(Québec) Grâce à une nouvelle entente avec Québec et leur ordre professionnel, les médecins de famille peuvent désormais prendre une retraite progressive. Leur syndicat anticipe qu’une centaine d’entre eux pourraient à court terme repousser leur départ.

Dans un contexte de pénurie, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) se réjouit de la publication vendredi d’un nouveau Guide d’accompagnement du médecin de famille qui voudrait planifier un départ progressif vers la retraite. Le document est le fruit d’un chantier lancé il y a deux ans par le syndicat, le Collège des médecins et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« C’était une demande des médecins pour pouvoir ralentir sur quelques années », exprime la directrice à la FMOQ, la Dre Anne-Louise Boucher. Elle cite le cas d’omnipraticiens qui avancent en âge ou d’autres qui ont eu des problèmes de santé et qui « veulent encore contribuer, fournir des soins aux patients ». Or, le processus pour « diminuer leur rythme, c’était complexe », explique-t-elle.

Le quart (24 %) des quelque 10 000 médecins omnipraticiens qui ont facturé dans le régime public québécois en 2022-2023 a 60 ans et plus. De façon plus précise, environ 7600 médecins font de la prise en charge. De ce nombre, 1150 ont plus de 65 ans. Ceux-ci ont près de 900 000 patients inscrits, dont 450 000 qualifiés « vulnérables ».

Avec le nouveau programme, la FMOQ anticipe qu’environ une centaine de médecins de famille pourraient opter pour une retraite progressive plutôt que de quitter complètement le service, ce qui pourra limiter le nombre de patients orphelins.

« Devant la difficulté de vraiment ralentir, des médecins, excusez-moi l’expression, mais tiraient sur la plug deux, trois, quatre ans plus tôt que ce qu’ils auraient voulu. Donc, c’est un gain pour la population », illustre la Dre Boucher.

Le ministre Christian Dubé salue également les changements. « Comme gouvernement, on s’est engagé à améliorer l’accès pour les patients, c’est au cœur de notre Plan santé. C’est pourquoi on permet une retraite progressive aux médecins, afin de rendre la profession plus attrayante pour ceux qui souhaitent continuer de contribuer », a-t-il affirmé dans une déclaration.

L’entente permet des assouplissements au processus actuel pour mettre fin à la relation thérapeutique entre un patient et son médecin. Il faut comprendre que le Code de déontologie prévoit que « le médecin qui a examiné, investigué ou traité un patient est responsable d’assurer le suivi médical […] à moins de s’être assuré qu’un autre médecin, un autre professionnel ou une autre personne habilitée puisse le faire à sa place ».

Or, il devenait de plus en plus difficile pour les médecins de transférer leurs patients à des collègues dans le contexte de pénurie. Pour la première fois cette année, l’arrivée de nouveaux médecins n’a pas compensé le nombre de départs.

GAP

La création du Guichet d’accès à la première ligne (GAP) est venue changer la donne, selon la FMOQ. Ce guichet centralisé, lancé par Christian Dubé en 2022, permet aux patients orphelins d’être pris en charge par un groupe de médecine de famille (GMF) plutôt que par un médecin de famille.

« C’est le filet de sûreté qui nous manquait […] c’était un vide que les Collèges des médecins et les médecins n’aimaient pas », illustre la Dre Boucher. La FMOQ prévoit donc maintenant un mécanisme de transfert des patients vers la nouvelle plateforme pour les médecins en fin de carrière, ce qui n’était pas possible.

Le guide d’accompagnement demande néanmoins aux omnipraticiens de prioriser d’autres options. Le GAP n’étant « pas l’idéal », reconnaît-on.

Le médecin doit d’abord favoriser le transfert de ses patients à des collègues du même milieu de pratique, à des collègues de son GMF ou de son territoire. Il doit aussi transférer des patients ayant des besoins de suivi à des intensités variées pour « respecter les capacités » des collègues.

« Pour les patients qui sont instables, qui viennent de commencer une investigation pour un cancer, qui sont en arrêt de travail, en ajustement actif d’une médication… Ce sont des patients qu’on ne transférera pas, qu’on va garder à notre nom », nuance également la Dre Boucher. Chaque médecin doit d’ailleurs « brosser le portrait de sa patientèle » avant de commencer à réduire sa liste.

Les patients transférés au GAP doivent être dans un état stable, ne pas faire l’objet d’une investigation en cours, ni demander de suivi médical dans un court délai, écrit-on.

La FMOQ admet par ailleurs que son bras de fer avec le ministre de la Santé pourrait avoir des effets sur son programme de retraite progressive en raison de « l’incertitude » provoquée avec la fin de l’entente sur l’accès au GAP. Le syndicat s’oppose farouchement à la décision de Christian Dubé de supprimer une prime annuelle de 120 $ versée pour chaque patient inscrit à un GMF par l’entremise du GAP.

Cette prime représente une facture annuelle de plus de 100 millions de dollars. Or, Québec affirme que la moitié des patients inscrits n’ont pas eu de rendez-vous. Des données contestées par le syndicat.

Selon la FMOQ, le choix du gouvernement pourrait mettre en péril l’existence du guichet. « Le GAP est là pour rester », a assuré pour sa part le ministre.

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