, a-t-elle continué. « C’est un élément essentiel dans la conception du bâtiment. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DU PARC OLYMPIQUE

Installation de l’anneau technique en 1975

« Un grand défi de design », a ajouté Philippe Lupien, architecte et professeur à l’École de design de l’UQAM, qui connaît bien la structure du Stade olympique et est resté en contact avec son concepteur, l’architecte Roger Taillibert, jusqu’à la fin de sa vie.

Claude Phaneuf, un des ingénieurs qui ont travaillé sur la structure du Stade olympique, décrivait l’anneau technique comme l’un des éléments faisant du bâtiment « une prouesse du XXe siècle ».

M. Phaneuf, mort en 2022, était un défenseur infatigable de l’œuvre de M. Taillibert, décédé en 2019.

Histoire d’horreur

Les problèmes du toit du Stade font la manchette depuis plus de 30 ans.

La première toile, rétractable et installée en 1987, s’est déchirée l’année ayant suivi son installation. Elle a dû être retirée 10 ans plus tard.

  • La toile du Stade olympique s’est déchirée en 1999 sous le poids de la neige.

    PHOTO ANDRÉ FORGET, ARCHIVES LA PRESSE

    La toile du Stade olympique s’est déchirée en 1999 sous le poids de la neige.

  • La toile du Stade olympique s’est déchirée en 1999 sous le poids de la neige.

    PHOTO PIERRE MCCANN, ARCHIVES LA PRESSE

    La toile du Stade olympique s’est déchirée en 1999 sous le poids de la neige.

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La deuxième toile a été installée en 1998 et s’est elle aussi déchirée l’année suivant son installation, ce qui a entraîné une chute de neige dans le Stade.

C’est ce toit qui couvre le Stade depuis, mais plus de 12 000 réparations ont dû être effectuées au cours des années.

Depuis 2002, le propriétaire du Stade cherche plus ou moins activement à faire construire un troisième toit. En 2017, le gouvernement de Philippe Couillard avait annoncé un nouveau toit pour 2023, ce qui représentait une facture de 250 millions.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Les problèmes du toit du Stade font la manchette depuis plus de 30 ans.

En 2020, seul le consortium formé de Pomerleau et de Canam s’était montré intéressé par la conception du prochain toit du Stade, alors que le Parc olympique espérait attirer au moins trois équipes concurrentes. À l’époque, l’organisation évoquait une inauguration du toit en 2024. Aucune nouvelle date n’a été évoquée depuis.

En plus de Canam, Pomerleau s’est alliée aux bureaux d’architectes Lemay et ACDF Architecture, ainsi qu’à la firme de génie texane Walter P Moore.

Cette dernière a fait des stades sportifs une spécialité, ayant réalisé plus de 200 de ces projets, et se targue sur son site d’être « le plus important concepteur de toits rétractables et de structures de longue portée aux États-Unis ». Walter P Moore a notamment travaillé à l’AT&T Stadium, domicile des Cowboys de Dallas (NFL), au Toyota Center, domicile des Rockets de Houston (NBA), et au Mosaic Stadium, domicile des Roughriders de la Saskatchewan (LCF).

Le Stade olympique en quelques dates

1976 : Inauguration du Stade olympique de Montréal, juste à temps pour les Jeux olympiques d’été.

1987 : Installation d’un premier toit rétractable, qui dure à peine 10 ans. La toile se déchire rapidement.

1998 : Installation d’un deuxième toit. L’année suivante, la toile se déchire sous le poids de la neige et force l’annulation du Salon de l’auto prévu dans le Stade.

2007 : Après des années de travail, SNC-Lavalin dépose une proposition pour un troisième toit. Celle-ci n’aboutira pas.

2020 : Les tentatives du Parc olympique pour trouver des ingénieurs intéressés par la conception d’un nouveau toit ne sont pas couronnées de succès. Un seul consortium, formé de Pomerleau et de Canam, tente sa chance.