Le Québec est un des endroits au monde où on a le plus recours à l’aide médicale à mourir (AMM). Comment l’expliquer ? La Commission sur les soins de fin de vie, qui vient de déposer son rapport annuel, aimerait bien qu’on creuse la question.

Avec le vieillissement de la population et l’éventuel élargissement des critères d’admissibilité, le nombre de cas est appelé à augmenter. Si on veut éviter d’éventuels dérapages, il faut bien comprendre le phénomène, redoubler d’efforts dans la formation du personnel médical et bien informer la population québécoise.

Au cours des 12 derniers mois se terminant en mars, 3663 Québécois ont reçu l’AMM, une augmentation de 51 % comparé à l’année précédente, apprend-on à la lecture du rapport. Bonne nouvelle : dans plus de 99 % des cas, l’AMM était conforme aux exigences, note la Commission qui s’assure du respect de la Loi. Ces données sont rassurantes.

Pour continuer sur cette voie et éviter toute dérive, il faut ajouter des ressources. Car les demandes d’AMM vont aller en augmentant. En sept ans, 10 786 personnes l’ont reçue. C’est plus de cas par million d’habitants que l’Ontario, le Canada et la Belgique. L’acceptabilité sociale de l’AMM semble élevée au Québec.

Or les dossiers sont de plus en plus complexes, note-t-on. « Les maladies graves et incurables à l’origine d’une demande d’AMM sont de plus en plus variées et soulèvent plus de questions concernant l’admissibilité », souligne-t-on.

La Commission recommande donc, avec raison, que le gouvernement du Québec mette sur pied un service-conseil auquel pourrait s’adresser, en temps réel, le personnel impliqué dans des cas complexes de demandes d’AMM.

Cette recommandation est d’autant plus pertinente que les critères d’admissibilité vont s’élargir avec les années. Le projet de loi 38 déposé le printemps dernier prévoyait déjà d’admettre les demandes anticipées par des gens atteints d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude, un dossier défendu courageusement par Sandra Demontigny, atteinte d’alzheimer précoce. Prochaine étape : les troubles de santé mentale (Ottawa vient de demander un délai pour revoir sa loi), les handicaps graves, et ultimement, les cas pédiatriques. Des discussions émotives sont à prévoir et les médecins (ainsi que les infirmières praticiennes qui pourraient bientôt être autorisées à administrer l’AMM) risquent de plus en plus de nager en eaux troubles. Non seulement auront-ils besoin de critères clairs qui font consensus dans la société québécoise, mais ils auront aussi besoin d’être formés et accompagnés dans leur pratique, et ce, dès l’université.

La population gagnerait elle aussi à être mieux informée. Il existe encore une grande méconnaissance, en partie alimentée par la représentation de l’AMM dans la culture populaire. Un exemple : les récents épisodes de STAT, la quotidienne d’ICI TÉLÉ, dans lesquels un oncologue reçoit la demande d’AMM d’un patient de longue date atteint d’un cancer en phase terminale. Le médecin demande un deuxième avis à un jeune collègue de manière presque improvisée, debout dans son bureau, entre deux rendez-vous. Plus tard, alors qu’il le croise dans un couloir, il lui lance : « J’espère que tu ne t’opposeras pas ! » On comprend qu’il s’agit d’une fiction et non d’un documentaire, mais ces échanges donnent l’impression que les demandes d’AMM sont peu encadrées. Dans les faits, il y a tout un mécanisme qui se met en place : avis obligatoire d’un second médecin, comité d’évaluation multidisciplinaire, etc.

D’où la pertinence d’une autre recommandation de la Commission sur les soins de fin de vie : que Québec réalise une campagne d’information et de sensibilisation destinée à la population. Et qu’il mette sur pied un service d’accompagnement pour répondre aux questions des personnes souffrantes et de leurs proches.

La Commission se fait toutefois rassurante : selon les résumés cliniques des médecins, l’AMM ne serait pas un choix « par défaut ». Les personnes qui en font la demande ont reçu des soins palliatifs ou les ont refusés.

Par contre, on ne sait rien de la qualité de ces soins ni du moment auquel ils ont été proposés, deux questions qu’il faudrait préciser.

Si le Québec est un des endroits dans le monde où il se pratique le plus d’AMM, nous nous devons d’être exemplaires à tous les niveaux.

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