Si on avait besoin d’une preuve de plus du manque d’empressement de la CAQ à régler la crise du logement, la voilà.

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a attendu la toute dernière journée de la session parlementaire pour déposer son projet de loi 31 sur l’habitation, qui est arrivé à l’Assemblée nationale vendredi dernier… entre les bons vœux des députés pour la saison estivale et le dépôt d’un projet pour reconnaître l’amiral blanc comme insecte emblématique du Québec.

Sans rien enlever aux insectes, ça donne une idée de l’ordre des priorités de la CAQ.

Pourtant, l’habitation devrait être tout en haut de la liste du gouvernement. À l’approche du 1er juillet, le marché locatif est tendu à l’extrême, avec un taux d’inoccupation d’à peine 1,7 % – le plus bas en 20 ans – alors que le taux d’équilibre se situe à 3 %.

Dans ce contexte, l’idée de permettre aux propriétaires de bloquer une cession de bail a été reçue comme une tonne de briques par les locataires. Il faut dire que la ministre a bien mal défendu ce changement dans les médias, en laissant entendre que les locataires mécontents n’avaient qu’à acheter eux-mêmes un immeuble.

Un manque flagrant de sensibilité, même si la ministre s’en est ensuite défendue.

Mais sur le principe, elle a raison. Il est normal que les propriétaires puissent choisir le locataire qui vivra sous leur toit. Ce qui est anormal, c’est que la cession de bail soit maintenant perçue comme un outil de dernier recours pour mater la hausse des loyers.

Cela démontre qu’il y a quelque chose qui cloche dans le marché. Et le projet de loi 31 n’y changera pas grand-chose.

Il est vrai que la ministre s’attaque aux évictions cavalières, en imposant aux propriétaires qui mettent leur locataire à la porte le versement de frais de déménagement raisonnables en plus d’une indemnité allant jusqu’à 24 mois de loyer, par rapport à trois mois en ce moment. Voilà qui assainira le marché.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau

Toutefois, la CAQ ne change pas les règles lorsque les locataires quittent le logement de leur plein gré. Leur départ ouvre la porte à une hausse de loyer importante. Selon la SCHL, le loyer moyen d’un appartement de deux chambres ayant accueilli un nouveau locataire a bondi de 14,5 % en 2022, quatre fois plus que la hausse (3,5 %) pour les logements qui ont gardé le même occupant.

L’enjeu est là. Et la racine du problème, c’est la pénurie de logements qui fait grimper les prix. La solution est donc de construire et de rénover.

Alors que les trois quarts des immeubles locatifs au Québec sont âgés d’au moins 40 ans, il est crucial d’encourager les propriétaires à restaurer les appartements si on ne veut pas se retrouver avec des taudis.

Québec pourrait donc repenser la formule utilisée pour ajuster le loyer lorsque le propriétaire fait des travaux majeurs. En ce moment, le calcul fait en sorte qu’il lui faut 26 ans pour récupérer son investissement, ce qui ne donne pas tellement le goût de sortir son marteau.

Pour aider les plus démunis, Québec devrait par ailleurs construire davantage de logements abordables et bonifier les prestations pour les ménages qui consacrent une trop grande part de leur budget au logement.

Mais il faut aussi davantage de logements pour la classe moyenne, car la crise frappe tout le monde, dans toutes les régions du Québec.

Pour y arriver, il est grand temps que Québec exerce un véritable leadership, qu’il fixe des objectifs de construction et qu’il enlève les embûches qui bloquent les projets, en particulier du côté locatif.

Par exemple, comment se fait-il que le poids de la réglementation soit cinq fois plus lourd pour la construction de logements locatifs que pour les maisons unifamiliales, comme le démontre une étude de la SCHL ? C’est absurde !

Pourquoi les municipalités interdisent-elles la construction d’immeubles locatifs ou de logements accessoires sur une grande part de leur territoire qui est réservée à l’unifamiliale ? Cela va à l’encontre du principe de la densification !

Vivement un plan d’action audacieux pour contrer la crise de l’habitation, comme en Ontario et ailleurs au pays.

Tout le monde est prêt à mettre ses forces en commun. Mercredi, une foule d’intervenants qui n’ont pas l’habitude de frayer ensemble, tant des promoteurs immobiliers que des groupes communautaires, se sont donné la main pour réclamer une feuille de route claire.

Si on veut qu’ils jouent à l’unisson, il faut un chef d’orchestre pour donner le la.

À Québec de jouer !

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion