« Cinq, quatre, trois, deux, un… Zéro ! » Le ministre des Finances a lancé le décompte du retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans, lors du dépôt du budget mardi. Et c’est tant mieux.

En tenant ce discours, Eric Girard cherchait à convaincre les Québécois que la baisse d’impôts de 1,7 milliard par année – dénoncée autant par les économistes que par le patronat, ce qui n’est pas banal – ne nuira pas à nos finances publiques.

Mais soyons clairs : cet allègement fiscal se fait sur notre carte de crédit collective, car Québec accuse toujours un déficit de 4,5 milliards en 2022-2023 et il ne sortira pas du rouge avant cinq ans. Il se fait aussi sur le dos des jeunes, car le gouvernement paiera la note en réduisant ses versements au Fonds des générations de 2,6 milliards par année (pour 2027-2028).

Bref, on s’offre un cadeau en repoussant la facture. Profitez maintenant, payez plus tard !

Au cours des deux prochaines années, cela gonflera même le ratio d’endettement du Québec, qui vient pourtant de se doter d’une cible toute fraîche de réduction de sa dette d’ici 15 ans, ce dont on peut se réjouir.

Comme Québec demeure une des provinces les plus endettées, il est rassurant de voir qu’on se donne l’objectif de ramener la dette nette, présentement à 37,4 % du PIB, vers la moyenne des autres provinces, soit 30 % du PIB, d’ici 2037-2038.

Mais ça, c’est si tout va bien. Or, il y a 50 % de risque que l’économie tombe en récession en 2023, de l’aveu même du ministre des Finances.

Celui-ci table sur une croissance économique de 0,6 % pour 2023. C’est maigre. Mais c’est deux fois plus élevé que la prévision des experts du secteur privé (0,3 %). Et ceux-ci ont réduit leurs cibles ces derniers jours, avec le brasse-camarade sur les marchés financiers. Le Mouvement Desjardins s’attend désormais à un recul de 0,2 %.

Le cadre financier repose donc sur des sables mouvants.

Et le déficit qu’on nous présente ne raconte pas toute l’histoire. Il cache des déficits fantômes, car nos services et nos infrastructures craquent de partout.

Ici, la situation ne fait que s’aggraver au fil des ans. Cette année encore, le déficit de maintien de nos infrastructures a gonflé de 14 %, pour se chiffrer à 34,9 milliards, selon le nouveau Plan québécois des infrastructures (PQI) déposé mardi.

Il s’agit de la somme qu’il faudrait investir si l’on voulait remettre en état du jour au lendemain toutes nos infrastructures. On est loin du compte : presque la moitié de nos infrastructures (44 %) sont dans un état inacceptable, un bond décourageant par rapport à 40 % l’an dernier.

Dans ce contexte, la Coalition avenir Québec (CAQ) aurait pu se garder une petite gêne avant d’offrir des baisses d’impôts généralisées et récurrentes.

À tout le moins, Québec aurait pu limiter ses largesses aux travailleurs, si l’objectif était de stimuler l’emploi et la croissance économique. Après tout, les retraités ont déjà eu un généreux cadeau en 2022, avec la bonification du soutien aux aînés de 70 ans et plus qui coûte 1,5 milliard par année. Il n’était pas nécessaire qu’ils passent deux fois à la caisse.

Aussi, Québec aurait pu cibler les travailleurs qui gagnent entre 20 000 $ et 80 000 $, la tranche de revenus où l’écart du fardeau fiscal est le plus désavantageux par rapport à l’Ontario, au lieu d’offrir sa baisse d’impôts maximale de 810 $ aux contribuables gagnant plus de 98 500 $.

Mais la CAQ n’a pas dévié de sa promesse électorale, si ce n’est que pour bonifier le crédit à la solidarité afin d’aider les plus démunis (l’effet sera toutefois minime) et si ce n’est que pour priver les mieux nantis du crédit d’impôt pour les cotisations aux fonds fiscalisés de la FTQ et la CSN (c’est de bonne guerre).

Enfin, Québec aurait pu choisir de mettre la pédale au fond sur l’écofiscalité, où la province reste un cancre. Mais non ! Seul le droit exigible sur la vente de pneus qui n’avait pas été ajusté depuis 1999 passera de 3 $ à 4,50 $ (6 $ pour les camions) pour rattraper l’inflation.

Il reste du chemin à faire ! Par exemple, la taxe sur les carburants n’a pas changé depuis 2013 et la contribution de 30 $ exigée lors de l’immatriculation d’un véhicule pour le financement des transports collectifs (hors Montréal) n’a pas été indexée depuis 1992.

Mais, bonne nouvelle, les travailleurs de plus de 65 ans qui touchent leur rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ) ne seront plus forcés de cotiser, ce qui les décourageait de continuer à travailler. Voilà une excellente mesure pour combattre la pénurie de main-d’œuvre.

Car on ne s’en sort pas : il faudra des bras, et des cerveaux, pour offrir des services dignes de ce nom à la population. Et il faut arrêter de pelleter la facture en avant si on veut venir à bout de nos déficits. Tous nos déficits.

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