Le nouveau propriétaire de l’iconique diner d’inox de la rue Saint-Denis a annoncé vouloir garder le bâtiment à Montréal, alors que le démantèlement de la structure a débuté.

L’homme d’affaires Jean-Pierre Asselin a hérité du restaurant installé à l’angle de la rue Gilford, sur le Plateau Mont-Royal, parce que le terrain s’apprête à accueillir un projet de condos.

« J’aimerais rester à Montréal », a dit M. Asselin, vendredi, en entrevue téléphonique. Il a évoqué la possibilité de s’installer au Quartier des spectacles, au centre-ville ou sur les rives du canal de Lachine avec une structure agrandie.

On va certainement organiser une rencontre avec les gens de Valérie Plante pour voir s’il y a un arrondissement qui accepterait de nous accueillir.

Jean-Pierre Asselin, nouveau propriétaire du Pizzaiolle

« Ça va être un défi », a-t-il reconnu. Lui-même travaille dans le domaine de la logistique du transport, mais a indiqué qu’il comptait travailler avec « des amis restaurateurs qui ont des restaurants à succès ». Il n’a pas souhaité les identifier.

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Démantèlement de l’iconique restaurant Pizzaiolle au coin Saint-Denis et Gilford

À défaut de pouvoir garder le bâtiment préfabriqué dans la métropole, Jean-Pierre Asselin envisage de l’installer sur le bord d’une autoroute, peut-être sur l’A10 à la porte de l’Estrie.

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L’intérieur du restaurant Pizzaiolle

« Méthode égyptienne »

Quelques heures avant l’entrevue, La Presse a pu assister au déménagement de l’une des deux sections de la structure, usinée aux États-Unis dans les années 1950. Après une première carrière américaine, le diner avait traversé la frontière en 1992 à l’initiative du restaurateur montréalais Daniel Noiseux.

« Le temps passe vite… Trente ans ! », a dit en soupirant M. Noiseux en observant la scène.

Il y a plus de soulagement que de tristesse. J’arrive à 72 ans et je suis vraiment content de le voir poursuivre sa carrière.

Daniel Noiseux, restaurateur et ancien propriétaire du casse-croûte

Devant lui, ni grue ni machinerie complexe. Les travailleurs spécialisés ont simplement rehaussé la section qu’ils devaient bouger avec des vérins hydrauliques avant de la faire glisser sur une immense remorque à l’aide de « patins » et de sangles de nylon. « C’est la méthode égyptienne », a relevé le restaurateur.

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Opération de chargement d’une section du casse-croûte en vue de son déménagement

« La difficulté, c’est le poids », a expliqué Justin, l’un des ouvriers. Les modules préfabriqués modernes – qu’il est habitué à transporter – sont beaucoup plus légers que celui-ci et sa couche de « deux pouces de béton à la grandeur du plancher ».

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La deuxième section du diner, celle qui fait face à la rue Saint-Denis, sera déménagée de la même façon lundi matin. Elle rejoindra ensuite sa comparse de toujours sur un terrain de la région de Drummondville, où la structure attendra la prochaine étape de sa vie.

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L’enseigne abattue du restaurant Pizzaiolle

Avant de l’entamer, le restaurant devrait subir une cure de jouvence. « Tout est à faire, tout est à refaire », a expliqué Jean-Pierre Asselin, qui veut « moderniser tout ça ». L’homme d’affaires voudrait aussi agrandir le restaurant afin de pouvoir accueillir davantage de clients.

« C’était la passion qui a parlé plus que la raison »

Charles Duchesne, président de la firme immobilière Residia, se demandait bien ce qu’il allait faire du diner d’acier en achetant ce drôle de terrain en coin, en 2022.

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Le restaurateur Daniel Noiseux et le président de la firme immobilière Residia, Charles Duchesne

Après plusieurs mois à tenter de trouver un repreneur sérieux, il s’est finalement tourné vers M. Asselin. « C’est très positif », a-t-il dit. Ses ouvriers ont œuvré tout le mois d’avril à préparer le déménagement, entre autres en séparant les deux sections et en nettoyant les murs extérieurs des dizaines de graffitis qui s’y étaient accumulés.

M. Noiseux déprimait à voir son bébé barbouillé. Il y a 32 ans, l’homme avait englouti temps et argent pour refaire le restaurant à l’identique, avec l’aide d’experts, d’architectes et d’artisans. « C’était la passion qui a parlé plus que la raison », a-t-il admis.

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Vue aérienne de l’intersection où le casse-croûte était situé, à Montréal

D’abord exploité comme un authentique casse-croûte routier américain sous le nom de Galaxie, le restaurant est devenu une pizzéria en 1998. Celle-ci a fermé pendant la pandémie, et n’a jamais rouvert.

À présent, le restaurant est ouvert à tous les vents et des contreplaqués ont dû être installés pour protéger l’intérieur des deux sections. « C’est impressionnant de le voir comme ça. Je suis un peu ému », a laissé tomber Charles Duchesne. L’émotion cédera toutefois bientôt sa place à l’ébullition : la construction de son projet de 30 logements, baptisé Galaxie, commence dès que le champ est libre.