La situation du Quartier latin et de l’institution qui est en son cœur, l’Université du Québec à Montréal (UQAM), fait l’objet de nombreuses préoccupations. Pendant que le secteur Berri-UQAM renvoie l’image d’un quartier décrépit et fracturé – avec ses vitrines fermées, un trafic de drogue au grand jour et une itinérance répandue –, on apprend notamment que le Plan québécois d’infrastructures (PQI) du gouvernement du Québec sur 10 ans consacre 28 500 $ par étudiant en faveur de l’Université McGill, laissant à l’UQAM des miettes, soit 357 $ par tête de pipe.

Québec prend-il encore au sérieux la mission d’une institution censée être le symbole de la démocratisation de l’éducation supérieure des francophones ?

Il convient de contextualiser ces observations afin d’éviter de véhiculer des stéréotypes envers les personnes qui résident, travaillent et étudient dans le Quartier latin. Il demeure un milieu de vie ou de travail pour une grande variété de personnes, d’activités et de dynamiques, et doit être appréhendé dans cette réalité unique à Montréal. Sa revitalisation doit d’autant plus être au cœur de la relance du secteur, et plus largement du réinvestissement dans la mission de l’UQAM.

L’UQAM est un établissement d’enseignement supérieur qui s’est vu confier une mission distinctive par rapport aux autres universités : démocratiser l’accès à l’éducation supérieure.

Elle est le bastion de l’enseignement universitaire en français à Montréal, assumant ainsi une responsabilité fondamentale en matière de préservation et de valorisation de la langue française, générant à la fois de la recherche fondamentale de pointe, tout en assurant l’accès à des étudiants dont les parents n’ont jamais eu cette possibilité, et notamment aux enfants d’immigrants, la deuxième génération. De fait, la communauté uqamienne a été particulièrement affectée par les impacts de la pandémie : isolement, retour dans les régions, obligation de retourner dans le milieu du travail, etc.

Malgré tout, l’UQAM est le théâtre quotidien de projets vibrants portés par une communauté unique au service de la collectivité, tant en matière d’enseignement que de recherche et de création. L’UQAM a aussi toujours été l’un des principaux moteurs pour la vitalité du quartier : plus de 30 000 étudiants et des milliers de professeurs, chargés de cours et membres du personnel qui y viennent, y vivent et y travaillent.

Si l’UQAM traverse une période d’incertitude, il est justement temps de poser les véritables questions au gouvernement ainsi qu’à la population du Québec : prend-on au sérieux le rôle socioéconomique et scientifique de l’UQAM à Montréal, dans le Québec et dans le monde ?

Ne pas abdiquer

Ne pas réinvestir dans la mission de l’UQAM, ce serait abdiquer sur un Montréal francophone vibrant dans nos sphères culturelles, économiques et scientifiques. Au même titre qu’il faut veiller à l’intégrité d’autres institutions comme l’Orchestre symphonique à Montréal ou encore d’une société d’État francophone telle que Radio-Canada à Montréal, d’une Chambre de commerce du Montréal métropolitain et du CORIM francophone et florissant.

En somme, l’UQAM est un haut lieu de la production et de la démocratisation du savoir francophone à Montréal.

Aujourd’hui plus que jamais, il est impératif de reconnaître cette mission distinctive : ce n’est pas l’UQAM qui a besoin d’être soutenue, mais ses missions distinctives dans lesquelles la société doit réinvestir. Il faut dépasser la logique de financement basée sur des calculs paramétriques essentiellement liés au nombre d’étudiants en classe, et veiller à ce que l’UQAM poursuive sa mission dans son espace et dans le temps. Nous avons besoin de l’UQAM maintenant, mais nous aurons surtout besoin de l’UQAM demain.

L’UQAM est aussi un espace de réflexion et d’action où l’on essaie sincèrement, avec rigueur et de manière engagée de répondre aux défis de l’humanité : c’est le lieu où l’on valorise la différence, où l’on prend position et où l’on effectue des recherches pour trouver des solutions de rechange aux modèles dominants. L’UQAM ne joue donc pas seulement un rôle dans son quartier. L’UQAM est aussi l’université qui cherche des solutions aux questions fondamentales de notre époque. C’est ça, mon UQAM : c’est le développement du haut savoir, transmis et diffusé dans le public et dans les sphères politiques en français.

Quelle est et quelle sera notre contribution à la revitalisation du quartier ? Mettre nos forces vives telles que l’École de design, l’École de travail social ou la Galerie de l’UQAM à la relance du quartier, à imaginer un Carrefour du savoir pour que nos unités soient investies à soutenir la communauté du centre-ville, à offrir des espaces de vie, de travail et de collaboration pour permettre aux tissus urbains de prendre forme, que ce soit avec le CHUM, la Grande Bibliothèque, en passant par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et les milieux communautaires et évidemment avec la Ville de Montréal.

Voilà comment nous contribuons à ce quartier et pourrions aussi contribuer à le revitaliser pour réinvestir ensemble dans la mission de l’UQAM et transformer l’incertitude et les défis actuels en occasion collective.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion