Quel est le principal défaut qui guette un gouvernement assis sur ses lauriers ? L’arrogance.

Cette semaine, la CAQ a fait preuve d’une arrogance indéfendable en matière de logement social et abordable, où son bilan est particulièrement faible.

À ce sujet, le budget Girard a été très mince. On ne finance que 1500 véritables nouvelles unités. C’est peu par rapport aux besoins sur le terrain et à ce qu’on finançait durant les années 2000. Les groupes communautaires et les grandes villes (Montréal, Québec, Gatineau, Longueuil, Sherbrooke) ont raison d’être déçus.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a été franche : « Le gouvernement du Québec fait le choix d’ignorer la crise du logement. […] La crise du logement, ce n’est pas un slogan, c’est du monde. […] Nous, on les voit, ces personnes-là […] qui sont en détresse. »

Réponse de la ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau : « Mme Plante veut toujours plus d’argent, mais là, il y a beaucoup d’argent et il y a des logements à construire. »

Wow.

Sur la forme : quelle arrogance déplacée de la ministre Rouleau, une ex-adversaire politique de Projet Montréal sur la scène municipale.

Sur le fond : le gouvernement Legault est mal placé pour faire la leçon à qui que ce soit en matière de logement social. Outre le gouvernement Couillard, il a le pire bilan de tous les gouvernements québécois depuis les années 2000.

Quand il était financé adéquatement, le programme AccèsLogis du gouvernement du Québec construisait en moyenne 1900 unités de logement social et abordable par an entre 2005 et 2012. Pour 2023-2024, Québec finance seulement 1500 nouvelles unités, alors que les besoins sont plus importants que jamais.

AccèsLogis allait relativement bien jusqu’à ce que le gouvernement Charest cesse de calculer l’inflation sur ses subventions en 2009. Ce fut une catastrophe. Les coûts réels ont continué d’augmenter. Résultat : les projets sous-financés n’ont pas été construits. En 2018, 15 000 unités étaient prises dans un brouillard administratif.

La CAQ a promis de rajouter de l’argent pour débloquer ces 15 000 unités dans son premier mandat. Fin février 2023, 5549 de ces logements ont été construits, 3592 logements sont en construction, mais 6570 logements restent toujours en développement, faute de financement adéquat.

Dans le budget de mardi, Québec ajoute 191 millions pour faire débloquer 3300 de ces 6570 logements. La CAQ veut débloquer le reste d’ici 2026. Bref, ça prendra deux mandats plutôt qu’un.

Le budget Girard prévoit aussi 304 millions pour construire 1500 nouveaux logements abordables par le biais du nouveau Programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ), créé en 2022 pour remplacer AccèsLogis. Québec pense que le PHAQ sera plus efficace que les dernières années pénibles d’AccèsLogis. Fort probablement, car on le finance mieux.

Mais la CAQ tient un double discours.

D’un côté, le premier ministre François Legault se plaint que « ça prend quatre ans » pour construire des logements sociaux avec les offices municipaux d’habitation. Mais quand on lit le budget Girard, on s’aperçoit que les 1500 nouvelles unités du PHAQ – dont 500 sont réservées aux promoteurs privés – seront construites pour la plupart… d’ici trois ou quatre ans (68 % de l’enveloppe de 304 millions sera dépensée en 2025-2026 et 2026-2027).

Dans les belles années d’AccèsLogis, le délai de construction était de trois ans.

À notre avis, la CAQ a fait une erreur en remplaçant AccèsLogis par le PHAQ1.

Mais son erreur la plus grave, c’est de sous-estimer largement les besoins en logement social.

En se basant sur les calculs du ministère des Finances, la CAQ se convainc que le Québec n’a besoin que de 14 700 logements sociaux d’ici 2026.

Pourtant, il y a actuellement 37 149 ménages en attente d’un logement social au Québec, dont 23 500 à Montréal2.

Sans offrir le début d’un commencement de preuve, Québec met en doute les chiffres de la liste d’attente de la Société d’habitation du Québec, prétend qu’elle contient des doublons. Ces « explications » ne tiennent pas la route.

La CAQ se bouche les yeux pour ne pas voir l’étendue des besoins. Pendant ce temps, beaucoup de Québécois à faible revenu attendent un logement social. Et voient leur loyer gruger une part beaucoup trop importante de leur budget.

1. Lisez l’éditorial « Logement social : c’est la faute à… Québec ! »

2. La liste d’attente n’est pas une mesure parfaite (ex. : les demandes à Montréal ne sont pas mises à jour chaque année, car il y en a trop), mais c’est la meilleure indication qu’on a pour l’instant.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion