Il est regrettable que la météo ait empêché Justin Trudeau de rencontrer François Legault, vendredi, car les Québécois n’en peuvent plus d’attendre.

Attendre pour un passeport. Attendre pour l’immigration. Attendre pour la protection du français. Et bien sûr, attendre pour des services de santé dignes de ce nom.

Avec les urgences qui débordent, des vies sont en jeu.

Au Québec, les patients attendent 19 heures avant d’être admis aux étages. Certains sont même morts sans jamais avoir reçu de soins, en Montérégie et en Outaouais. La situation est particulièrement critique dans les urgences pédiatriques qui vivent une crise historique, à la grandeur du pays.

Pendant ce temps, le premier ministre Trudeau, qui avait pourtant promis des milliards de dollars en campagne électorale, n’a pas l’air pressé de s’entendre avec les provinces qui réclament une hausse des transferts fédéraux en santé depuis des années.

Il est temps que ça se règle, car la pression monte.

Elle monte, car le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, se dit prêt à déchirer l’entente qui permet aux libéraux de rester au pouvoir jusqu’en 2025 si le gouvernement ne s’attaque pas à la crise dans les hôpitaux pour enfants.

La pression monte aussi, car le prochain budget fédéral doit être déposé dans quelques mois. Justin Trudeau sortira perdant sur le plan politique si le budget ne contient pas d’engagements en santé, alors qu’il s’agit d’une urgence nationale.

Bref, les libéraux ne peuvent pas rester sur les lignes de côté éternellement, en essayant de négocier à la pièce avec certaines provinces pour briser leur front commun, comme en 2017.

Il faut dire que les provinces ont mal joué leurs cartes.

En accordant des baisses d’impôt électoralistes, plusieurs provinces, dont le Québec, ont envoyé le message qu’elles ne manquent pas d’argent du tout.

Par ailleurs, elles se sont enfermées dans une rhétorique qui ne tient pas la route dans leurs revendications pour bonifier les transferts en santé. Les provinces n’ont cessé de répéter que le fédéral qui payait la moitié de la facture à la naissance du système de santé, ne paie plus que 22 %, ce qui est vrai. Elles réclament que la part du fédéral remonte à 35 %, ce qui représente 28 milliards par année. Sauf qu’en considérant des transferts de points d’impôt des années 1970, Ottawa paie déjà plus du tiers de la facture1.

Malgré tout, Ottawa doit en faire davantage. Car au-delà de ces combats de chiffres, un fait demeure. Notre population vieillit. Et les coûts du système de santé vont exploser de 7,5 % du PIB en 2019 à 9,5 % en 20501.

Comme piste de solution, Ottawa pourrait donc offrir un financement relié aux dépenses excédentaires dues au vieillissement de la population qui est plus criant dans certaines provinces comme le Québec.

On aimerait que le ministre fédéral de la Santé Jean-Yves Duclos dépose une offre chiffrée, une bonne fois pour toutes. Jusqu’ici, il s’est concentré sur les conditions imposées aux provinces en échange de transferts bonifiés, provoquant une levée de boucliers de la part des provinces.

Ottawa veut que les provinces adhèrent à un système de données national. À première vue, ça ne semble pas déraisonnable. Mais il s’agit d’une pente glissante qui pourrait mener à une plus grande reddition de comptes de la part des provinces… et ajouter une couche de bureaucratie fédérale dans le système de santé qui est déjà si lourd.

Faut-il rappeler que ce sont les provinces qui sont sur le terrain en santé ? Les services sont loin d’être parfaits. Et les provinces doivent revoir leurs façons de faire pour être plus efficaces, plus productives.

Mais Ottawa n’a certainement pas de leçon à donner aux provinces dans la livraison des services à la population.

Pensez à la crise des passeports qui est loin d’être terminée. Que répond Justin Trudeau au citoyen qui a déboursé 160 $ au mois d’août pour sa demande et qui n’a toujours pas reçu le précieux document qui devait arriver avant le 6 décembre ?

Patience, patience.

Songez aussi au dossier de l’immigration où Justin Trudeau a l’arrogance de suggérer à Québec de doubler le nombre d’immigrants pour maintenir son poids démographique au sein du Canada, alors que les fonctionnaires fédéraux ne fournissent même pas à la demande. Ils font notamment languir de longs mois les 36 000 réfugiés qui sont arrivés au Québec par le chemin Roxham depuis le début de l’année, un enjeu en soi.

Patience, patience.

Et la langue française ? Québec se heurte à 28 entreprises récalcitrantes qui ne veulent pas appliquer les règles de la loi 96, parce qu’elles attendent la réforme de la Loi sur les langues officielles qu’Ottawa tarde à mettre sur les rails.

Monsieur Trudeau, la patience a ses limites. En vue de votre rencontre avec François Legault, reportée à la semaine prochaine, gardez en tête que les citoyens en ont assez d’attendre.

1. Consultez une étude de l’Université de Calgary (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion