Oh bien sûr, le budget déposé mardi à Ottawa porte la signature de la ministre des Finances Chrystia Freeland. Mais on voit l’ombre de Joe Biden dans le document pourtant intitulé « Un plan canadien ».

Le Canada n’avait pas le choix de se positionner face à la Loi sur la réduction de l’inflation adoptée par les États-Unis, qui offrira 369 milliards de dollars US de subventions sur 10 ans pour révolutionner la politique industrielle américaine en misant sur l’énergie propre.

Ottawa ne pouvait pas laisser passer le train, pour que nos entreprises restent concurrentielles dans cette économie verte de l’avenir. Mais la facture sera coûteuse.

Le gouvernement libéral arrive avec un plan de 82,7 milliards sur 11 ans, propulsé par une batterie de crédits d’impôt sur les investissements dans l’électricité propre, l’hydrogène propre ou encore la captation de carbone.

Ottawa choisit de stimuler les investissements, plutôt que la production comme aux États-Unis, ce qui aura des effets plus rapides, mais pourrait aussi être plus risqué puisqu’on interviendra plus tôt dans le processus, sans savoir si les investissements porteront des fruits.

Il y a aussi l’ombre de Jagmeet Singh dans ce budget. Le chef néo-démocrate a accepté d’appuyer le gouvernement minoritaire en échange d’un engagement à déployer un programme national d’assurance dentaire, dont la première phase a vu le jour en 2022.

Le Directeur parlementaire du budget a prévenu que les modalités du programme ficelé à la hâte ouvraient la porte aux abus. Qu’à cela ne tienne ! Ottawa poursuit le déploiement de son programme – dont les coûts sur cinq ans ont doublé, à 13 milliards – sans qu’on sache exactement comment il s’arrimera au programme qui existe déjà au Québec, pour éviter que les gens soient indemnisés en double. Misère !

Talonné par le chef conservateur Pierre Poilievre sur l’inflation, Ottawa a aussi prévu une mesure pour contrer la hausse du coût du panier d’épicerie, en augmentant le remboursement de TPS pour 11 millions de Canadiens moins nantis. Cette aide ciblée est une meilleure approche que la distribution inflationniste de cadeaux pour tous, comme l’a fait Québec.

Ottawa s’attaque aussi à différents sujets de frustrations des consommateurs, même si beaucoup de détails restent à venir.

Les voyageurs seront heureux d’apprendre que les indemnisations que doivent verser les transporteurs aériens en cas de retard ou d’annulation de vol seront harmonisées avec les règles plus avantageuses d’autres pays, notamment en Europe. Alléluia !

Ottawa veut aussi instaurer le droit à la réparabilité des objets brisés et imposer un chargeur universel pour les appareils électroniques, comme l’Union européenne le fera en 2024. Tant mieux ! Cela évitera le coûteux gaspillage qui vide les poches des consommateurs et remplit les dépotoirs.

Il est quand même dommage que le Canada soit à la remorque de l’Europe quand il s’agit de protéger les consommateurs.

Ottawa veut aussi clarifier les règles du jeu dans les hypothèques, alors que la hausse des taux d’intérêt cause de mauvaises surprises à beaucoup de propriétaires. Les prêteurs pourraient devoir leur offrir des mesures d’allégement, même si les modalités restent à définir.

Chose certaine, toutes ces mesures ont le mérite d’améliorer le sort des consommateurs sans faire un trou encore plus gros dans les coffres de l’État.

Car le plus gros problème de ce budget, c’est que le gouvernement libéral continue de dépenser allégrement, accumulant déficit par-dessus déficit.

En plus de la mégafacture pandémique, Ottawa a annoncé 345 milliards de nouvelles dépenses sur cinq ans, depuis 2021, incluant 43 milliards de dépenses dans le budget de mardi, calcule le Conseil canadien des affaires.

C’est irresponsable. Surtout qu’Ottawa repousse toujours à plus tard ses objectifs d’assainir les finances publiques.

Lors de l’énoncé budgétaire de novembre dernier, le gouvernement prévoyait revenir à l’équilibre en 2027-2028, avec un surplus de 4,5 milliards. Oups ! Avec les nouvelles dépenses, ce surplus s’est transformé en déficit de 14 milliards. Et l’équilibre budgétaire a à nouveau disparu, comme un perpétuel mirage.

Même le ratio dette-PIB, qui servait d’ancrage budgétaire aux libéraux, recommence à grimper. Et les frais d’intérêt sur la dette vont doubler, passant de 24,5 milliards en 2021-2022 à 46 milliards en 2024-2025.

Bref, ça commence à coûter cher de dépenser sur la carte de crédit.

Il est temps de fixer des cibles claires dans une loi, comme le Québec l’a fait depuis longtemps, ce qui lui a permis d’assainir ses finances publiques de façon remarquable.

Tous les pays de l’OCDE ont ce genre d’ancrages budgétaires inscrits dans la loi, selon l’Institut CD Howe. Tous sauf la Corée du Sud, la Turquie… et le Canada.

À Ottawa, il est temps de jeter l’ancre pour éviter la dérive de nos finances publiques.

Une version précédente de cet éditorial affirmait que le déploiement du programme d’assurance dentaire serait accéléré, ce qui n’est pas le cas.

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