Il y a un seul aspect positif aux propos mensongers qu’a tenus le commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), Gilles Courteau, devant les élus québécois.

Ça prouve clairement une fois pour toutes qu’on ne peut pas faire confiance à la LHJMQ pour faire la lumière sur les allégations d’agressions sexuelles, de voies de fait, de torture et de maltraitance qui auraient pu être commis dans ses vestiaires sur quatre décennies.

On l’a déjà écrit1, mais on va le répéter : le gouvernement du Québec (ou du Canada, peu importe) doit déclencher une enquête publique sur le climat toxique dans le hockey junior. Pour le passé comme pour le présent.

Voici la froide réalité : la LHJMQ et ses équipes ne veulent pas vraiment savoir ce qui s’est passé dans ses vestiaires au cours des dernières décennies.

Elles sont poursuivies au civil à ce sujet en Ontario. Si des actes criminels ou des abus ont été commis, les victimes auront droit à une compensation financière importante. Ça pourrait coûter cher aux équipes concernées, en argent et en réputation.

Devant les élus le 22 février dernier, le commissaire Gilles Courteau a déclaré sous serment qu’« aucune des situations énumérées [dans le texte du collègue Martin Leclerc de Radio-Canada sur la décision du juge Paul Perell dans le litige civil en Ontario] n’impliquait une équipe de la LHJMQ ».

C’est un mensonge.

L’un des 17 ex-joueurs ayant signé une déclaration sous serment dans ce litige est Stephen Quirk, qui a évolué dans la LHJMQ à Moncton et Halifax entre 1995 et 1998. Il dit avoir été victime d’agression sexuelle et d’abus sexuels (des joueurs l’auraient notamment pénétré dans l’anus avec leurs doigts et de la crème chauffante). La LHJMQ et ses équipes ont reçu la déclaration sous serment de M. Quirk en mars 2021.

En mêlée de presse le 22 février dernier, Gilles Courteau a ajouté qu’il n’y avait aucune « connotation sexuelle dans ce qui est énoncé dans [la déclaration sous serment de M. Quirk] ».

Mis devant ses « contradictions » par le collègue Martin Leclerc de Radio-Canada2 et par La Presse3, Gilles Courteau a dit ne pas avoir pris connaissance de cette partie de la déclaration de M. Quirk.

Pensez-y deux minutes : un ex-joueur témoigne d’actes criminels commis au sein de votre ligue, et vous n’êtes pas curieux de savoir ce qu’il allègue ? On ne pourrait pas trouver une meilleure définition à l’aveuglement volontaire.

Dans une organisation sérieuse, Gilles Courteau aurait déjà perdu son emploi. Son maintien en poste en dit beaucoup sur la LHJMQ.

De toute façon, le sort de Gilles Courteau nous intéresse peu. Remplacer le commissaire ne changera rien si les 18 équipes de la LHJMQ continuent de jouer à l’autruche dans ce dossier.

L’action collective des plaignants Daniel Carcillo et Garrett Taylor contre les trois ligues juniors et leurs équipes a été déposée en juin 2020 en Ontario. Le 17e témoignage, celui de M. Quirk, a été ajouté en mars 2021. Ça fait donc au moins deux ans que la LHJMQ et les autres équipes juniors au pays ne prennent pas au sérieux ces allégations de la part de 17 ex-joueurs juniors au Canada entre 1979 et 2014.

Pendant 14 mois, les ligues et les équipes ont caché un rapport dévastateur que leur ont soumis leurs trois experts indépendants (Sheldon Kennedy, Camille Thériault, Danièle Sauvageau). Ce rapport a été rendu public après que les avocats de Daniel Carcillo et Garrett Taylor l’eurent demandé au tribunal.

Depuis deux semaines, Gilles Courteau a dévoilé au grand jour combien la LHJMQ ne prend pas au sérieux ces allégations. Mais c’est l’attitude des trois ligues juniors devant les tribunaux depuis deux ou trois ans.

Le commissaire Courteau reviendra donc la semaine prochaine en commission parlementaire.

Franchement, on n’a plus de questions à lui poser. Le monde du hockey junior québécois a prouvé depuis mars 2021 qu’il ne se soucie pas de savoir ce qui s’est passé dans ses vestiaires. Sinon, la LHJMQ aurait lancé depuis longtemps une enquête indépendante et sérieuse.

Par contre, on a des questions pour le gouvernement Trudeau et le gouvernement Legault.

Pourquoi restez-vous les bras croisés devant des allégations aussi graves ?

Pourquoi ne cherchez-vous pas à savoir, par le truchement d’une enquête publique où la confidentialité des victimes sera assurée, ce qui s’est passé depuis des décennies dans les vestiaires des équipes juniors ?

Actuellement, une victime alléguée a deux options pour briser l’omerta du vestiaire et faire changer les choses : porter plainte à la police et (ou) se joindre au litige civil mené par le cabinet d’avocats Koskie Minsky en Ontario. Une commission d’enquête permettrait de faire la lumière sur ce qui s’est passé.

La réaction de la LHJMQ est honteuse, mais elle n’est pas surprenante. Le milieu du hockey junior a beaucoup à perdre si ces allégations s’avèrent exactes.

La réaction de Québec et Ottawa commence à être gênante elle aussi. Mais elle est beaucoup plus surprenante.

1. Lisez l’éditorial « Pourquoi il faut une commission sur la culture toxique au hockey junior » 2. Lisez la chronique de Radio-Canada « Gilles Courteau, la loi du silence et l’Assemblée nationale » 3. Lisez l’article « Initiations au hockey junior : Des “problèmes” depuis 45 ans, a reconnu Courteau en 2021 » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion