Trois mois après avoir annoncé l’abolition des bonis pour ses 1800 cadres, l’administration Plante a accepté de leur verser une somme équivalente à même leur chèque de paie, a appris La Presse. Montréal fait valoir que la loi l’y oblige, mais l’opposition s’insurge.

À l’issue des négociations de renouvellement de leur entente de travail, les cadres municipaux jouiront d’une augmentation récurrente de 3,5 % de leur salaire qui représente « l’enveloppe monétaire [auparavant] prévue pour les bonis », s’est réjouie leur association dans un communiqué interne daté de la fin de mars. Cette augmentation s’ajoute à une hausse salariale négociée de 2,15 % pour 2024 et de 2,5 % pour 2025.

La proposition de l’employeur, incluant ces augmentations, a été acceptée « à très forte majorité » par les cadres en assemblée générale, poursuit le document.

En décembre, Valérie Plante et son directeur général, Serge Lamontagne, assuraient que les bonis accordés pour l’année 2023 seraient « les derniers ». Personne n’avait précisé que cet argent serait simplement intégré au salaire des cadres.

« On aurait des plaintes au tribunal »

Luc Rabouin, numéro deux de l’administration Plante, a fait valoir que la Ville ne pouvait pas simplement abolir les bonis sans offrir de compensation aux cadres. « On ne peut pas diminuer leur rémunération, on n’a pas le droit de faire ça. La loi nous empêche de faire ça », a expliqué M. Rabouin, dimanche, en entrevue téléphonique. « On aurait des plaintes au Tribunal administratif et on ne gagnerait pas. »

« Je comprends que ça peut surprendre, c’est pour ça que c’est important de l’expliquer », a ajouté l’élu.

Luc Rabouin souligne que l’augmentation salariale de 2,15 % négociée en 2024 et de 2,5 % pour 2025 est bien moindre que les hausses négociées dans la fonction publique provinciale l’automne dernier. Par ailleurs, « on a travaillé fort pour argumenter que la Ville n’est pas capable de donner l’inflation, on n’a pas les moyens ».

« Pour 2024, le coût des nouvelles dispositions est de 6,75 millions en 2024 et de 10,75 millions en 2025 », a indiqué le relationniste Gonzalo Nunez, par courriel. Il a insisté sur la nécessité d’être compétitif sur le marché de l’emploi. M. Rabouin a ajouté que la Ville peinait à recruter des cadres, parce que des professionnels ne veulent pas faire le saut et perdre certains avantages.

L’entente prévoit aussi que la Ville ajoute 3 millions annuellement pour améliorer les assurances collectives, des heures supplémentaires mieux payées, ainsi qu’un « déplafonnement » des échelles salariales jusqu’à 120 % « pour les hauts performants ».

« Nouveaux bonis »

L’opposition officielle « déplore la décision de l’administration Plante qui implante en catimini de nouveaux bonis pour les cadres de la Ville de Montréal, et ce, quelques mois après avoir annoncé la fin de ces bonis », a déclaré le maire d’arrondissement Alan DeSousa par écrit.

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Alan DeSousa, maire de l’arrondissement de Saint-Laurent de la Ville de Montréal et membre d’Ensemble Montréal

M. DeSousa a aussi fait valoir que cette décision arrive à un bien mauvais moment, alors que « les finances de la Ville de Montréal sont dans le rouge ». Au dernier conseil municipal, l’élu avait fait admettre au responsable des finances de Valérie Plante, Luc Rabouin, qu’il préparait un scénario de rationalisation où les services municipaux devaient se contenter d’un gel budgétaire pour 2025, ce qui suppose une réduction du nombre de postes.

Les deux plus gros syndicats municipaux se sont dits surpris par l’entente. « La Ville me démontre clairement qu’il y en a de l’argent », a réagi Patrick Dubois, président du syndicat des cols blancs. « On s’attend à la même chose. » « S’il y a de l’argent pour les cadres, ça veut dire qu’il y en a pour les travailleurs et les travailleuses qui donnent les services », a dit Jean-Pierre Lauzon, président des cols bleus.

L’Association des cadres municipaux de Montréal (ACMM) n’a pas voulu commenter le dossier.