Avec ses 57 000 habitants répartis dans 70 collectivités isolées sur un territoire grand comme la moitié de l’Europe, le Groenland offre un casse-tête logistique hors du commun pour l’administration des soins de santé. Malgré tout, on réussit à traiter localement la majorité des citoyens.

(Nuuk et Kapisillit) « Chaque village est presque une île »

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Water taxi à Kapisillit

Le bateau jaune du water taxi file entre quelques icebergs sur le fjord glacé de Nuuk. Environ 2 h 30 min après avoir quitté la capitale du Groenland, l’embarcation arrive dans le petit village de Kapisillit. Mitti Geisler empoigne son sac, quitte le bateau et marche dans la neige vers sa maison accrochée à flanc de colline.

En chemin, une poignée d’enfants passent à vive allure à côté d’elle sur leur traîneau en criant. Mme Geisler habite Kapisillit, une commune d’à peine 50 personnes totalement isolée du Groenland dont la population ne cesse de décroître depuis 30 ans. « C’est le paradis ici. On a la nature », dit la dame en balayant la neige accumulée sur son perron.

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Mitti Geisler, au village de Kapisillit

Parmi de petites maisons colorées du village, une bâtisse jaune se démarque : l’infirmerie. Sur la porte, une affiche est placardée : « Notre employée a pris sa retraite et il y a un poste vacant. »

Le Groenland est l’État le moins densément peuplé au monde. Ses 57 000 habitants sont répartis dans 70 localités disséminées en périphérie de l’immense île de plus de 2 millions de kilomètres carrés, dont le cœur est gelé à l’année. La population de cet État semi-indépendant du Danemark est composée à 90 % d’Inuits. Mais là-bas, on utilise peu ce nom. On se dit « Groenlandais ».

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Des enfants s’amusent au village de Kapisillit.

Particularité importante : comme les 14 villages du Nunavik au Québec, ces localités du Groenland ne sont pas reliées par la route. Pour se déplacer, il faut prendre le bateau ou l’avion. « Chaque village est presque une île… le casse-tête logistique est important », affirme le DJesper Olesen, médecin en chef de la région de Sermersooq, un vaste territoire qui s’étend du sud-ouest au nord-est du pays.

Le recrutement, particulièrement dans les petits villages comme Kapisillit, est difficile. Et pourtant, la majorité des habitants de ce pays peuvent être traités chez eux pour les problèmes de santé courants et pour plusieurs suivis médicaux. Des césariennes et d’autres opérations peuvent être pratiquées dans 34 villages au pays. Pour les urgences graves, on se déplace dans la grande ville la plus proche, ou dans la capitale, Nuuk. Rares sont les cas qui doivent se rendre au Danemark. À Kapisillit, Mme Geisler ne s’inquiète pas outre mesure de l’absence temporaire d’un employé de la santé sur place : « Si on a un problème urgent, ils viennent nous chercher et nous conduisent à Nuuk », dit-elle.

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Nuuk, capitale du Groenland

Le secret : l’internet

Le secret du succès groenlandais tient en grande partie à ce mot : internet. Ici, tous les villages y ont accès grâce à un service par câble ou par satellite. « C’est la fondation de tout ce que l’on fait : la communication », résume le DOlesen.

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Village de Kapisillit

Chaque localité du Groenland possède un dispensaire où œuvre minimalement un employé du réseau de la santé. Dans les plus petits, on peut n’avoir accès qu’à un agent sans formation médicale, qui peut notamment distribuer des médicaments préparés par l’hôpital le plus près, ou organiser des rencontres virtuelles entre des médecins et des patients.

Les citoyens peuvent aussi envoyer en tout temps un message par le site Webdoctor à la cinquantaine de médecins de l’île qui doivent collectivement y répondre en environ 48 heures. On peut ainsi renouveler une ordonnance, poser une question ou envoyer une photo d’une blessure.

