On ne peut plus ignorer de tels signaux. Un autre rapport d’experts dévoilé ce lundi montre que le gouvernement Legault fonce droit devant au lieu de prendre le nécessaire et urgent virage de la transition énergétique.

« Sans mesures additionnelles à celles identifiées dans le Plan pour une économie verte 2030, le Québec ne pourra décarboner de façon structurante son économie et atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050 », affirme Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal et l’un des auteurs de l’État de l’énergie au Québec 20231.

Si le gouvernement fait fi de cet autre drapeau rouge, il faudra en conclure qu’il ignore les données et n’a pas le courage de s’attaquer au plus grand enjeu de notre époque. Bref, qu’il choisit de foncer dans le mur les yeux grand ouverts.

Voici quelques éléments tirés du rapport qui doivent nous secouer.

Consultez le rapport État de l’énergie au Québec 2023

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Pour réussir notre transition énergétique, il faut connaître l’état de la situation et documenter son évolution.

Des données incomplètes

Chaque année, les chercheurs de HEC Montréal déplorent les difficultés auxquelles ils se butent pour effectuer leurs travaux. Or, loin d’observer une amélioration, les auteurs parlent d’une « dégradation de l’état des données énergétiques ». Les constats décrits dans le rapport datent d’ailleurs de 2020 ou, au mieux, de 2021. Pour réussir notre transition énergétique, il faut pourtant connaître l’état de la situation et documenter son évolution.

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Malgré la pandémie, la quantité de diésel utilisée pour le transport routier a atteint un record au Québec en 2021.

Un record de diésel

Malgré la pandémie, la quantité de diésel utilisée pour le transport routier a atteint un record au Québec en 2021. « Ça, ça me frappe. Parce que ce n’est pas ça qu’on doit voir comme résultat. On ne devrait pas être en train de battre des records pour la vente de produits pétroliers dans le secteur du transport », commente Pierre-Olivier Pineau. De façon générale, la consommation de carburant a connu une baisse en 2020 et un rebond en 2021, mais n’a pas rejoint les niveaux d’avant la pandémie. Des tendances inquiétantes empêchent toutefois de se réjouir de cette statistique (voir point suivant).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le nombre de véhicules par habitant a continué de grimper en 2021. Et la vaste majorité (71 %) des véhicules vendus sont des VUS ou des camions légers, qui consomment en moyenne 20 % plus de carburant que les voitures.

Des véhicules plus nombreux et plus lourds

Le gouvernement Legault ne fait rien pour contrer la prolifération des véhicules sur nos routes, en particulier des véhicules utilitaires sport (VUS). Résultat : ils prolifèrent. Le nombre de véhicules par habitant a continué de grimper en 2021. Et la vaste majorité (71 %) des véhicules vendus sont des VUS ou des camions légers, qui consomment en moyenne 20 % plus de carburant que les voitures, selon le document. Le problème est que chaque véhicule qui s’ajoute à un réseau déjà saturé y sera pour des années. « Alors que le gouvernement parle de sobriété énergétique, la tendance sur les routes va dans la direction opposée. Certains pourraient même parler d’“ébriété énergétique” », écrivent les chercheurs. On ne saurait mieux dire, et il est plus que temps de dégriser.

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Entre 1990 et 2019, la surface des logements a bondi de 21 %. Cela veut dire plus de volume à chauffer.

Plus de mètres carrés à chauffer

La sobriété ne se reflète pas non plus dans nos résidences. Entre 1990 et 2019, la surface des logements a bondi de 21 %. Cela veut dire plus de volume à chauffer. C’est d’autant plus vrai que les maisons unifamiliales, qui consomment plus d’énergie, augmentent plus rapidement que les appartements et les condos. Ce chauffage largement électrique produit peu de GES, mais met une pression sur notre réseau qui doit être utilisé pour décarboner l’économie.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

En divisant le PIB par la consommation d’énergie, les chercheurs de HEC Montréal calculent que la province génère seulement 246 dollars par gigajoule.

Peu de dollars par unité d’énergie

Si vous croyez que le Québec fait fortune avec son énergie en attirant chez lui des industries, détrompez-vous. En divisant le PIB par la consommation d’énergie, les chercheurs de HEC Montréal calculent que la province génère seulement 246 $ par gigajoule (pour donner un ordre de grandeur, on peut faire environ 100 brassées de lavage avec un gigajoule d’énergie). C’est 17 % de moins que l’Ontario et l’une des pires performances du monde industrialisé. Évidemment, le climat et le tissu industriel influencent cette donnée, mais c’est néanmoins à garder en tête alors que les entreprises cognent à nos portes pour utiliser notre hydroélectricité.

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