Selon certaines croyances, juste avant de mourir, on voit comme dans un film les moments importants de sa vie. Dans le film du Parti libéral du Québec (PLQ), on y verrait qu’il fut nationaliste et réformateur. Que c’est lui qui a fait du français la langue officielle du Québec et nationalisé l’électricité. Entre autres, parce qu’il fut un temps où il était aussi le parti de l’économie.

Réunis en fin de semaine à Victoriaville, les libéraux avaient l’air tout aussi déprimés qu’au lendemain des dernières élections provinciales. Cela se manifeste de plusieurs façons. Par exemple, ils sont incapables de se décider ne serait-ce que sur la date du choix de leur nouveau chef et sont toujours aussi gênés de dire qu’ils pourraient être, au moins un peu, nationalistes.

En fait, les libéraux ont du mal à se reconnecter non pas avec leur histoire, mais avec ce qui fut leur tradition. Dans un passé pas si lointain, le PLQ pouvait se revendiquer d’un fédéralisme qui se voulait différent et une volonté de préserver la langue française. On se demande si c’est toujours le cas.

Il n’est quand même pas normal que l’une des principales mesures pour la protection du français ces dernières années soit venue d’Ottawa plutôt que du PLQ, soit d’assujettir des sociétés de compétence fédérale comme Air Canada ou le Canadien National à la loi 101.

Il est vrai que les années de pouvoir du PLQ depuis 2003 n’ont pas été très bonnes pour ce qui restait de son âme nationaliste. Depuis le référendum de 1995, on a pu sentir que la défense du fédéralisme était devenue plus urgente que celle des intérêts du Québec.

Mais il est fini le temps où il suffisait à Jean Charest de dire le mot « référendum » pour gagner un gouvernement majoritaire. Sauf que certains libéraux ont l’air de s’en ennuyer.

Encore en fin de semaine, le chef intérimaire, Marc Tanguay, ne pouvait s’empêcher de revenir sur le discours de Jacques Parizeau au soir du référendum, il y a près de 30 ans. Surtout que les Québécois ont dit non deux fois à la souveraineté et qu’ils n’ont jamais indiqué depuis ce temps qu’il voulaient un autre référendum dans un avenir rapproché.

Pourtant, tout ne devrait pas être si sombre pour le parti qui forme l’opposition officielle à Québec – et donc celui qui devrait normalement être le gouvernement en attente.

Le gouvernement Legault, huit mois après une réélection triomphale, semble déjà essoufflé. En tout cas, il se retrouve, au moins temporairement, dans une mauvaise passe et il doit reculer sur des promesses phares comme le troisième lien ou les seuils d’immigration. Et on sait que les troisièmes mandats n’arrivent pas fréquemment…

Québec solidaire occupe de plus en plus dans l’opinion publique une place qui ressemble à celle du Nouveau Parti démocratique au fédéral. Ses électeurs sont contents d’entendre une voix de gauche au Parlement, mais ils ne croient pas vraiment qu’elle va prendre le pouvoir bientôt.

Quant au Parti québécois (PQ), il serait bien avisé de ne pas trop pavoiser avec une hausse de quatre points dans les sondages, soit à peu près la marge d’erreur. Le PQ a quand même connu la pire défaite de son histoire l’an dernier et il n’a jamais eu aussi peu de députés à l’Assemble nationale.

Normalement, le Parti libéral devrait déjà être en mode préparation de la plateforme électorale en vue des prochaines élections.

À commencer par dégager des consensus au sein même du parti. Ce qui est un exercice toujours difficile au PLQ quand il est question de langue ou d’identité.

On l’a vu en fin de semaine, non seulement les consensus sont toujours aussi difficiles à réaliser, mais – sans doute pour ne pas prendre de risques inutiles – on n’a même pas voulu prendre le risque de mettre aux voix quelque résolution que ce soit.

Il sera intéressant de voir le rapport du comité de relance, co-présidé par l’ancien sénateur André Pratte et la députée Madwa-Nika Cadet. Non seulement le comité s’est-il donné un mandat plutôt modeste – ramener les libéraux déçus au bercail –, mais il est aussi acquis que le nouveau chef ne sera pas lié par ses conclusions.

Reste la question du leadership. Qui est, pour l’instant, une question de calendrier : le débat entre ceux qui veulent un congrès rapide, pour que le nouveau chef ait le temps de rebâtir le parti, et ceux qui veulent attendre pour que le chef arrive à l’élection avec l’aura de la nouveauté.

Le seul ennui, c’est que les noms qui circulent actuellement ne semblent pas déclencher les passions. Les Tanguay, Fortin, Derraji ou Beauchemin ne remportent pas l’adhésion d’emblée.

Mais, au moins, on ne risque pas de se retrouver comme la dernière fois avec une pénurie de candidats et un couronnement – même si ce fut facilité par la pandémie. Dans la panoplie des difficultés auxquelles le PLQ fait face, c’est une bien mince consolation.