Au lieu de sonner l’alarme, les écoles ont baissé les yeux. Au lieu d’agir, elles sont restées campées dans un rôle de spectateur. Et cela a permis à des agresseurs sexuels de sévir pendant des années, alors que tout le monde semblait au courant.

Cette semaine encore, nos collègues Katia Gagnon et Louis-Samuel Perron nous apprenaient qu’un enseignant du Collège Stanislas était visé par des allégations de nature sexuelle que l’établissement privé aurait banalisées1.

Un autre ! Car cela s’ajoute à l’arrestation, en mars, d’un professeur d’économie pour agressions sur plusieurs victimes, mais aussi à la condamnation d’un professeur d’éducation physique pour possession de matériel pornographique.

Tout ça au Collège Stanislas.

Mais bien d’autres établissements sont éclaboussés.

Par exemple, un enseignant a agressé sexuellement de nombreuses fillettes, sur une période de cinq ans, dans deux écoles primaires de Montréal-Nord, alors que c’était un secret de polichinelle qu’il entretenait une relation de proximité avec elles.

Et à l’école secondaire Saint-Laurent, des entraîneurs de basketball ont été accusés de crimes sexuels, alors que le « niveau de confiance organisationnelle » était particulièrement faible dans cet établissement.

Un peu partout, on savait. Mais on n’a rien fait.

Pourtant, il est du devoir des enseignants d’avertir la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans une situation pareille. Mais force est de constater que la courroie de transmission ne fonctionne pas.

Face à cette vague de scandales, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a déclenché une enquête générale à la fin de mars. Fort bien. Espérons que les résultats qui seront rendus publics en juillet, en plein cœur des vacances de la construction, ne passeront pas inaperçus.

Dans le projet de loi 9, adopté en juin dernier, la Coalition avenir Québec (CAQ) a aussi ajouté des dispositions qui permettront aux instances régionales du nouveau Protecteur de l’élève de recueillir les plaintes en matière de violence sexuelle. Cet ajout a été le fruit d’un beau travail de collaboration avec les partis de l’opposition et les groupes communautaires, un exercice transpartisan que Québec gagnerait à poursuivre.

Il en a justement l’occasion, puisque Québec solidaire vient de redéposer le projet de loi 397 visant à lutter contre les agressions sexuelles dans les écoles primaires et secondaires.

Tous les partis de l’opposition appuient cette démarche. Les comités de parents aussi. Même chose pour les organismes comme La voix des jeunes compte qui réclament une loi-cadre depuis cinq ans.

En fait, une telle loi a déjà été adoptée en 2017 par les libéraux, mais seulement pour les cégeps et les universités. Il serait donc logique que les élèves du primaire et du secondaire bénéficient de la même protection, d’autant plus que les jeunes de moins de 18 ans représentent la majorité (62 %) des victimes d’infractions sexuelles signalées par les services de police, selon l’INSPQ.

Permettre au Protecteur de l’élève d’accepter les plaintes de nature sexuelle, c’est bien beau. Mais il faut aussi travailler en amont, pas seulement après coup.

Offrir une formation obligatoire pour les enseignants sur les agressions sexuelles, comme le gouvernement vient de le faire, c’est très bien. Mais il faut ratisser plus large, en amenant les écoles à développer une politique complète en matière d’agression sexuelle, avec un code de conduite pour le personnel et des services d’accompagnement pour les victimes.

Si on veut que les jeunes aient le courage de parler de cet enjeu extrêmement délicat, il faut leur donner accès à une personne sur le terrain qui leur inspire confiance, pas seulement à une ligne téléphonique comme celle que le gouvernement a mise en place à la hâte… et où les victimes tombaient dans une boîte vocale.

La violence sexuelle envers les enfants est un enjeu qui mérite que les élus se placent au-dessus des enjeux partisans. Exactement comme ils l’ont fait, dans la foulée du mouvement #moiaussi, pour adapter le système de justice à la réalité des victimes de violence sexuelle.

Unissons aussi nos forces pour les jeunes. N’attendons pas qu’il y ait d’autres victimes.

1. Lisez « Collège Stanislas : un autre enseignant visé par une enquête pour “inconduites sexuelles” » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion