Justin Trudeau peut bien nous dire, devant deux avions militaires au Yukon, que le système de défense nord-américain fonctionne très bien, Madame la marquise.

On s’explique mal pourquoi les États-Unis et le Canada ont laissé un ballon-espion de la Chine survoler tout le continent avant de l’abattre.

On s’explique encore moins pourquoi, une semaine plus tard, les deux pays ont attendu qu’un autre objet se trouve au-dessus du lac Huron pour le neutraliser, dimanche.

Malgré la part de mystère, une chose est claire : notre territoire est vulnérable. On doit prendre notre défense nationale beaucoup plus au sérieux, car cette série d’objets volants – quatre au total ont été détruits en un peu plus d’une semaine – n’est que la pointe de l’iceberg.

La Chine ne se gêne pas pour nous espionner… jusque dans nos universités qui collaborent avec des militaires chinois, sans que le Canada ne puisse les en empêcher. Une aberration, comme nous l’avons récemment plaidé. 1

À cela s’ajoute la menace de la Russie, notre voisine dans l’Arctique, qui a recommencé à envoyer des avions de chasse près de l’Alaska. Elle utilise aussi ses sous-marins pour montrer ses muscles à l’Amérique du Nord.

On ne peut pas rester les bras croisés face au risque réel que présentent ces dictatures qui cherchent à ébranler nos démocraties.

Malheureusement, nos systèmes de défense sont dans un état de désuétude avancée. La chaîne de radars du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) a été déployée dans les années 1980, à l’époque des téléphones à roulette et des tourne-disques.

Pendant ce temps, la Russie a développé des missiles nucléaires difficiles à détecter et des missiles hypersoniques qui vont cinq fois plus vite que le son. La Chine aussi s’est mise de la partie.

Heureusement, il y a de bonnes nouvelles.

La première : Ottawa s’est réveillé. Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé un réinvestissement d’environ deux milliards par année dans la défense. Ainsi, les dépenses militaires devraient passer de 1,33 % du PIB à 1,59 % du PIB d’ici 2026-2027.

Cela reste loin de la cible de 2 % fixée par l’OTAN que certains pays comme l’Allemagne et le Japon se sont engagés à atteindre, une révolution pour ces pays qui avaient suivi un crédo pacifiste à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

Mais atteindre ce niveau au Canada est impensable à moyen terme, selon le Directeur parlementaire du budget, puisque cela nécessiterait un investissement annuel supplémentaire de 13 milliards, à terme.

Dans ce contexte, le Canada devra faire des choix et la défense nationale mérite d’être en haut de sa liste de priorités, elle qui a été si longtemps ignorée. À preuve, le chapitre sur la défense continentale était carrément manquant lorsque les libéraux ont présenté leur politique de défense en 2017 !

Mais voici la deuxième bonne nouvelle : le fédéral a annoncé en juin un réinvestissement majeur de 40 milliards sur 20 ans pour le système de défense du NORAD. Or, seulement 4,9 milliards seront déployés à plus court terme, soit sur six ans. Ensuite, tout dépendra des futurs gouvernements…

De plus, le gouvernement libéral a annoncé en janvier l’achat de 88 avions de chasse F-35, lui qui avait mis à la corbeille en 2015 le projet conservateur d’acheter… des F-35. Que de temps perdu pour remplacer nos vieux avions ! Surtout que les premiers appareils n’arriveront pas avant 2026.

Pour envoyer un signal fort, le Canada doit accélérer la cadence et s’attaquer aux angles morts qui restent.

Par exemple, nous n’avons aucun drone pour surveiller les zones difficilement accessibles de l’Arctique. Pas plus que nous avons de plan pour remplacer nos sous-marins qui tombent en ruine. Pourtant, avec la fonte des glaces, la Chine sera de plus en plus présente dans les eaux de l’Arctique, elle qui veut asseoir son statut de puissance mondiale.

S’il y a un message à retenir de ses ballons volant au-dessus de nos têtes, c’est que l’heure de la naïveté est terminée. La sécurité de notre pays n’est pas qu’une idée en l’air.

1. Lisez l’éditorial « Chinoiseries universitaires » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion