Québec solidaire devrait bientôt vivre son karma et aller à la rencontre des régions du Québec, tel que promis. J’espère pour eux qu’ils savent ce qu’ils font, parce qu’ils vont se faire ravaler leur taxe orange sur les pick-up neufs, et ça va sortir assez dru d’après moi.

Il y en a en calvaisse, là-bas, des « véhicules énergivores », comme ils les appellent si cérémonieusement.

Par charité chrétienne, et pour ménager ces Montréalais pur jus et leurs apparentés, je n’ose pas vous écrire ce que mes cousins du Lac-Saint-Jean doivent penser de Québec solidaire (QS) et de leur taxe.

Dans l’état actuel des choses, ils ont des chances de trouver leur petite virée régionale assez inconfortable.

Ce n’est pas une fin de semaine en Outaouais, avec un kayak sur le toit d’un véhicule de Communauto, qui fait de vous un connaisseur du Québec profond.

Cela exprimé, je comprends très bien que la mathématique électorale impose cette tournée. QS parle de « déplafonner » sa performance en région. Bonne idée, autrement ils colleront au plafond bas, et se taperont une dépression atmosphérique.

Avant les dernières élections, avec leur élue dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue, ils ont probablement eu l’impression que ça perçait à l’extérieur de Montréal, qu’ils l’avaient pogné, l’affaire.

Mais ça n’a pas fait long feu. Émilise Lessard-Therrien s’est fait battre en novembre dernier, et QS lèche encore ses plaies, dérouté, même s’il a conservé Sherbrooke, qui ne fait pas trop régional, si vous voulez mon opinion.

Désolant, parce qu’elle était probablement la seule dans ce parti à avoir déjà vu, de ses yeux vu, à quoi ressemblait un quatre-roues (VTT).

Il faut être déconnecté en maudit, et trop urbain, pour proposer une surtaxe sur les pick-up. En fait, dans les perceptions, on s’est en quelque sorte attaqué au mode de vie des régionaux. On les a pris de haut, parce qu’on connaît la vérité nous autres, magnifiques citadins !

Il faut faire la différence avec cette mode urbaine d’une génération qui se balade généralement solo en monstres boulimiques de combustibles fossiles sans dépasser les limites de la ville pour ne pas les salir. Cette vogue vient avec la barbe, le chien et l’activité foodie.

Mais en région, voyez-vous, on vit beaucoup de la forêt, des mines, de la pêche, de l’agriculture, etc.

On aime la nature et on a des chalets, dans le bois. Pas des maisons secondaires dans les Laurentides où on débarque avec des escarpins griffés.

On chasse et on pêche beaucoup plus que dans Hochelaga, à Montréal. D’ailleurs, on ne se souvient pas du dernier qui a chassé l’orignal dans la rue Sainte-Catherine.

Et on fait de la motoneige. Attacher une remorque derrière une Honda Civic pour traîner l’engin, j’ai rarement vu ça.

Et on bûche souvent son bois pour l’hiver. À propos, un gigon (jigon) de la ville qui se prend pour un bûcheron en région, ça se voit vite. Ça me ressemble quand jadis je tentais de transporter mon sapin de Noël dans ma Renault 5 jaune moutarde…

La morale de cette histoire : un pick-up, en région, ce n’est pas un luxe.

On nous dira que QS avait prévu des exemptions, et autrement des bonifications pour l’électrique. Ça sentait la parfaite patente à gosse bureaucratique pour démêler le tout. Le mal était déjà fait.

En passant, je ne serais pas assez imprudent pour m’enfoncer en forêt avec un pick-up électrique sans être sûr d’avoir accès, éventuellement, à une génératrice pour recharger la batterie, au cas où. Une génératrice… au GAZ !

Pas simple d’être de gauche en Amérique du Nord. N’est pas Bernie Sanders qui veut. Et encore, le Québec généreux est exactement ce que rêve Bernie pour les États-Unis.

Le progrès social se réalise et réussit lorsqu’on roule avec le monde, à leur côté, ou deux pas devant, mais pas trop loin devant en les regardant dans le rétroviseur. Le miroir devient un prisme déformant.

Et il y a tellement d’autres problèmes à régler que des surtaxes sur les pick-up…

Le transport régional, par exemple. Désastreux, la mobilité en région actuellement, et ruinant. Faut qu’il se passe quelque chose et ça presse.

Historiquement, les régions ont créé des modèles de coopération innovants. Coopératives forestières, agricoles, alimentaires, horticoles, dans les pêches, etc.

Des modèles d’économie sociale auxquels moi je crois, comme à l’économie libérale, évidemment.

Au lieu de crier contre les riches, pourquoi ne pas espérer et travailler à bâtir plus d’entreprises d’économie sociale qui deviendraient des succès économiques et financiers ?

J’y reviens encore, la social-démocratie est l’idée de mieux partager la richesse qui est créée. Mais les partis de gauche ne parlent que de partage, sans s’atteler à sa création. On ne peut peut pas partager ce qui n’existe pas.

Québec solidaire fera bien ce qu’il veut, mais moi j’ai appris qu’en politique, une petite génuflexion, admettre l’erreur, faisait toujours la meilleure job.

Et un dernier truc, je leur conseillerais de ne pas aller en région pour dire du mal de François Legault. Ils l’aiment, le PM, eux, inutile de s’y prendre comme ça.

Entre nous

J’ai participé la fin de semaine dernière à un magnifique évènement : le Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer.

Consultez le site du festival

Imaginé par un un visionnaire, Bertin Leblanc, parrainé généreusement par Jean-François Lépine, et associé à la fondation René-Lévesque, cet évènement deviendra, selon moi, le Davos du journalisme québécois.

J’y étais à titre de gérant d’estrade, comme je me décris, et collaborateur de La Presse.

Bravo pour la Gaspésie, et merci au nom des citoyens de l’est du Québec !