Le budget 2023-2024 du ministre des Finances, Eric Girard, aurait pu être l’occasion de mettre en place un véritable plan de transition écologique et de prendre des mesures concrètes pour redresser les services publics ou encore répondre à la crise du logement.

Pourtant, le gouvernement Legault se prive des moyens nécessaires pour réellement faire face aux défis de l’heure, qu’il s’agisse de la crise du logement, de la crise climatique ou de la détérioration sans précédent des services publics. Ce faisant, les choix effectués par le gouvernement Legault dans l’exercice budgétaire 2023-2024 révèlent un conservatisme fiscal en décalage avec la situation actuelle du Québec.

Un plan de réduction de la dette qui limite l’action gouvernementale

Malgré l’incertitude économique actuelle, le gouvernement a tout de même choisi de se donner de nouvelles cibles de réduction de la dette. Il vise l’atteinte d’un ratio de la dette nette au PIB de 30 % d’ici 2037-2038. François Legault nous avait habitués aux comparaisons avec l’Ontario. Or, la dette nette du Québec est désormais inférieure à celle de la province voisine. Le gouvernement s’appuie donc sur la moyenne canadienne pour justifier sa nouvelle cible de réduction de la dette.

Ce choix paraît mal avisé alors que la dette du Québec est déjà maîtrisée. En révisant la Loi sur la réduction de la dette, le gouvernement aurait pu relâcher l’étau budgétaire qui limite son action. Il se serait ainsi donné une plus grande marge de manœuvre financière pour intervenir afin de mieux soutenir les personnes vulnérables.

Baisses d’impôts : une aide à des ménages qui n’en ont pas besoin

Sans surprise, le gouvernement a maintenu sa promesse de diminuer d’un point de pourcentage le taux d’imposition des deux premiers paliers de la table d’impôt. La mesure, maintenant présentée comme un incitatif au travail, risque d’avoir peu d’effet alors que le taux de chômage atteint un creux historique. De plus, rappelons que cette baisse d’impôts profitera particulièrement aux personnes touchant un revenu entre 90 000 $ et 100 000 $. Toutefois, le gouvernement, qui a diminué à trois reprises les contributions fiscales depuis 2018, se prive désormais d’un montant total de 4,1 milliards de dollars par année, des sommes qui auraient pu servir à l’amélioration des services publics et des programmes sociaux.

Au lieu de cette mesure inéquitable qui profite surtout à des personnes qui n’en ont pas besoin, le gouvernement pourrait adopter des mesures plus ciblées pour améliorer le revenu disponible des ménages moins aisés. Il pourrait, par exemple, baisser les tarifs de garderie, les droits de scolarité et les tarifs du transport collectif, des mesures qui bénéficieraient à un plus grand nombre de Québécoises et de Québécois.

Environnement : un manque d’ambition consternant

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a annoncé dans son plus récent rapport que tout devait être mis en œuvre pour limiter le plus rapidement possible le réchauffement climatique. Le gouvernement Legault semble ignorer ces avertissements. Fidèle à ses habitudes, il a proposé des mesures peu ambitieuses, insuffisantes face à l’ampleur de la crise climatique. Si la tendance se maintient, le Québec n’atteindra pas les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre que le gouvernement s’est lui-même données pour 2030.

La somme de 200 millions que le gouvernement consacre cette année à la relance des transports en commun est dérisoire compte tenu du sous-financement du transport collectif dans plusieurs municipalités. Rappelons que dans une étude parue en septembre dernier, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) estimait que la mise en place de nouvelles mesures d’écofiscalité telles qu’une hausse de la taxe sur les véhicules dits de luxe permettrait d’ajouter 1 milliard par an dans les coffres de l’État québécois. Ces fonds pourraient être utilisés pour réduire notre dépendance à l’automobile, un moyen efficace de lutter contre les changements climatiques.

Logement : un glissement inquiétant

Alors que sa prédécesseure a admis du bout des lèvres qu’une crise du logement sévissait au Québec, l’actuelle ministre responsable de l’Habitation dit vouloir miser sur le secteur privé pour venir à bout du problème. Or, sur les 173,4 millions de dollars que le budget prévoit en 2023-2024 pour « favoriser l’abordabilité du logement », la plupart des fonds serviront à rénover les logements à loyers modiques existants et seuls 9,5 millions iront à la construction de nouveaux logements abordables. De cette somme, 3,2 millions seront utilisés pour construire des logements abordables en collaboration avec le secteur privé. Une telle privatisation est hautement problématique, puisque c’est précisément la contradiction entre le besoin de se loger et la volonté d’acteurs dans le marché de tirer profit des biens immobiliers et locatifs qui explique en bonne partie la crise actuelle.

Une chose est certaine : pour ce qui est d’aider la population québécoise à faire face aux différentes crises qui l’affligent, le gouvernement de la CAQ semble « engagé » dans une bien mauvaise voie.

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