La moitié des Inuits du Nunavik vivent dans un logement surpeuplé. Deux classes d’enfants de 13 ans n’ont pas eu de professeur de septembre à janvier. Les Inuits courent des risques 40 fois plus élevés de mourir d’un trauma, mais on oublie malheureusement leurs enjeux sociaux et la piètre qualité des services publics qu’on leur offre. On ne devrait pas. Voici le troisième de trois éditoriaux sur les services publics au Nunavik. Aujourd’hui : le logement.

Vous pensez que le Québec vit une crise du logement ? Vous avez raison.

Cette crise du logement « dans le sud » du Québec est toutefois sans commune mesure avec celle vécue « dans le nord » par les Inuits au Nunavik.

Au Nunavik, 47 % des Inuits vivent dans des logements surpeuplés, par rapport à 7 % pour l’ensemble du Québec. C’est sept fois pire.

Le logement est assurément l’un des enjeux sociaux les plus importants au Nunavik. Il n’est pas rare que cinq, six, sept, huit personnes vivent dans un quatre et demie. Si l’un d’entre eux a des problèmes sociaux, ça a des répercussions sur toute la famille. C’est loin d’être idéal pour élever des enfants et favoriser leur apprentissage scolaire.

Ottawa et Québec ont construit 860 logements sociaux au Nunavik sur six ans, entre 2017 et 2022. Québec s’occupe ensuite du maintien du parc immobilier, qui coûte plus cher sur 25 ans que les coûts de construction.

Malgré tout, la situation du logement au Nunavik s’est à peine améliorée.

En 2015, il manquait 1000 logements sociaux au Nunavik, selon l’Office municipal d’habitation Kativik. Selon la dernière estimation en 2021, il en manque 893. Presque du pareil au même. Parce qu’on n’a pas assez construit de logements, et parce que les Inuits ont un taux de natalité deux fois plus élevé que la moyenne québécoise.

Mince consolation : le pourcentage des Inuits qui vivent dans des logements surpeuplés est passé de 62 % en 2006 à 47 % en 2021. C’est encore tragiquement trop élevé.

Le problème du logement dans le Grand Nord ne date pas d’hier. Il manque de logements au Nunavik depuis les années 1990, quand Ottawa a cessé d’en financer la construction pendant cinq ans.

On n’a jamais rattrapé le retard, et il faut maintenant le faire. Nous avons la responsabilité morale, en discutant de nation à nation, de nous assurer que les Inuits vivent dans des logements décents.

La solution la plus simple : construire 900 logements sociaux supplémentaires à court terme, et ajuster ensuite le parc immobilier aux prévisions démographiques.

Ça réglerait une partie du problème, mais il y a moyen de faire mieux.

Au Nunavik, les Inuits résident à 98 % dans des logements sociaux construits par l’État, qui en assure le maintien et la propriété. Les Inuits paient un loyer en fonction de leur revenu.

De nombreux Inuits, qui font de bons salaires et en ont les moyens, aimeraient posséder leur maison au Nunavik. Comme vous à Montréal, Sept-Îles ou Val-d’Or.

Ce n’est pas vraiment possible pour eux actuellement. Construire une maison dans le Grand Nord coûte beaucoup plus cher que « dans le Sud ». Sans subventions gouvernementales, on n’y arrive tout simplement pas. Il existe un programme de subventions, mais la caisse est vide et il y a une liste d’attente. Il faut remplir cette caisse.

Les logements privés et les logements sociaux sont des vases communicants : si une famille inuite se fait construire une maison qui lui appartient, elle libère son logement social géré par l’État.

La propriété privée ne réglera pas tout. Au final, il faudra sans doute construire des centaines de logements sociaux pour rattraper le manque à gagner de logements au Nunavik. La question est de déterminer le dosage entre les différents types de logements.

Le gouvernement Legault compte justement organiser d’ici quelques mois une rencontre pour brasser des idées et trouver des solutions novatrices à la crise du logement au Nunavik. On souhaite qu’elle permette à toutes les parties impliquées (Québec, Ottawa, les communautés inuites, la Société Makivik, des entrepreneurs) de convenir d’un plan rapide et efficace pour combler le manque à gagner de 900 logements.

Il faut construire mieux, plus vite, et impliquer davantage de main-d’œuvre inuite. La Société Makivik, qui appartient aux communautés inuites, doit être au centre des projets, question de maximiser les retombées économiques pour les Inuits.

Il y a urgence d’agir. Alors que vous lisez ces lignes, la moitié des Inuits vivent dans des logements surpeuplés.

C’est gênant et honteux pour la société québécoise.

Tout comme c’est gênant et honteux que le Québec ne soit pas capable de fournir des enseignants à tous les élèves inuits. Et que les patients inuits meurent ou subissent des complications en raison de délais inacceptables pour recevoir des soins.

On peut corriger toutes ces lacunes de nos services publics au Nunavik. On doit corriger ces lacunes. Il n’y a qu’une seule façon de le faire : avec de la volonté politique et le financement qui l’accompagne.

Pour que tous les élèves inuits aient un enseignant et une éducation de meilleure qualité. Pour que les patients inuits soient mieux soignés, et soignés plus souvent au Nunavik. Et pour que les familles inuites ne vivent plus dans des logements surpeuplés.

Lisez le premier éditorial de la série : « Éducation : on ne fait même pas le strict minimum » Lisez le deuxième éditorial de la série : « Soigner les Inuits (le plus possible) chez eux » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion