Le dernier grand domaine religieux des flancs du mont Royal est sur le point d’être mis en vente pour des centaines de millions de dollars, alors que ses occupants préparent leur avenir, entre résignation et volonté de durer.

Ce qu’il faut savoir

Les Sœurs de Notre-Dame mettent en vente le Domaine Villa-Maria, dont elles sont propriétaires depuis 1854.

Le terrain est situé entre Westmount et Notre-Dame-de-Grâce. Il vaudrait des centaines de millions.

Le Collège Villa Maria, locataire des lieux, travaille à demeurer sur place.

Le Domaine Villa-Maria, un terrain de 1,7 million de pieds carrés niché entre Westmount et Notre-Dame-de-Grâce, appartient aux Sœurs de Notre-Dame depuis 1854.

Chaque jour, les deux extrémités de la vie terrestre s’y frôlent. Une foule bruyante de jeunes remplissent les collèges Villa Maria et Marianopolis, installés dans des immeubles patrimoniaux du site. À quelques dizaines de mètres, la résidence Bonsecours, où une centaine de sœurs (âge moyen de près de 90 ans) continuent à vivre dans le respect de leurs vœux perpétuels, la plupart dans une infirmerie.

Ces dernières n’ont plus l’énergie pour gérer les lieux. L’an dernier, elles ont annoncé leur volonté de vendre l’ensemble immobilier, qui comprend de vastes espaces verts qui font saliver les promoteurs immobiliers. Les religieuses ont déjà reçu de nombreux appels.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Sœur Ona Bessette

« Ça fait longtemps qu’on y pensait. On a fait des études, eu des conversations. Ce n’est pas une décision qu’on prend à la légère. Il y a un immense impact sur la vie des sœurs », explique sœur Ona Bessette, supérieure générale, en entrevue avec La Presse. Son ton est calme, posé, malgré le déchirement imminent. « C’est désolant. Mais nous devons continuer à assurer leur subsistance, et s’occuper de cet ensemble, c’était simplement trop. »

« L’histoire de cet immeuble, c’est l’histoire de notre école »

Si le collège Marianopolis (un cégep privé anglophone) vient d’acheter des Sœurs son bâtiment et ses environs immédiats, ce n’est pas le cas du collège Villa Maria. L’école secondaire privée de 1900 élèves a été créée par la congrégation il y a 170 ans, à l’époque de l’achat du domaine. Les religieuses l’ont administré jusqu’en 2009.

Le bail du collège sera respecté jusqu’à son échéance, en 2030, ont assuré les Sœurs. Ensuite, c’est le futur propriétaire qui décidera.

« La volonté de notre école, c’est de rester sur le site et de continuer l’œuvre des Sœurs de la congrégation ici même, dans son écrin depuis toujours », fait valoir Catherine Maheu, présidente du conseil d’administration du collège.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Catherine Maheu, présidente du conseil d’administration du collège Villa Maria

L’histoire de cet immeuble, c’est l’histoire de notre école. Ça fait partie de notre ADN.

Catherine Maheu, présidente du conseil d’administration du collège Villa Maria

L’entrevue constitue la première prise de parole officielle de l’institution depuis l’annonce de la mise en vente du domaine, l’an dernier. Elle se déroule dans l’atmosphère distinguée et feutrée de la section la plus ancienne du collège, une villa qui a servi de résidence officielle à trois gouverneurs généraux du Canada au milieu du XIXsiècle.

« On travaille inlassablement » à assurer l’avenir du collège sur place « coûte que coûte », continue Mme Maheu, qui souligne que le collège a lui-même fait construire des pavillons sur le site. « Il n’y a que ce scénario-là. On est certains qu’il y a une voie de passage, qu’il y a une solution qui est à portée de main. » Cette volonté sera inscrite dans la fiche immobilière que la firme de courtage Colliers devrait incessamment publier.

« Il faut accepter de détacher »

Des fenêtres de l’infirmerie et de la résidence, les religieuses peuvent voir le collège où beaucoup d’entre elles ont œuvré. Comme leur fondatrice Marguerite Bourgeoys il y a 350 ans, les Sœurs de Notre-Dame se sont consacrées à l’éducation, dirigeant des centaines d’écoles au Québec et ailleurs dans le monde.

« Il faut accepter de détacher. Aussi douloureux que cela puisse être (et ce l’est), c’est une transformation, laisse tomber la supérieure générale. Ce n’est pas facile, mais les sœurs réalisent que c’est une nécessité. »

La congrégation exprime le souhait « très fort » de voir les futurs acquéreurs maintenir le collège Villa Maria sur le site, mais n’a pas pu trouver un terrain d’entente avec la direction pour qu’elle rachète les lieux.

L’école peut compter sur un autre appui : « Nous sommes en contact régulier avec les équipes du collège Villa Maria et nous sommes alignés avec eux sur l’objectif de maintenir l’école ouverte », indique la mairesse d’arrondissement, Gracia Kasoki Katahwa, par l’entremise de son cabinet.

« Notre priorité est la préservation de cet espace patrimonial important pour l’arrondissement ainsi que ses espaces verts, continue-t-elle. Bien qu’aucun projet concret n’ait été déposé à l’arrondissement pour le Domaine Villa-Maria, nous suivons de près ce dossier et nous attendons avec intérêt des initiatives pour le site. »

Sœur Bessette et les autres leaders de la congrégation cherchent maintenant où iront les religieuses qui ont besoin de soins médicaux, après 2030. Une partie des « centaines de millions de dollars » que les sœurs s’attendent à recevoir d’un éventuel acquéreur sera consacrée à assurer la subsistance des quelque 500 sœurs de Notre-Dame.

Le reste du montant de la vente ira au Fonds Marguerite-Bourgeoys, qui soutient « les élèves en situation de vulnérabilité qui fréquentent les écoles primaires et secondaires publiques du Québec ».

Rectificatif :
Une version précédente de ce texte identifiait incorrectement le fonds auquel est destiné le profit de la vente du domaine. Nos excuses.