Si la tendance se maintient, les voitures auront bientôt disparu de nos routes au profit des véhicules utilitaires sport (VUS) et autres camions légers.

C’est ce que souligne la plus récente livraison de l’État de l’énergie au Québec, qui fait annuellement le bilan de la production et de la consommation énergétiques de la province.

Le déclin de la voiture entamé depuis 2008 s’accélère, explique Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en énergie de HEC Montréal et responsable de la publication. « Si on fait une progression linéaire, il ne se vendra plus de voitures après 2028 », dit-il.

En 2021, les voitures ne comptaient plus que pour 20 % des ventes totales de véhicules, contre 71 % pour les VUS et autres camions légers.

On peut argumenter sur la définition d’un VUS et plaider qu’il y a des petits VUS, mais ce sont des camions quand même, alors que l’offre de voitures des constructeurs automobiles continue de diminuer.

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en énergie de HEC Montréal

Même si la consommation d’essence des deux types de véhicule diminue, les voitures consomment 20 % de moins que les VUS, précise l’État de l’énergie.

La même tendance s’observe pour les véhicules électriques. Les ventes sont en augmentation, mais la taille des véhicules aussi. « Les gros VUS électriques consomment 50 % plus d’énergie que les voitures électriques, soit 30 kWh par 100 kilomètres comparativement à 20 kWh par 100 km pour les voitures électriques », souligne Pierre-Olivier Pineau.

En 2021, 57 % des véhicules électriques vendus étaient de la catégorie des camions.

« Ébriété énergétique »

« Alors que le gouvernement parle de sobriété énergétique, la tendance sur les routes va dans la direction opposée. Certains pourraient même parler d’“ébriété” énergétique », souligne-t-on dans le document.

Année après année, il n’y a pas de quoi se réjouir du bilan énergétique québécois, reconnaît Pierre-Olivier Pineau. « Le secteur de l’énergie n’évolue pas à la hauteur des ambitions climatiques », déplore-t-il encore cette année.

Le professeur pointe quand même un élément positif survenu récemment : le fait qu’Hydro-Québec ait exposé clairement que des approvisionnements en énergie totalisant 100 térawattheures seront nécessaires pour la transition énergétique et que l’électricité coûtera plus cher. « C’est la première fois qu’ils l’expriment aussi clairement et ça ouvre le débat sur la place publique », estime-t-il.

Peu d’action dans les nouvelles filières

Le gouvernement et les entreprises misent beaucoup sur les nouvelles filières énergétiques pour diminuer les émissions de GES, mais il y a encore peu de résultats sur ce front. Les projets abondent, mais les résultats se font attendre, constate l’État de l’énergie au Québec. Les capacités de production de biodiesel et d’éthanol sont restées inchangées en 2022 par rapport à 2021, et le gaz naturel renouvelable représente toujours moins de 1 % du volume du réseau gazier québécois. L’hydrogène représente moins de 1 % du bilan énergétique, dont au moins 95 % étaient faits à partir d’hydrocarbures (hydrogène gris) et seulement 2 % à partir d’électricité renouvelable (hydrogène vert).

Faible productivité

Le Québec possède une richesse énergétique qui n’est pas exploitée à sa juste valeur, constate aussi la Chaire en énergie de HEC Montréal, qui a comparé la richesse générée (mesurée par le produit intérieur brut) par unité d’énergie consommée. Le Québec a une productivité énergétique inférieure de 17 % à celle de l’Ontario, mais légèrement au-dessus de la moyenne canadienne. La comparaison internationale est encore plus défavorable : le Canada est le dernier de classe en matière de productivité énergétique, derrière des pays comme les États-Unis, la Norvège et le Royaume-Uni. Une des explications à cette faible productivité : il se perd énormément d’énergie dans les processus industriels, et ces pertes ne sont pas valorisées comme elles le sont ailleurs dans le monde.