La moitié des Inuits du Nunavik vivent dans un logement surpeuplé. Deux classes d’enfants de 13 ans n’ont pas eu de professeur de septembre à janvier. Les Inuits courent des risques 40 fois plus élevés de mourir d’un trauma, mais on oublie malheureusement leurs enjeux sociaux et la piètre qualité des services publics qu’on leur offre. On ne devrait pas. Voici le deuxième de trois éditoriaux sur les services publics au Nunavik. Aujourd’hui : la santé.

« Des gens meurent à cause des délais. On doit trouver des solutions. »

Ce cri du cœur du DEvan Wong à propos des soins de santé au Nunavik ne devrait laisser personne indifférent.

En raison de leur isolement géographique, les Inuits n’ont pas droit en pratique à la même qualité de soins de santé que le reste des Québécois, démontrent nos collègues Ariane Lacoursière et Olivier Jean dans un long reportage publié le mois dernier1. Chaque année, des patients inuits meurent ou subissent des complications en raison de délais inacceptables pour recevoir des soins.

Par exemple, les risques de mourir d’un trauma sont 40 fois plus élevés au Nunavik, en raison des délais pour obtenir des soins.

En cas de trauma, il faut faire les tests dans les premières heures, mais les deux hôpitaux au Nunavik n’ont pas de « CT scan ». On est obligé d’envoyer les patients en avion à Montréal.

Tout le monde comprend que ce sera toujours plus compliqué de soigner des patients au Nunavik. Les Inuits vivent dans 14 villages isolés géographiquement. On peut seulement se déplacer en avion d’un village à l’autre.

Personne ne parle de dilapider les fonds publics pour construire 14 CHUM au Nunavik.

Mais le statu quo n’est pas acceptable.

Le gouvernement Legault convient qu’il y a un problème. « On veut améliorer la qualité des soins dans le nord du Québec », indique le cabinet du ministre Christian Dubé.

Actuellement, on ne pratique pas la télémédecine au Nunavik et les deux hôpitaux à Kuujjuaq et Puvirnituq ont des moyens limités. Impossible de faire des interventions complexes comme une césarienne ou une opération pour l’appendicite.

Résultat : pour les cas médicaux complexes (mais non urgents), on envoie les patients en avion à l’hôpital de Kuujjuaq ou Puvirnituq pour qu’ils soient examinés une première fois, puis on les envoie le plus souvent en avion à Montréal pour recevoir des soins plus poussés. Au total, on parle de 20 500 vols médicaux par an pour les patients non urgents (coût : 24 millions). Rappel : il y a 13 000 personnes au Nunavik.

Pourtant, on pourrait faire autrement. Au Groenland, les soins de santé sont organisés de façon à limiter le plus possible les déplacements des patients. À moins d’un cas très complexe, on soigne les Groenlandais chez eux, pas au Danemark2.

Si le Groenland peut traiter ses patients sur place, c’est parce qu’il mise sur :

1) la télémédecine en première ligne (internet haute vitesse + dossiers médicaux informatisés = télémédecine) ;

2) un hôpital moderne avec un bloc opératoire.

À cause de la démographie (le Groenland compte 55 000 habitants, le Nunavik, 13 000), il est irréaliste de penser qu’on sera un jour aussi avancé que le Groenland.

Mais Québec doit s’améliorer en matière de soins de santé offerts dans le Grand Nord.

Premièrement, il faut encourager la télémédecine. Un prérequis : améliorer l’accès à l’internet haute vitesse. Starlink n’est pas assez fiable, et on finira de brancher la fibre optique fin 2024. On doit accélérer les choses.

À long terme, on doit aussi trouver des façons de prodiguer davantage de soins de santé au Nunavik, comme on le fait au Groenland. On imagine mal à quel point c’est un choc d’être déraciné de sa communauté pour être soigné.

Québec étudie justement le projet d’un nouvel hôpital au Nunavik. Un hôpital plus complet avec un véritable bloc opératoire. Construire un hôpital prend au moins cinq ans.

Entre-temps, on doit faire preuve d’audace et d’innovation. Un exemple ? Avant la pandémie, des médecins au Nunavik ont demandé d’avoir un « CT scan » sur place. Ils ont calculé que la machine se rembourserait en trois ans en épargnant sur les billets d’avion. Ils ont essuyé un refus administratif. La demande a été faite à nouveau récemment. Il faut espérer une réponse positive, et vite.

Dans la mesure du possible, les Inuits ont le droit d’être soignés chez eux.

1. Lisez le reportage « La mortalité cachée du Nunavik » 2. Lisez le reportage « Isolés, mais soignés chez eux »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVECS LA PRESSE

Le Centre de santé Inuulitisivik, à Puvirnituq

Les soins de santé au Nunavik

Il y a un point de service (ex. : avec une infirmière) dans chacun des 14 villages et deux hôpitaux avec des moyens limités à Kuujjuaq et Puvirnituq. Environ 24 médecins de famille pratiquent au Nunavik, plus 28 médecins « dépanneurs ». Le ratio de médecins par habitant est trois fois plus élevé qu’au « sud ». Il y a des médecins sur place dans 6 des 14 villages. Dans les autres villages, un médecin passe une fois par mois.

À lire demain : le logement

Lisez le premier éditorial de la série : « Éducation : on ne fait même pas le strict minimum » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion