Bon, vous cherchez le lien entre les deux, je suppose ? Ne vous en faites pas trop, je suis moi-même un peu confus.

Difficile de voir la communauté d’idées, à moins que Mme Atwood, dans un prochain bouquin, fasse jouer La servante écarlate au champ droit pour l’équipe nationale de la république de Gilead, là où se passe l’action du roman.

Il n’est pas évident, ce lien, mais il existe, si je parviens à me démêler dans mes lacets et vous expliquer dans l’ordre une autre belle tranche de vie.

C’est que voyez-vous, il y a une couple d’années, j’entretenais quelques fantasmes en visualisant la retraite à venir.

Un premier était de participer au Salon du livre de Québec à titre de mec sans importance, paroissien solitaire et attentif aux conférences des auteurs invités.

Et l’autre était de développer mon potentiel athlétique, me brasser la carcasse et recommencer à jouer à la balle molle.

Un troisième, mais je ne m’attarderai pas là-dessus, était de conduire en hiver une chenillette pour déneiger les trottoirs la nuit, en fumant des cigarettes et branché sur une radio à écouter un pauvre type en fin de carrière.

Je confesse que je suis excité comme une puce à l’idée de jouer à la boule cet été, un gamin. Je suis allé m’acheter des souliers à crampons, et j’ai failli coucher avec, comme mon fils à l’époque qui a dormi quelques nuits avec son premier casque de hockey, qu’il portait 24 heures sur 24.

Rouges, mes galoches. Couleur d’humilité. Et des gilets tout frais peints, couleur orange Flyers, et noir, comme la misère, ou les idées que broie Éric Caire, ou comme dans le tunnel du troisième lien imaginaire de Bernard Drainville.

L’embêtement, c’est qu’équipé en flambant neuf comme ça, il y a un risque d’annoncer trop gros. Il faudra jouer à la hauteur de la qualité du gréement, oui, mais ne jamais oublier que « l’erreur est humide », comme aurait dit Jean Perron.

Je jouerai au premier but, la mitt en feu ! Pas une balle ne va passer de mon côté. Je me coucherai devant, je les avalerai s’il le faut. Et j’avertis les adversaires qui auraient comme projet de s’enligner vers mon coussin que je n’ai rien vu dans les règlements qui interdise explicitement les mises en échec…

On m’appellera The Wall !

Bon, bon, bon, on se calme là, là !

Alors, Margaret maintenant, et le Salon du livre.

Maire, il était compliqué de prendre du temps pour bouquiner au Salon, ou d’écouter peinard les auteurs.

Maintenant qu’on m’ignore, mais surtout que je peux éviter le contact des yeux sans avoir l’air d’un élu fendant, la tournée est plus simple.

Acheteur compulsif, je suis sorti avec une dizaine de bouquins, dont L’histoire des p’tits gâteaux Vachon, pour offrir à un gars génial que je viens de connaître, Fabien Cloutier, et dont je me meurs d’aller voir le spectacle. L’idée est que Fabien vient de Sainte-Marie-de-Beauce, royaume des p’tits gâteaux.

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L’histoire des p’tits gâteaux Vachon, Dave Corriveau, Septentrion, 192 pages

J’avais comme programme d’aller écouter cinq, six auteurs pendant le Salon. J’ai réussi à assister à deux conférences finalement, problèmes d’agenda, du déjà vu, déjà… Fantasme interrompu.

Tout d’abord Amélie Nothomb, une présence savoureuse et pétillante, qui a avoué avoir été publiée pour la première fois à son 11e manuscrit, si je me souviens bien. Y’a de l’espoir pour les apprentis.

Après une trentaine de romans publiés, sur plus d’une centaine de manuscrits écrits jusqu’à maintenant, une rigoureuse qui se lève toujours à 4 h du matin pour une séance de création jusqu’à 8 h. Quatre heures de souffrances quotidiennes, selon ses propos.

Avant que je me lève à 4 h pour écrire, faudra que ça aille mal, patronne !

Et finalement, la grande prêtresse de la littérature canadienne : Margaret Atwood.

Une respectueuse qui a insisté pour s’exprimer en français pendant l’heure et demie de sa présence. Admirable, mais difficile quand même pour elle, et pour nous. Mais comment blâmer une telle déférence à notre égard ? Mes respects, madame !

Encore pour donner de l’espoir, elle nous racontait une séance de dédicace de son premier roman, La femme comestible, dans le département des sous-vêtements féminins du magasin Hudson Bay d’Edmonton. Deux livres vendus…

Il faut avoir la foi pour vivre sa vie d’écrivaine à Edmonton, les deux pieds dans les sables bitumineux !

J’ai lu Questions brûlantes, où elle traite d’innombrables sujets. Oui, elle écrit avec un talent exceptionnel des histoires à dormir debout, mais son regard sur la société est d’une pertinence chirurgicale, et d’une capacité de prémonition hallucinante.

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Questions brûlantes, Margaret Atwood, Robert Laffont, 480 pages

Cette lucidité lui vaut d’ailleurs l’honneur de faire partie de la liste des auteurs dont les livres ont été les plus bannis dans des districts scolaires aux USA, selon une compilation rendu publique par PEN America⁠1.

Près de 60 % de l’ensemble des livres bannis aux USA le sont dans deux États, le Texas et la Floride⁠2, dirigés par de grands poètes républicains, les gouverneurs Greg Abbott et Ron DeSantis, qui se verraient bien président du pays.

1. Lisez l’article du National Post (en anglais) 2. Lisez le texte de Pen America (en anglais)

Entre nous

Temps compliqués pour l’extrême droite américaine. 1. Tucker Carlson au chômage ; 2. Ron DeSantis qui s’acharne sur Disney et, par la bande, sur Mickey et Minnie, mascottes chéries de l’Amérique. Il y a quelque chose qu’il n’a pas compris, le magnifique produit du cocotier.