La transformation du Vieux-Montréal en « royaume des piétons » devrait débuter par les secteurs de la basilique Notre-Dame et de la place Jacques-Cartier, mais le projet suscite de l’opposition locale, a appris La Presse.

Un sondage effectué jusqu’à la semaine dernière par la Société de développement commercial (SDC) locale montre que 54 % des commerçants, habitants et travailleurs sondés sont défavorables ou très défavorables au plan de l’administration Plante.

Celui-ci consisterait, selon les images de la Ville de Montréal datant de la fin de mars intégrées au rapport de sondage, à piétonniser totalement ou partiellement des tronçons des rues Saint-Paul, de la Commune, Place d’Armes et Saint-Sulpice. Par endroits, les véhicules pourraient encore passer à basse vitesse.

D’autres rues verraient leurs voies de circulation être réduites pour laisser plus de place aux piétons avec une « bonification du mobilier urbain et du verdissement » à la clé.

La grande majorité des 142 individus sondés par la SDC s’inquiètent du « risque de congestion » et des « enjeux de logistique opérationnelle quotidienne », indique le sondage. Plusieurs y voient toutefois un impact positif sur la perception du quartier par les visiteurs (38 %) et une « réduction des nuisances liées aux voitures » (37 %). Le sondage a été réalisé du 25 mars au 15 avril derniers.

Retrait de la SDC

La SDC du Vieux-Montréal a préféré ne pas commenter le dossier.

La Presse a toutefois appris que l’organisation s’est officiellement retirée des ateliers de concertation menés par la Ville de Montréal, il y a un mois. Les services municipaux mènent depuis plusieurs semaines des rencontres de ce type avec des commerçants et institutions du secteur, plutôt que de procéder à des consultations publiques traditionnelles.

La volonté de transformer le Vieux-Montréal en « royaume des piétons » avait été annoncée en mai 2023 par Valérie Plante, à l’issue d’un sommet municipal sur le climat.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Un piéton traversant la rue Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal

« On a la chance d’avoir un vrai quartier historique, un quartier très couru, très populaire ; on veut le rendre plus convivial », avait-elle expliqué, citant la piétonnisation de zones au cœur de Vienne, Bruxelles, Amsterdam ou Montpellier. Elle avait affirmé qu’un premier secteur du Vieux-Montréal serait consacré aux marcheurs dès l’été 2024.

L’annonce avait pris par surprise la SDC du Vieux-Montréal, qui « a appris aujourd’hui même, en même temps que le public ainsi que les médias, l’existence d’un projet de piétonnisation dès l’été 2024 », affirmait-elle à l’époque.

L’organisation a rapidement commandé un sondage auprès d’une firme spécialisée. Le document, mis en ligne sur le site de la SDC, montre que « 70 % des entrepreneur.e.s sondés seraient en désaccord avec la piétonnisation de la rue où se situe leur entreprise ».

Consultation « toujours en cours »

L’administration Plante a refusé d’accorder une entrevue à La Presse sur le sujet.

« Le projet de piétonnisation dans le Vieux-Montréal vise à en faire une destination unique, sécuritaire, et mieux adaptée au rôle central du quartier dans l’attrait touristique de la métropole », a expliqué Catherine Cadotte, attachée de presse de la mairesse. « Un tel changement dans les habitudes des résidents, des commerçants et des hôteliers du quartier nécessite un travail de consultation qui est toujours en cours et qui vise à ajuster le projet aux besoins et aux préoccupations qui sont exprimées. »

Reprenant les données des sondages successifs de la SDC, elle a fait valoir que l’accueil pour le projet s’améliorait dans le quartier. « Le travail de consultation est piloté par la Ville de Montréal, et a contribué à augmenter de près de 20 % l’adhésion des commerçants au projet depuis un an », a-t-elle ajouté. « La version finale du projet est toujours en cours de bonification dans le cadre des rencontres qui se déroulent actuellement avec les commerçants, en vue de la présentation du projet au cours des prochaines semaines. »

L’opposition se dit en faveur d’un projet de piétonnisation, mais critique la façon dont l’administration Plante mène le dossier.

Elle « improvise le réaménagement de l’un des quartiers les plus importants et uniques de Montréal », a déploré le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem, dans une déclaration transmise par écrit.

Pendant des mois, les résidents et les commerçants ont été dans le noir total. La mairesse essaie maintenant de leur rentrer un projet bâclé dans la gorge.

Aref Salem, chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal

« Ce projet va complètement changer le visage du secteur et, par conséquent, il est capital que les citoyen.nes touchés y adhèrent et que toutes les conditions gagnantes soient réunies pour favoriser sa réussite », a-t-il ajouté, à défaut de quoi le projet devrait être reporté d’un an.