Faute de pouvoir vacciner nos démocraties libérales et leurs institutions principales contre la montée du populisme autoritaire, il faut les défendre. C’est exactement ce qui vient de se passer en Israël.

Il faut se réjouir de la mise sur « pause », dans ce pays, de l’inquiétant projet de réforme judiciaire du gouvernement de Benyamin Nétanyahou.

Attention ! Le projet, qui a été dénoncé en Israël et ailleurs dans le monde – la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avait réclamé, à la mi-mars, son abandon –, n’est pas mort et enterré.

Le gouvernement de coalition formé en décembre dernier, qui s’était empressé de déposer cette législation début janvier, n’a pas dit son dernier mot.

Mais ses ardeurs ont été freinées par la mobilisation historique des opposants à la réforme.

En entrevue mardi, le politologue israélien Gideon Rahat a salué à la fois le « zèle démocratique » de ces concitoyens et la diversité « remarquable » observée lors des manifestations.

« Il y avait des féministes, des pro-gais, des gens plus modérés, des libéraux, des conservateurs… Des gens avec des agendas différents qui se sont unis. C’était très pluraliste », nous a dit cet expert, affilié à l’Institut israélien de la démocratie.

C’est la preuve que le populisme peut être confronté par le pluralisme.

Le politologue israélien Gideon Rahat

Il faut donc se féliciter de ces récents développements. Mais il faut aussi craindre pour la suite des choses, en espérant que le gouvernement finira par entendre raison.

Les manifestants ont gagné une bataille, mais pas la guerre.

Le gouvernement israélien – qui « a subi une prise de contrôle hostile par un groupe messianique, nationaliste et antidémocratique », selon le chef de l’opposition, Yaïr Lapid – semble toujours avoir l’intention d’affaiblir le pouvoir de la Cour suprême du pays.

Son projet de loi, rappelons-le, contient une série de mesures visant à réduire à la fois l’indépendance et la portée des pouvoirs du plus haut tribunal du pays.

Le gouvernement israélien veut à la fois contrôler la commission qui sélectionne les juges, empêcher la Cour suprême d’invalider des lois dites « fondamentales » qu’il pourrait faire adopter à l’avenir et se doter d’une « disposition de dérogation » qui permettrait au Parlement d’invalider les décisions du plus haut tribunal du pays. Entre autres choses.

On se retrouve donc ici face à un gouvernement qui cherche à mettre au pas un contre-pouvoir essentiel – l’un des seuls, il faut le préciser, en Israël.

C’est pourquoi le caractère démocratique de l’État est au cœur des débats actuels.

Certains, par ailleurs, s’inquiètent d’un autre développement récent dans ce dossier controversé. Et si la pause dans l’examen du projet de réforme annonçait une autre dérive ?

Des médias ont rapporté que le premier ministre aurait proposé un compromis troublant au ministre de la Sécurité nationale, le politicien d’extrême droite Itamar Ben Gvir. En échange de son appui, il lui aurait promis le commandement d’une « garde nationale ».

Plusieurs ont rapidement dénoncé ce qui, à leurs yeux, s’apparenterait à la création d’une « milice privée ».

Il n’est pas inutile, pour comprendre ce qui se passe en Israël, de porter une attention particulière aux analyses de Cas Mudde, spécialiste de l’extrême droite et du populisme.

Il expliquait le mois dernier dans le quotidien Le Monde qu’on assiste à la fois à une banalisation de l’extrême droite et, en parallèle, à un rapprochement (une « hybridation ») avec la droite traditionnelle dans plusieurs pays. Y compris en Israël.

« La droite conventionnelle a en outre adopté les thèmes de l’extrême droite, l’immigration étant uniquement présentée comme un risque sécuritaire ou identitaire, alors qu’il n’y a pas si longtemps on vantait la contribution des nouveaux arrivants à la croissance économique », estime cet expert.

Avec pour résultat que « la proximité entre la droite et l’extrême droite se traduit sur le plan institutionnel par un plus grand nombre de coalitions gouvernementales intégrant les formations les plus radicales ».

On aurait donc tort d’interpréter la crise actuelle en Israël comme une anomalie.

C’est en partie le résultat d’une tendance observée dans plusieurs pays.

Tous ceux qui ont à cœur la survie des démocraties libérales auraient tout avantage à observer ce qui se passe actuellement au pays de Bibi avec un grand intérêt.

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