L’automne dernier, en campagne électorale, François Legault a mis la barre haut : il s’est engagé à déposer un projet de loi pour protéger les langues autochtones « de la même façon qu’on protège le français avec la loi 101 ».

Son parti a du pain sur la planche…

Avant le dépôt d’un éventuel projet de loi, Québec a décidé de tenir des consultations publiques sur la protection des langues autochtones. Elles ont commencé lundi dernier… dans la controverse.

En fait, plusieurs représentants des communautés autochtones du Québec s’en offusquaient avant même qu’elles ne démarrent.

Incluant le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, le chef du conseil des Atikamekw de Manawan, Sipi Flamand, et le chef de la Première Nation de Gesgapegiag, John Martin.

Les trois chefs ont qualifié l’exercice du ministre Ian Lafrenière, responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, de « show de boucane ».

Ils auraient souhaité qu’on sollicite leur avis avant de procéder à des consultations et affirment qu’un projet de loi est une « fausse bonne idée ». Ils estiment même que cette démarche « porte atteinte » à leur « droit inhérent à l’autodétermination ».

Selon eux, Québec devrait simplement leur fournir les ressources nécessaires pour protéger leurs langues.

En somme, la confiance est disparue et la méfiance s’est installée. C’est terriblement dommage. Mais c’est compréhensible.

Car sur les questions autochtones, la CAQ, depuis qu’elle a pris le pouvoir, se comporte trop souvent comme un robot mal programmé. Et maladroit.

Y compris sur le dossier de la langue, une question identitaire fondamentale pour les Autochtones. Pourtant, tous ceux qui ont à cœur la défense du français devraient s’identifier au combat mené actuellement par les diverses communautés autochtones du Québec. Elles cherchent à protéger des langues qui font carrément face à la disparition.

Si François Legault a fini par promettre qu’il allait légiférer pour protéger les langues autochtones, c’est quasiment par dépit. Il était dans l’embarras parce que son gouvernement avait refusé d’aborder la question autochtone dans sa réforme de la loi 101 (le projet de loi 96, devenu la loi 14).

Cette omission était regrettable. Et, bien sûr, extrêmement difficile à avaler pour les communautés autochtones.

Il était plus que temps de procéder aux modifications qui s’imposaient, dans la foulée du travail de la commission Viens (sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec), notamment pour éliminer les barrières qui pénalisent les élèves autochtones et freinent leur accès aux études supérieures.

Non seulement Québec n’a rien fait (alors que les Autochtones, tout comme le Protecteur du citoyen, avaient sonné l’alarme à ce sujet) pour changer la donne, mais, il a rajouté des obstacles.

C’est notamment le cas de l’obligation de suivre trois cours de français – ou en français – au cégep imposée aux élèves anglophones, même s’ils ont une langue autochtone comme langue maternelle.

Pensons-y un peu : si le gouvernement fédéral se comportait aussi cavalièrement à l’égard du Québec dans le dossier de la langue française, François Legault viderait sa garde-robe tant il déchirerait des chemises sur la place publique.

L’approche de Québec sur la langue n’est pas sans rappeler celle, problématique, adoptée il y a quelques années dans le dossier des services de protection de la jeunesse pour les Autochtones. Le gouvernement Legault a contesté la constitutionnalité de la loi fédérale qui reconnaît la compétence des peuples autochtones à ce chapitre.

La CAQ avait donc une grosse côte à remonter et… elle s’est plutôt enfoncée davantage.

Cela dit, il faut saluer l’attitude actuellement affichée par le ministre Ian Lafrenière. Il semble avoir compris qu’il importe de restaurer la confiance et de mettre fin au dialogue de sourds.

Le 2 mai, lors de l’étude des crédits budgétaires des Affaires autochtones, il a clairement mis de l’eau dans son vin sur la question des langues autochtones. Il a dit vouloir « entendre les gens » et a précisé que l’idée d’un projet de loi – qui est loin de faire l’unanimité chez les principaux intéressés – n’est pas coulée dans le béton.

« Au final, est-ce qu’on (aura) un plan pour un projet de loi ? Peut-être que non. Je suis très ouvert », a-t-il déclaré, alors qu’il était questionné à ce sujet par la députée solidaire Manon Massé.

Il faut espérer que cette ouverture laisse présager un véritable changement d’approche.

Le premier mandat de la CAQ s’était distingué par le nombre de « rendez-vous manqués avec les Autochtones », avait estimé Ghislain Picard. S’il fallait en dire autant du deuxième, ce serait embarrassant.

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