Dossier informatisé

Chaque citoyen se voit aussi attribuer dès la naissance un numéro unique qui permet aux travailleurs de la santé d’accéder en un clic aux dossiers complets des patients, peu importe où l’on se trouve au pays.

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Le Dr Jesper Olesen, médecin en chef de la région de Sermersooq

La population peut également composer un numéro et parler directement à une infirmière de l’hôpital le plus près. Cette ligne, qui s’apparente au service 811 au Québec, agit comme un triage. Certains patients recevront simplement un conseil. D’autres auront un rendez-vous avec un médecin en personne ou virtuellement. Ou avec une infirmière. « Tout ce qu’on peut faire à distance, on le fait », dit le DOlesen.

Si un patient d’un village isolé est victime d’un accident grave, il peut composer un numéro d’urgence pour que son transfert soit organisé vers l’hôpital le plus près. Dans la région de Sermersooq, ces patients sont envoyés dans la capitale, Nuuk. « Le transport peut prendre jusqu’à 24 heures pour les villages les plus isolés », note le DOlesen. Une éternité lorsqu’on sait qu’en cas de trauma, le sort d’une personne se joue généralement dans la première heure. Mais dans plusieurs cas, le transfert se fait en moins d’une journée, grâce aux nombreux avions et bateaux qui desservent le pays, à une flotte d’hélicoptères d’entreprises privées ou encore à l’armée danoise, qui dessert le Groenland. De façon exceptionnelle, des patients de villages reculés de l’est du pays sont envoyés en Islande. Des cas sont aussi parfois envoyés au Danemark.

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Professeur associé au département d’études transculturelles et régionales de l’Université de Copenhague, Frank Sejersen estime que les impacts de soigner un patient à l’extérieur de sa communauté sont grands.

On a tendance à réduire la question de la maladie à un problème précis. Mais le concept de soin est plus large que ça. Tu ne peux récupérer que si quelqu’un prend soin de toi. Et ce doit être ta famille et ta communauté.

Frank Sejersen, professeur associé à l’Université de Copenhague

Pour des citoyens de petites collectivités qui ne parlent que le groenlandais (langue très semblable à l’inuktitut), se rendre à Nuuk est déjà très stressant, convient le DGert Mulvad, médecin de famille à Nuuk et chercheur au Centre de recherche en santé du Groenland. Et pour aller au Danemark, le stress est encore pire.

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Hôpital de La Reine Ingrid, à Nuuk

Garder les patients au pays

Steven Arnfjord, sociologue et professeur associé au département de travail social à Ilisimatusarfik (Université du Groenland), explique que le Groenland s’est fait un devoir depuis des années de soigner le plus possible les patients au pays.

Longtemps colonie du Danemark, le Groenland est depuis 1979 un pays semi-indépendant. La gestion du réseau de la santé se fait localement, mais plus des trois quarts des 290 millions de dollars canadiens du budget annuel de la santé proviennent du Danemark.

Avec son bloc opératoire à la fine pointe de la technologie, ses quatre lits de soins intensifs et sa vaste salle d’urgence, l’hôpital de la Reine Ingrid à Nuuk n’a rien à envier à de nombreux hôpitaux du Québec.

Dans le vaste complexe jaune et rouge en plein centre de la ville, on trouve un département de gynécologie et d’obstétrique, d’ORL, de pédiatrie, de psychiatrie, de médecine interne, d’orthopédie, de chirurgie, d’ophtalmologie et de cancérologie. On y offre des appareils de tomodensitométrie (scanneur).

Seuls les patients ayant besoin de soins tertiaires – de neurochirurgie, par exemple –, ceux devant soigner certains cancers ou subir une opération thoracique doivent aller au Danemark.

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L’infirmière Jytte Lindskov Jacobsen

Pour éviter le plus possible de faire venir des patients de petits villages à Nuuk, le DOlesen et ses équipes évaluent constamment les besoins et tentent de gérer le personnel disponible le plus efficacement possible. « On doit toujours jongler avec le casse-tête de “qui envoyer où” », illustre-t-il, reconnaissant que quand l’intensité de services est réduite dans certains villages, la grogne des patients est palpable.

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Village de Kapisillit

Durant le séjour de La Presse à Nuuk, à la mi-novembre, l’infirmière Jytte Lindskov Jacobsen a formé une collègue à pratiquer des tests visuels pour les 14 patients diabétiques du village d’Ittoqqortoormiit, une communauté totalement isolée, où elle se rendait pour deux semaines. « Elle enverra les images de là-bas, par internet. Et ce sera lu par une équipe à Copenhague avant de nous être envoyé ici à Nuuk pour les suivis, résume Jytte Lindskov Jacobsen. […] Beaucoup de patients ne veulent pas quitter leur village, leur travail, leur femme malade… Alors on va à eux. Même si c’est compliqué. »

Le réseau de la santé du Groenland en chiffres

• 1600 employés

• 50 médecins permanents

• 57 000 patients

• 70 villages à couvrir

• 2124 kilomètres séparent le village le plus au nord de celui le plus au sud sur la côte ouest du pays.

Miser sur les infirmières inuites

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Étudiantes de première année en sciences infirmières à l’Université du Groenland

Dans une classe aux vastes fenêtres par lesquelles on peut apercevoir le sommet de la montagne enneigée de Sermitsiaq, 16 jeunes étudiantes groenlandaises écoutent leur professeure de sciences infirmières, Jeannett Klitgaard, leur enseigner la notion de « patient ».

Comme de nombreux réseaux de la santé dans le monde, celui du Groenland est à court de personnel. Et pour s’en sortir, il mise entre autres sur la formation d’infirmières locales.

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La professeure Jeannett Klitgaar dans sa classe de sciences infirmières à l’Université du Groenland

Médecin de famille à Nuuk et chercheur au Centre de recherche en santé du Groenland, le DGert Mulvad souligne que les bienfaits de la formation sur place sont doubles. Une étudiante provenant d’un village reculé aura plus tendance à retourner pratiquer dans sa localité qu’une infirmière parachutée du Danemark.

Et pour les patients, la possibilité d’être soignés en groenlandais plutôt qu’en danois, par des infirmières qui connaissent leur réalité, fait « toute la différence », selon le DMulvad.

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Le Dr Gert Mulvad, chercheur au Centre de recherche en santé du Groenland

Au Québec, aucune formation de soins infirmiers ne se donne au Nunavik. Il faut venir au sud. À Nuuk, 50 étudiantes sont actuellement inscrites au programme de sciences infirmières à Ilisimatusarfik (Université du Groenland). « On en prendrait plus, mais on est limités par le nombre de stages qu’on peut leur offrir. On manque d’enseignantes », note la professeure Naduk Fleischer Eriksen.

Depuis septembre, la jeune Natash Sarkov apprend les rudiments du métier avec une quinzaine d’autres collègues de première année. « C’est important d’avoir des personnes comme nous pour nous soigner », dit l’étudiante au chandail rouge.

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Natash Sarkov, étudiante en sciences infirmières

La solution au manque de personnel

Étudiante en deuxième année, Tukummeq A. Mikaelsen, 24 ans, constate tous les jours dans ses stages l’impact de ses origines sur les patients. « Ils sont beaucoup plus ouverts quand on leur parle dans leur langue. Des fois, une infirmière danoise demande à un patient groenlandais s’il a mal. Il dit non. Mais avec moi, ils disent la vérité », dit-elle.

Rencontrée à l’hôpital de Nuuk, Mme Mikaelsen est native de Qasigiannguit, un village de 1000 habitants du nord-ouest du pays. Une fois son diplôme en poche, elle veut retourner s’y installer.

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Tukummeq A. Mikaelsen, étudiante en sciences infirmières

Je sens que j’ai le devoir d’aller y travailler. On a besoin de gens qui ne bougent pas tout le temps.

Tukummeq A. Mikaelsen, étudiante en sciences infirmières

« Je m’ennuie des chiens de traîneau, des motoneiges et de ma famille », ajoute la jeune femme.

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Ville de Nuuk

Et les médecins ?

Les médecins qui travaillent au Groenland sont encore formés majoritairement au Danemark, explique le DMulvad. Mais ils peuvent faire leurs stages cliniques au Groenland. Et leur spécialité de médecine familiale aussi – en collaboration avec le Danemark –, ce qui favorise la rétention. Actuellement, le pays compte une cinquantaine de médecins permanents, qui y habitent à l’année. De ce nombre, la moitié est passée par le programme de formation local. Et 70 autres médecins, dont des spécialistes, viennent en alternance faire des tours de garde.

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Étudiantes de première année en sciences infirmières à l’Université du Groenland

Trois aéroports d’envergure sont en construction au Groenland et pourront dès 2024 accueillir des avions de toutes les tailles, et non pas uniquement de petits appareils à hélices comme maintenant. Pour le DOlesen et le DMulvad, cela fera « toute la différence ». Car venir au pays ne sera plus aussi difficile qu’avant. « Ça risque de faciliter les déplacements de tout le monde : les patients et les travailleurs », dit le DOlesen.

Reste la question de l’hébergement. Quand le DMulvad est arrivé au pays, il y a 30 ans, la capitale comptait 8000 habitants. Ils sont aujourd’hui 20 000.

Confrontée à une explosion de sa population, Nuuk manque de maisons. Le réseau de la santé groenlandais a l’obligation de fournir un logement à tous ses travailleurs. Il y parvient difficilement, même si le ciel de Nuuk est rempli de grues et que les ouvriers bâtissent des maisons sans arrêt. « Si on pouvait construire encore plus vite, ça aiderait le recrutement », concède le DOlesen.

Gérer à la fois le 811 et le 911

En plein cœur du centre-ville de Nuuk, l’hôpital de la Reine Ingrid offre une gamme étendue de services à la population et permet d’éviter les transferts de patients vers le Danemark. La Presse a passé une soirée avec les infirmières et les médecins travaillant aux urgences de l’hôpital. Aperçu en images.

  • Dans une salle de consultation, un petit garçon se tortille sur la table d’examen. Il a mal au ventre. Il est fiévreux. La Dre Charlotte Damici (à droite) tente de l’ausculter. L’étudiante infirmière groenlandaise Pia Josefsen Kleeman lui sert d’interprète. La mère de l’enfant avait appelé un peu plus tôt, inquiète. Après une courte évaluation téléphonique, on lui a donné un rendez-vous aux urgences.

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    Dans une salle de consultation, un petit garçon se tortille sur la table d’examen. Il a mal au ventre. Il est fiévreux. La Dre Charlotte Damici (à droite) tente de l’ausculter. L’étudiante infirmière groenlandaise Pia Josefsen Kleeman lui sert d’interprète. La mère de l’enfant avait appelé un peu plus tôt, inquiète. Après une courte évaluation téléphonique, on lui a donné un rendez-vous aux urgences.

  • La durée moyenne des séjours aux urgences – le nombre de patients sur civière qui attendent d’être hospitalisés – est très faible à l’hôpital de la Reine Ingrid de Nuuk. Le secret ? « Les étages n’ont pas le droit de refuser nos patients. Quand on demande une hospitalisation, ils prennent la personne tout de suite. On est aux urgences, après tout ! », lance la Dre Damici.

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    La durée moyenne des séjours aux urgences – le nombre de patients sur civière qui attendent d’être hospitalisés – est très faible à l’hôpital de la Reine Ingrid de Nuuk. Le secret ? « Les étages n’ont pas le droit de refuser nos patients. Quand on demande une hospitalisation, ils prennent la personne tout de suite. On est aux urgences, après tout ! », lance la Dre Damici.

  • Les quatre téléphones à la taille de Pia Josefsen Kleeman sonnent sans arrêt. « Ambulance Telefon », dit-elle en décrochant un appareil à 17 h. Au bout du fil, un homme de Nuuk explique avoir fait des convulsions. Le patient est connu de l’équipe de soins. « Il fait parfois des convulsions. Mais parfois aussi, il a juste trop bu », résume l’infirmière de garde, Krystina Harder.

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    Les quatre téléphones à la taille de Pia Josefsen Kleeman sonnent sans arrêt. « Ambulance Telefon », dit-elle en décrochant un appareil à 17 h. Au bout du fil, un homme de Nuuk explique avoir fait des convulsions. Le patient est connu de l’équipe de soins. « Il fait parfois des convulsions. Mais parfois aussi, il a juste trop bu », résume l’infirmière de garde, Krystina Harder.

  • Parce qu’on ne peut savoir si l’homme est cette fois-ci très malade ou non, Mme Harder lui envoie une ambulance. Sa collègue infirmière Nicoline Ravnold (notre photo) file aussitôt vers les salles de consultation et retire partout les bouteilles de gel alcoolisé désinfectant installées aux murs. « Si on ne les enlève pas, le patient qui s’en vient risque de les boire », dit-elle.

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    Parce qu’on ne peut savoir si l’homme est cette fois-ci très malade ou non, Mme Harder lui envoie une ambulance. Sa collègue infirmière Nicoline Ravnold (notre photo) file aussitôt vers les salles de consultation et retire partout les bouteilles de gel alcoolisé désinfectant installées aux murs. « Si on ne les enlève pas, le patient qui s’en vient risque de les boire », dit-elle.

  • Tout au long de la soirée, les téléphones des trois infirmières de garde ne cessent de sonner. On donne un rendez-vous pour le lendemain à un patient grippé. On rassure un parent sur l’état de son enfant atteint de gastroentérite. Occasionnellement, on demande aux patients de venir immédiatement. C’est ce qu’on fait à 20 h 15, quand une mère annonce que son bébé respire difficilement.

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    Tout au long de la soirée, les téléphones des trois infirmières de garde ne cessent de sonner. On donne un rendez-vous pour le lendemain à un patient grippé. On rassure un parent sur l’état de son enfant atteint de gastroentérite. Occasionnellement, on demande aux patients de venir immédiatement. C’est ce qu’on fait à 20 h 15, quand une mère annonce que son bébé respire difficilement.

  • À son arrivée, toute l’équipe des urgences converge vers le petit. On lui met un masque à oxygène. La Dre Damici lui injecte de l’adrénaline. Au bout de quelques minutes, elle pousse un soupir : il respire mieux. Krystina Harder reste tout de même de longues minutes au côté du petit. Il restera en observation en pédiatrie pour la nuit.

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    À son arrivée, toute l’équipe des urgences converge vers le petit. On lui met un masque à oxygène. La Dre Damici lui injecte de l’adrénaline. Au bout de quelques minutes, elle pousse un soupir : il respire mieux. Krystina Harder reste tout de même de longues minutes au côté du petit. Il restera en observation en pédiatrie pour la nuit.

  • Un peu avant 21 h, Krystina Harder reçoit un appel. Un patient qui a subi un accident grave dans un village du nord du pays arrivera prochainement à Nuuk par avion. Une ambulance devra aller le chercher à l’aéroport pour le transporter à l’hôpital, où il est attendu au bloc opératoire. Mme Harder informe l’équipe. Car jusqu’à ce que ce patient arrive, une seule ambulance sera disponible pour desservir tout le reste de la ville.

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    Un peu avant 21 h, Krystina Harder reçoit un appel. Un patient qui a subi un accident grave dans un village du nord du pays arrivera prochainement à Nuuk par avion. Une ambulance devra aller le chercher à l’aéroport pour le transporter à l’hôpital, où il est attendu au bloc opératoire. Mme Harder informe l’équipe. Car jusqu’à ce que ce patient arrive, une seule ambulance sera disponible pour desservir tout le reste de la ville.

  • Peu avant que le quart de travail de l’équipe ne se termine, une femme appelle : c’est une vétérinaire. Elle a euthanasié un renard et craint d’avoir contracté la rage. Elle n’est pas vaccinée. La Dre Damici (à droite sur la photo) recommande à la patiente de se présenter aux urgences pour être vaccinée.

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    Peu avant que le quart de travail de l’équipe ne se termine, une femme appelle : c’est une vétérinaire. Elle a euthanasié un renard et craint d’avoir contracté la rage. Elle n’est pas vaccinée. La Dre Damici (à droite sur la photo) recommande à la patiente de se présenter aux urgences pour être vaccinée.

  • En revêtant son manteau pour partir, Krystina Harder ne cache pas qu’elle est épuisée. Elle vient de travailler 16 heures de suite. « Il manque d’infirmières cette fin de semaine. On a toutes dû donner un quart de travail de plus », dit la jeune femme. Au Groenland depuis six ans, elle repartira sous peu au Danemark : « J’ai adoré travailler ici. Mais je suis fatiguée. »

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    En revêtant son manteau pour partir, Krystina Harder ne cache pas qu’elle est épuisée. Elle vient de travailler 16 heures de suite. « Il manque d’infirmières cette fin de semaine. On a toutes dû donner un quart de travail de plus », dit la jeune femme. Au Groenland depuis six ans, elle repartira sous peu au Danemark : « J’ai adoré travailler ici. Mais je suis fatiguée. »

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S’inspirer du Groenland

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À bord d’un water taxi à Kapisillit

L’Institut de l’Arctique s’intéresse à tous les sujets touchant les communautés inuites du Canada, de l’Alaska, de la Russie et du Groenland. Pour son président et directeur, Romain Chuffart, il est clair que les Inuits sont « mieux desservis à Nuuk qu’au Nunavik », en partie grâce à de meilleures infrastructures.

Mais pourrait-on pour autant envisager de transférer des patients du Nunavik au Groenland pour se faire soigner ? Après tout, la capitale, Nuuk, est plus près de plusieurs villages du Nord-du-Québec que de Montréal (environ 1100 km séparent Kuujjuaq de Nuuk contre 1500 km pour Montréal).

Non, estime M. Chuffart. « Pourrait-on vraiment imaginer un pays développé comme le Canada déplacer ses citoyens dans un autre pays pour recevoir des soins de qualité ? »

La question est toutefois « très intéressante » sur le plan culturel, relève-t-il. « Il y a un mouvement depuis quelques années pour augmenter la collaboration entre les peuples inuits du Canada et du Groenland. Notamment sur les questions de santé. Ce mouvement souligne qu’il est préférable pour les Inuits de travailler ensemble sur l’Inuit Nunungat, leur territoire traditionnel. »

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Village de Kapisillit

Médecin en chef de la région de Sermersooq au Groenland, le DJesper Olesen reconnaît qu’amener des patients du Nunavik au Groenland serait logique, culturellement parlant. « Ils seraient mieux ici, dit-il. Car on parle groenlandais à Nuuk. Et c’est très semblable à l’inuktitut. » Le DOlesen précise toutefois que les citoyens du Nunavik « ont quand même intérêt à rester dans leur système de santé pour plus d’efficacité ».

Les résidants du Nunavik n’ont par exemple pas un numéro unique et un dossier clinique informatisé comme les 57 000 habitants du Groenland.

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Steven Arnfjord

Sociologue et professeur associé au département de travail social à Ilisimatusarfik (Université du Groenland), Steven Arnfjord souligne qu’il existe un traumatisme dans le nord du Québec et du Canada à aller se faire soigner au sud. « Car dans le passé, des patients y ont été amenés et n’en sont jamais revenus », rappelle-t-il. Mais pour lui, amener des patients du Nunavik au Groenland n’est pas non plus souhaitable. « Sinon, on ne fait que répéter les erreurs du passé [en déplaçant les malades loin de chez eux]. Pourquoi ne pas plutôt leur offrir de bons soins au Nunavik ? »

Ce reportage a été réalisé avec le soutien financier du Fonds québécois en journalisme international.