« Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai », chante Francis Cabrel. C’est exactement ce que les principaux acteurs de l’école publique voudraient entendre de la part du nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Ils ont profité du 14 février pour le lui faire comprendre. Une manifestation sur ce thème avait été organisée pour souligner son passage à Montréal. « Bernard, sois le Valentin de l’éducation », lisait-on sur une banderole.

Ils disent avoir « besoin d’amour ».

Ils ont raison.

On en a eu une nouvelle preuve lorsque Le Journal de Montréal a rapporté, au début du mois, qu’environ 4000 enseignants ont démissionné au Québec au cours des trois dernières années. Ce n’est pas normal.

Bon, soyons rigoureux, ce chiffre comprend les enseignants qui ont quitté leur établissement pour se joindre à un autre. Et on sait qu’à Montréal, ils ont été nombreux au cours de cette période (notamment en raison de la pandémie et des travaux de réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine).

Il est évident, néanmoins, que beaucoup d’enseignants continuent de quitter prématurément la profession.

On sait par exemple qu’un nombre élevé de nouveaux enseignants (entre 20 % et 40 %, évoquent des experts) la quittent pendant les cinq premières années.

On sait aussi qu’il y a trop d’enseignants en fin de carrière qui prennent leur retraite plus tôt que prévu, épuisés.

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Récemment, notre journaliste Marie-Eve Morasse a révélé que le centre de services scolaire de Montréal est à la recherche d’enseignants non légalement qualifiés pour prêter main-forte à des élèves « à risque » au primaire et au secondaire.

Questionné à ce sujet, Bernard Drainville a… blâmé les libéraux pour la pénurie d’enseignants.

La société québécoise n’a pas encore fini de payer pour les restrictions budgétaires imposées au milieu de l’éducation par les libéraux de Philippe Couillard. C’est vrai.

Mais c’est trop facile pour le parti au pouvoir depuis quatre ans de blâmer ses prédécesseurs. Ce qui serait utile, c’est de proposer de meilleures solutions.

Car la CAQ, qui a répété avant même sa victoire en 2018 qu’elle voulait revaloriser la profession, n’a pas terminé sa mission.

Si on devait lui accorder un bulletin pour la gestion de la pénurie d’enseignants à l’issue de son premier mandat, elle n’obtiendrait certainement pas un A. Ni un B.

Ici aussi, soyons rigoureux : la CAQ a agi. Elle a entre autres revu à la hausse la rémunération des enseignants, qui était trop loin de la moyenne canadienne. Il importe de le souligner.

Le problème, c’est que l’approche comptable du gouvernement Legault, dans le dossier de l’éducation, a des limites.

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Ce dont le milieu de l’éducation a besoin pour freiner la pénurie, c’est d’un véritable plan d’action pour faire grimper le nombre d’enseignants.

On parle ici de multiplier les initiatives qui vont permettre d’en recruter de nouveaux, bien sûr.

Mais il faut aussi augmenter à la fois l’attractivité de la profession et la rétention des enseignants qui sont déjà dans le réseau.

On ne parle pas ici d’augmentations de salaire, mais plutôt de trouver davantage de façons d’alléger la tâche des enseignants du réseau public, qui n’en peuvent plus.

Bernard Drainville a proposé d’ajouter des « aides à la classe ». C’est en fait un projet qui avait été lancé par Jean-François Roberge et qui sollicite la contribution des employés des services de garde.

Une bonne initiative, qui mérite d’être élargie, mais qui ne suffit pas.

Il est urgent de trouver des moyens de résoudre ce qui est devenu un problème structurel : la lourdeur des classes dans les écoles publiques dites ordinaires (par opposition aux écoles publiques qui offrent des programmes particuliers et aux écoles privées).

Qu’un enseignant puisse se retrouver avec une classe où la moitié des élèves sont handicapés ou en difficulté d’adaptation et d’apprentissage, c’est hautement problématique. Et intenable.

Revoir la composition des classes est donc devenu un enjeu incontournable.

Tant que ce problème ne sera pas abordé de front, les enseignants auront l’impression que le gouvernement caquiste les aime bien mal.

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