Le petit s’est fendu le front en jouant au parc ? Pas la peine d’essayer de dénicher une clinique ouverte en ce dimanche après-midi. Contactez simplement votre centrale de télémédecine où se trouve tout votre dossier médical électronique.

Un professionnel vous répondra sur-le-champ, vous demandera d’envoyer une photo de la plaie par courriel, puis vous guidera vers une pharmacie en prenant soin de vous expliquer comment installer vous-même les bandes de rapprochement.

Science-fiction ?

Au contraire, ce système ultra-efficace existait déjà à grande échelle il y a plus de dix ans… en Suisse. Et le ministre de la Santé, Christian Dubé, le connaît bien puisqu’il travaillait à Zurich à cette époque. 1

Avec le plan de « refondation » qu’il a présenté mardi, M. Dubé vise justement à hisser le système de santé du Québec parmi les plus performants du monde… comme la Suisse.

Soyons francs : il a énormément de travail à faire.

Mais le modèle de guichet d’accès à la première ligne, lancé dans le Bas-Saint-Laurent en 2020, est un bon point de départ. Ce service téléphonique permet aux patients qui n’ont pas de médecin de famille d’obtenir rapidement un rendez-vous avec un spécialiste – médecin, infirmière, psychologue, pharmacien – en fonction de leurs besoins.

La recette fonctionne. Elle mérite d’être étendue à travers la province, comme le souhaite Québec. Et pourquoi ne pas y greffer un volet de télémédecine ? Il est grand temps qu’on arrive au XXIe siècle.

Mais depuis le début du millénaire, les initiatives de Québec en télésanté n’ont pas abouti, a déploré le Vérificateur général dans son plus récent rapport. 2 Les projets prometteurs s’enlisent à cause de l’état lamentable de nos infrastructures technologiques, que le ministre Dubé promet de requinquer.

C’est vrai qu’on ne va pas loin avec un fax !

Un véritable guichet de télémédecine à l’échelle de la province serait un prix de consolation pour les Québécois déçus de ne pas avoir accès à un médecin de famille, comme la CAQ l’avait promis en 2018.

Quatre ans plus tard, la liste des patients orphelins ne fait que s’allonger, avec un record de 945 000 patients en attente. Si on ajoute tous ceux qui ont un médecin, mais n’arrivent pas à obtenir un rendez-vous, ça fait beaucoup de malades qui aboutissent aux urgences au moindre pépin.

Pas le choix : il faut améliorer la première ligne si on veut désengorger le système. Tout le monde s’entend là-dessus. Comme sur la plupart des recommandations du plan de Christian Dubé.

Si le document n’apporte rien de bien neuf, il a le mérite d’être une synthèse de toutes les bonnes idées mises de l’avant depuis 35 ans dans les nombreux rapports qui sont restés sur les tablettes.

Beaucoup de belles photos, de beaux slogans. Peu de chiffres et d’objectifs précis.

Les partis de l’opposition n’ont pas tort d’y voir une plateforme électorale plutôt qu’un plan concret.

Toutefois, le ministre Dubé semble la bonne personne, au bon moment, pour venir à bout de l’immobilisme du mammouth de la santé.

La bonne personne, car son expérience de gestion dans le secteur privé a donné de bons résultats durant la pandémie.

On l’a vu avec le développement de Clic Santé, qui a facilité la prise de rendez-vous pour la vaccination. On l’a vu aussi avec le tableau de bord présenté à la population pour suivre les indicateurs de la COVID-19, une formule que le ministre veut reproduire bientôt pour suivre la performance du réseau de la santé.

Le bon moment, car justement la pandémie a démontré qu’on peut faire les choses autrement. Qu’on DOIT faire les choses autrement. Les terribles failles du réseau nous ont imposé des mesures sanitaires plus strictes qu’ailleurs, ce qui nous a coûté cher en argent et en vies.

Il faut espérer que cet électrochoc sera assez puissant pour secouer tous les acteurs qui sont réfractaires au changement. Car autrement, on fonce droit dans le mur.

L’escalade des dépenses en santé ne peut plus durer comme ça. Il y a cinq ans, la santé accaparait 43,9 % du budget total de Québec. Avec la pandémie, elle absorbe plus de la moitié (50,6 %) de l’argent des contribuables.

Si ça continue, les autres missions essentielles de l’État seront vampirisées, à commencer par l’éducation, qui est notre avenir.

Avant même la pandémie, les dépenses en santé au Québec étaient pratiquement les plus élevées de tout l’Occident, exception faite des États-Unis. Elles représentaient 12,5 % de notre PIB, en 2019, davantage que la moyenne des pays de l’OCDE (8,9 %)… et même que la Suisse (12,1 %).

Malheureusement, nous n’en avons pas pour notre argent, si l’on se fie à une étude de l’Institut Fraser qui compare la performance des systèmes de santé à travers le monde. 3

Avec le vieillissement de la population à l’horizon, nous n’avons pas le choix d’être plus efficaces.

Tout le monde connaît les solutions : bâtir une première ligne forte, augmenter les soins à domicile, décentraliser le réseau, revoir la rémunération des médecins, faire appel au privé, informatiser la santé…

Tout le monde est pour la tarte aux pommes. Il ne reste plus qu’à suivre la recette.

1. Lisez « La télémédecine a la cote en Suisse » 2. Lisez le rapport du Vérificateur général 3. Lisez l’étude de l’Institut Fraser (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion