(Québec) Malgré la pression qui s’accentue, Gilles Courteau se dit « fier » de son organisation et balaie les appels à démissionner. Le commissaire de la LHJMQ n’a « aucun problème » à revenir s’expliquer devant les parlementaires, comme le réclame maintenant la ministre Isabelle Charest.

Je n’ai aucun problème à répondre à la demande de la commission parlementaire pour y retourner », a affirmé le principal intéressé en entrevue avec La Presse, jeudi.

Insatisfaite des réponses données jusqu’ici par le commissaire, la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, demande que Gilles Courteau soit rappelé devant les parlementaires. Elle a l’appui des députés caquistes, qui veulent maintenant prolonger le mandat de la commission parlementaire qui s’est penchée la semaine dernière sur les cas d’initiations violentes et dégradantes au hockey.

Puisque l’opposition est d’accord, tout indique que M. Courteau recevra une nouvelle invitation.

Ce revirement de la CAQ survient après que des médias, dont La Presse, eurent mis en lumière des contradictions dans le témoignage du commissaire.

Les députés caquistes se sont réunis jeudi matin pour réévaluer leur position. Une rencontre des membres de la commission à laquelle siègent des élus de l’opposition est prévue après la relâche parlementaire pour déterminer de la suite.

Affirmations contradictoires

« J’ai affirmé quelque chose qui n’était pas véridique. Je n’ai pas pris le temps de lire [la déclaration sous serment] au complet, je m’en excuse, j’en suis vraiment désolé », a dit le commissaire en entrevue. « Je n’ai jamais eu l’intention de tromper la commission parlementaire », a-t-il assuré.

En commission, alors qu’il était sous serment, Gilles Courteau a affirmé qu’« aucun cas rapporté » auprès de la LHJMQ n’était « similaire » aux actes violents décrits dans une demande d’action collective déposée à la Cour supérieure de l’Ontario. Or, les procédures judiciaires montrent que Stephen Quirk, qui a évolué dans le circuit, aurait été victime de violences sexuelles lors de son passage dans la ligue entre 1995 et 1998.

En mêlée de presse, M. Courteau avait ensuite ajouté qu’il n’y avait aucune « connotation sexuelle dans ce qui est énoncé dans [la déclaration sous serment de Quirk] ». Le témoignage de Quirk, qui a joué à Moncton et à Halifax, montre le contraire, comme l’a soulevé le chroniqueur Martin Leclerc de Radio-Canada, lundi.

« On a été préparés par nos avocats dans la ligue canadienne de hockey, en groupe », a expliqué Gilles Courteau, jeudi. « Quand on a parlé du dossier de Quirk, on a mis l’accent [sur le fait] […] qu’il y avait eu une très forte consommation d’alcool, qu’il s’est retrouvé dans la douche, qu’il est tombé avec une bouteille de bière, qu’il s’est coupé et qu’il y avait également une personne en autorité », relate-t-il.

Les allégations de nature sexuelle ne lui ont pas été rapportées par les avocats, assure M. Courteau. Dans sa déclaration publique faite sous serment, qui n’a pas encore subi l’épreuve des tribunaux, Stephen Quirk, affirme notamment que des joueurs lui ont mis de la crème chauffante dans l’anus en le pénétrant avec leurs doigts lors d’une initiation.

« Je n’en ai pas eu de plaintes »

Bien qu’il s’attende à devoir s’expliquer sur ces contradictions, le commissaire Gilles Courteau maintient qu’il « n’a rien qui [lui] a été rapporté de la nature de ce qui a été énoncé dans les médias ».

La Presse révélait aussi mardi que M. Courteau avait reconnu dans un témoignage sous serment en 2021 avoir constaté depuis 45 ans des « problèmes » liés au bizutage dans son organisation. C’est une version qui diffère du témoignage qu’il a livré en commission parlementaire, où il était autrement circonspect. À cela, il répond que les questions des élus visaient davantage les plaintes.

Je n’en ai pas eu de plaintes, je ne peux pas en inventer […] si jamais j’ai la même question, je vais répondre la même chose.

Gilles Courteau, commissaire de la LHJMQ

Il assure avoir mis un terme aux initiations après avoir « eu connaissance » à l’époque d’évènements impliquant des joueurs qui avaient eu les cheveux rasés et des cas impliquant des hockeyeurs entassés dans les toilettes d’autocars. Le porte-parole de la LHJMQ a précisé que les initiations étaient interdites depuis 2003.

« [Quand] je suis arrivé en autorité à la ligue junior du Québec, à titre de président, et qu’on a été mis au courant de ça, on a pris les mesures nécessaires pour interdire les initiations […] Depuis ce temps-là, jusqu’à preuve du contraire parce qu’il n’y a pas eu de plaintes, il n’y a pas d’initiations qui s’effectuent dans nos équipes », soutient le commissaire.

Pas question de démissionner

Gilles Courteau balaie les appels à la démission lancés notamment par l’ex-hockeyeur et député libéral Enrico Ciccone et le député solidaire Vincent Marissal.

« Je ne démissionnerai pas », a assuré M. Courteau, qui a confirmé en décembre dernier qu’il partirait à la retraite à la fin de son mandat. Il promet d’ici là d’accompagner son successeur dans ses nouvelles fonctions.

« Au moment où on se parle, on fait un excellent travail, tout en constatant qu’on a encore du travail à faire pour s’assurer d’être la meilleure ligue junior au monde, avec le meilleur programme d’encadrement qui existe, et ça, j’y ai contribué et je vais continuer d’y contribuer jusqu’au 31 mai 2024, je vous en passe un papier », a-t-il plaidé.

Il n’est pas prêt à reconnaître que le milieu du Québec est toxique, comme l’a fait la ministre Isabelle Charest la semaine dernière, mais il croit qu’il existe toujours une « culture du silence ». Il se défend par ailleurs d’être un dirigeant « dépassé ».

Ils ont dit

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Enrico Ciccone, député du Parti libéral du Québec

Comment tu peux te présenter en commission parlementaire et ne pas faire tes devoirs sur un sujet aussi sensible ? […] Il y a trop de pression, il faut [que Gilles Courteau] s’en aille pour le bien de la ligue, pour l’image de la ligue, il faut qu’il se tasse. Je pense que le réentendre, ça ne fera pas de tort.

Enrico Ciccone, député libéral et ex-hockeyeur

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Vincent Marissal, député de Québec solidaire

Si la ministre Charest est enfin ouverte à poursuivre les auditions, c’est primordial qu’on reçoive les joueurs et les anciens joueurs qui ont levé la main pour témoigner. On doit pouvoir entendre leur version de l’histoire. Quant à M. Courteau, s’il est reconvoqué en commission parlementaire, il va avoir de sérieuses explications à nous fournir sur son témoignage de la semaine dernière.

Vincent Marissal, député solidaire