Il faut le dire, notre dépendance vis-à-vis de l’impôt foncier n’est plus viable. Sans changements significatifs à la fiscalité municipale, les villes ne seront bientôt plus en mesure de financer leurs dépenses et de soutenir leurs responsabilités croissantes avec leurs sources de revenus courantes. Elles seront de plus en plus confrontées à des décisions déchirantes, mettant ainsi en péril la qualité de vie de leurs citoyens.

Selon un article de Philippe Tesceira-Lessard1, Montréal prévoit un déficit de 200 millions de dollars pour 2024 de sorte que la Ville envisage une série de nouvelles taxes pour financer ses dépenses, ainsi qu’une possible réduction des services, notamment la fréquence de la collecte des ordures et des changements dans les opérations de chargement de la neige.

En raison de coûts beaucoup plus élevés que prévu, le conseil municipal des Îles-de-la-Madeleine a dû mettre sur pause la construction d’un bâtiment de services au Centre de gestion des matières résiduelles, d’un projet de mise aux normes d’étangs et d’un bâtiment servant au traitement des eaux usées.

De même à Rimouski, des travaux devront être reportés afin de pouvoir financer la réparation de la toiture de l’hôtel de ville, qui dépasse de 80 % le budget prévu.

Non seulement le coût des soumissions pour différents projets a augmenté dans plusieurs cas d’entre 30 % à 50 %, mais avec l’augmentation importante des taux d’intérêt, les règlements d’emprunt qui seront financés ou refinancés pénaliseront encore plus les municipalités.

Ainsi, afin d’équilibrer les budgets et de financer les dépenses croissantes, les augmentations budgétaires ont atteint jusqu’à 15 %, 17 % et même 28 % dans certaines municipalités du Québec en 2023. Considérant le budget provincial annoncé cette semaine, les prochaines années ne s’annoncent guère plus réjouissantes pour les 1107 municipalités du Québec.

Bien que toute aide financière soit toujours la bienvenue, les mesures actuellement proposées pour aider à financer les dépenses municipales sont très limitées et insuffisantes. Nous devrons continuellement demander de l’aide pour boucler nos budgets chaque année.

Aucune des sources de financement existantes n’est soutenable à long terme, car nos responsabilités et nos dépenses ne cessent d’augmenter d’année en année, alors que nos revenus n’augmentent pas au même rythme.

Il est clairement nécessaire d’envisager des solutions plus pérennes et non seulement des mesures budgétaires, qui sont généralement des approches à court terme. Nous avons besoin de changements structurels à la fiscalité municipale.

Il est déjà évident que les impôts fonciers, dans leur forme actuelle, ne sont pas en mesure de fournir des revenus suffisants aux municipalités. Selon la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, les municipalités continuent de recevoir la plus petite part de l’assiette fiscale – pour chaque dollar d’impôt payé par les contribuables au Québec, elles ne perçoivent que 10 cents, alors que le gouvernement provincial reçoit 50 cents, le gouvernement fédéral 30 cents et le RRQ 10 cents.

Cela a été démontré depuis de nombreuses années que la seule façon de régler ce déséquilibre fiscal est d’établir une répartition plus équitable, permanente et prévisible du financement entre tous les ordres de gouvernement. Il faut savoir que le partage de la richesse et la diversification des revenus n’ont rien de nouveau : cela se fait dans de nombreux pays partout dans le monde. Pour une bonne partie des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, plusieurs types de taxation sont utilisés de façon complémentaire.

Les contribuables étant déjà surtaxés au Québec, il est donc nécessaire que les municipalités se mobilisent pour exiger un rééquilibrage des sources de revenus existantes et pour amorcer un dialogue constructif entre les trois ordres de gouvernement afin d’être en mesure de relever les défis auxquels les municipalités font face.

1. Lisez l’article de Philippe Teisceira-Lessard « Montréal envisage d’imposer de nouvelles taxes » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion