À l’heure où nos médecins, infirmières et techniciens médicaux sont débordés, la statistique attire l’attention : jusqu’à 30 % des examens et des traitements médicaux effectués au Canada seraient inutiles.

Il y a là autant une aberration à comprendre qu’une piste de solution pour mieux soigner nos malades et atténuer l’engorgement de nos systèmes de santé.

Le chiffre de 30 % a été avancé en 2017 par l’Institut canadien d’information en santé. Cette semaine, des médecins se sont réunis à l’invitation du Collège québécois des médecins de famille pour en discuter.

La grande conclusion de l’exercice : tant les médecins que les patients ont une importante prise de conscience à faire.

Nous avons tous intégré la notion que plus on diagnostique une maladie tôt, meilleures sont les chances de guérison. On pense aux cancers, par exemple.

Cela reste généralement vrai. Mais des problèmes peuvent survenir quand on se met à multiplier les examens et les tests de dépistage à l’aveugle, « au cas où ».

L’Institut canadien d’information en santé a notamment identifié 12 procédures médicales qu’il considère comme « surutilisées ». Un exemple : envoyer un patient qui a mal au bas du dos, sans autres signes inquiétants, passer un examen d’imagerie médicale.

Ou faire passer une radiographie à un enfant qui souffre d’asthme ou de bronchiolite.

Ces procédures exposent les patients à des radiations. Elles prennent de leur temps. Elles leur causent de l’inquiétude.

Il peut arriver qu’on trouve quelque chose d’inattendu avec un test. Un nodule sur un poumon. Un indicateur dans le sang anormalement faible ou élevé. La plupart du temps, on s’embarque alors dans un engrenage qui conduira à une multiplication des investigations, le tout pour finalement dire au patient : « On s’est inquiété pour rien. »

« C’est la cascade de tests. On trouve quelque chose, il faut faire d’autres tests pour investiguer cette trouvaille, on trouve autre chose et ainsi de suite. Statistiquement, on sait pourtant que la plupart des trouvailles fortuites ne sont pas dangereuses », décrit le DRené Wittmer, président de Choisir avec soin Québec, une campagne qui vise la réduction des examens et des traitements inutiles.

La même chose est vraie pour les traitements. Prescrire des antibiotiques « par simple précaution ». Effectuer une césarienne pour un accouchement qui n’est pas à risque. Recommander des psychostimulants à un enfant simplement turbulent – on soupçonne depuis longtemps un surdiagnostic des TDAH au Québec.

Ça aussi, ça expose les patients à des risques.

En plus du bien-être des patients, il y a la question de dégager les professionnels surchargés. Les médecins qui militent pour une meilleure utilisation des procédures médicales sont réticents à utiliser cet argument, de peur d’avoir l’air de vouloir travailler moins au détriment de la santé des patients.

Nous le ferons donc ici pour eux : considérant l’engorgement actuel du réseau, il est impératif de s’attaquer à l’inutile.

Les pistes de solution sont nombreuses.

D’abord, on sait que les informations médicales circulent mal dans le réseau de la santé. Souvent, un professionnel qui intervient auprès d’un patient ignore ce qui a été fait précédemment. Cela peut conduire à un dédoublement des procédures. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, vient de faire adopter une loi sur les renseignements en santé. On espère des améliorations.

On voit ensuite de plus en plus d’entreprises privées offrir des bilans de santé complets payants. Leur intérêt financier est clair. Celui des patients et du système de santé, beaucoup moins.

Il faut dénoncer ces parties de pêche qui coûtent cher à tout le monde et embourbent le système pour rien.

Les publicités de médicaments du genre « parlez-en à votre médecin » peuvent aussi inciter les patients à réclamer des traitements inutiles.

Il faut finalement une meilleure conscientisation des patients et des médecins. Ces derniers sont déjà en train d’établir des lignes directrices visant à baliser l’utilisation de diverses procédures. Tant mieux.

Quant aux patients, ils doivent résister à l’envie de réclamer à leur médecin toutes les procédures dont ils ont appris l’existence sur « docteur Google ». Et réaliser que le bon vieux dicton « trop, c’est comme pas assez » peut aussi s’appliquer en médecine.

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