On ne peut plus demander aux villes et aux organismes communautaires de porter seuls le poids des problèmes liés à l’itinérance : cas complexes de santé mentale, problèmes de dépendance et de pauvreté, réfugiés en attente de suivi… Il y a des limites à faire des miracles avec des budgets de misère.

Partout au Québec, on observe une augmentation de l’itinérance en milieu urbain. Et la plupart des municipalités se débrouillent avec les moyens du bord.

Il est grand temps que Québec – pour la santé et les services sociaux – et Ottawa – pour financer le logement – assument leurs responsabilités et délient les cordons de leur bourse.

À Montréal, la fermeture annoncée du magasin Archambault a eu l’effet d’une douche froide pour certains. Mais pour ceux et celles qui connaissent le Quartier latin et le Village, la dégradation du tissu social invoquée par les propriétaires de cette institution montréalaise n’est pas une nouvelle.

Les résidants, les commerçants et les institutions autour de la station de métro Berri-UQAM gèrent une situation explosive au quotidien, et ce, depuis des années. À un point tel qu’on tient désormais pour acquis qu’ils vont « assurer ».

Or il y a des limites à ce que peut faire un vendeur de chez La Source ou un commis de la Grande Bibliothèque quand une crise éclate.

Est-ce normal que la Grande Bibliothèque puise à même son budget pour former des agents de sécurité à la réalité du quartier ou pour acheter des poubelles à seringues ? Pas vraiment. Québec devrait leur accorder une aide financière dédiée.

Même chose pour les groupes communautaires à qui on demande de prendre le sort du monde sur leurs épaules sans budget adéquat pour embaucher du personnel et le payer décemment. Le dévouement, c’est admirable, mais ça ne met pas de beurre sur les toasts le matin !

Dans le Village, la situation risque de s’aggraver au cours des prochaines années. Réfection à venir de la rue Sainte-Catherine, fermeture éventuelle d’une partie du parc Émilie-Gamelin lorsqu’on rénovera le toit de la station Berri-UQAM… Où iront toutes ces personnes en situation d’itinérance lorsqu’elles seront chassées de leurs lieux habituels ? Et c’est sans compter la construction de condos sur le site de Radio-Canada, de l’ancienne usine Molson et autour du pont Jacques-Cartier, qui ajoutera grosso modo 15 000 nouveaux résidants aux 45 000 existants. Bonjour les tensions sociales !

Dommage que le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal n’ait pas répondu à l’invitation de l’arrondissement de Ville-Marie au forum sur l’avenir du Village, qui s’est tenu l’automne dernier. Sa présence aurait été pertinente.

Les résidants, eux, sont exemplaires et empathiques, nous assurent les organismes qui œuvrent dans le quartier. Mais pour combien de temps encore ? Si on ne fait rien, la situation risque de devenir intenable.

Mardi, l’Union des municipalités a annoncé la tenue d’un sommet sur l’itinérance en septembre prochain. Cette excellente initiative est accompagnée d’une bonne nouvelle : la mise sur pied d’un comité dédié à la question, présidé par le maire de Québec, Bruno Marchand. Première action, absolument essentielle : une étude qui chiffrera la contribution financière des villes pour gérer cette crise sociale. Attendez-vous à une facture salée.

La situation n’est pas propre au Québec, toutes les villes canadiennes sont dans le même bateau. La semaine dernière, le maire de Toronto, John Tory, a dit souhaiter la tenue d’un sommet national sur la question. Pourquoi pas ? Plusieurs têtes valent mieux qu’une.

On n’a peut-être pas encore trouvé la recette miracle, mais on connaît déjà l’ingrédient magique : le logement. Demandez à Vienne et à Helsinki, deux villes souvent citées en exemple où les politiques de logements sociaux sont inspirantes. Avoir un toit au-dessus de sa tête permet de se reprendre en main, et c’est un droit fondamental. Un juge de la Cour supérieure de l’Ontario vient d’ailleurs de le rappeler à la Ville de Waterloo, qui voulait démanteler un campement d’itinérants. « Trouvez-leur un toit et vous reviendrez me voir », a dit le juge en substance, s’inspirant d’un jugement similaire en Colombie-Britannique.

Le gouvernement Legault doit se réveiller avant qu’il ne se produise la même chose ici.

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