L’autrice jeunesse Dïana Bélice connaît un début d’année fort occupé. En quatre mois, elle a publié cinq romans pour adolescents. L’écrivaine qui s’est donné comme mission de mettre en lumière des héros issus de la diversité nous a parlé de son parcours et de ses nouveautés. Rencontre.

Un rêve réalisé

Dïana Bélice savait dès l’âge de 9 ans qu’un jour, elle serait autrice. À l’époque, la jeune fille d’origine haïtienne adorait lire et écrire. Une chose clochait toutefois dans les histoires qu’elle dévorait. « Quand je lisais des livres, il n’y avait jamais un personnage qui me ressemblait, se souvient-elle. Lorsque j’ai commencé à écrire pour la jeunesse, je me suis dit que je voulais faire en sorte de présenter des personnages issus de la diversité. » Cette mission a cependant été plus difficile à accomplir qu’elle ne l’aurait cru. Au début de sa carrière, en 2013, elle a constaté que des maisons d’édition se montraient réticentes à publier des livres avec des héros noirs. Certains éditeurs craignaient que les lecteurs ne se reconnaissent pas dans ses personnages, s’étonne-t-elle. Depuis 2020, elle sent toutefois un vent de changement. Un engouement pour ses protagonistes aux origines variées qui, selon elle, découle d’un triste évènement : la mort de l’Américain George Floyd. « Avec sa mort, on dirait que les gens se sont rendu compte que, mon dieu, ça existe pour vrai, le racisme. […] Maintenant, des romans sur la diversité, on en veut. »

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L’escouade du bonheur, tome 2

Un personnage qui lui ressemble

Dans le tome 2 de sa série L’escouade du bonheur, Dïana Bélice fait d’ailleurs vivre à son personnage principal « l’une des expériences de racisme les plus traumatisantes de [son] enfance ». Dans un autobus, Lilou cède sa place à une vieille dame. Or, avant de s’asseoir sur le banc, celle-ci le désinfecte sous le regard sidéré de l’adolescente. « C’était quelque chose que j’ai gardé en moi pendant très longtemps. […] Quand j’ai commencé à écrire l’histoire de Lilou, je me suis dit : “C’est le moment.” C’était ma façon de me libérer », confie l’autrice. Si elle a fait vivre ce moment tiré de sa jeunesse à cette élève très timide mais avec le cœur sur la main, c’est sûrement car Lilou lui ressemble beaucoup. « Elle et moi, on est pareilles », confirme-t-elle. Et ce n’est pas seulement en raison de la couleur de peau. « Dans la littérature, on nous présente beaucoup des personnages qui sont forts, qui parlent fort, qui sont fonceurs », souligne l’écrivaine, qui avait plutôt envie de mettre de l’avant une héroïne introvertie.

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Pour que tu reviennes

La parole aux écorchés

Donner une voix à ceux qui, selon elle, sont moins représentés en littérature jeunesse, c’est également ce que Dïana Bélice fait dans son livre Pour que tu reviennes. Dans ce roman, elle raconte l’histoire d’amitié qui unit Izobel et Elijah, deux jeunes habitant dans un HLM et dont la vie est ponctuée d’épreuves : famille dysfonctionnelle, pauvreté, agression sexuelle, violence… « J’ai eu beaucoup d’adversité aussi dans la vie et je me suis dit que c’était une façon de démontrer que, malgré tout ce à quoi on fait face, on peut se relever », indique l’autrice.

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Poussières, le premier tome de la série Le jour où la terre a tremblé

Raconter le séisme d’Haïti

Dïana Bélice n’était pas en Haïti lorsqu’un puissant séisme a secoué le pays en 2010. Le terrible évènement qui a fait plus de 200 000 victimes l’a tout de même grandement marquée. « J’ai de la famille qui l’a vécu, et ça m’a vraiment traumatisée. Même si je n’étais pas sur place, de voir les images, d’entendre les appels de panique, de ne pas pouvoir être là pour faire quelque chose, c’est vraiment venu me chercher. » Elle a senti le besoin d’écrire sur la tragédie. Ainsi est née la série Le jour où la terre a tremblé dont le premier tome, Poussières, est paru en janvier. On y suit les personnages de Cornélie, 13 ans, et ses amis à la sortie de l’école le 12 janvier 2010, journée qui bouleversera à jamais leur existence.

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Les deux tomes de la duologie Militant.

Un avenir qu’on souhaite éviter

La duologie Militant, dont les deux tomes transportent le lecteur dans un monde marqué par les changements climatiques, fait aussi vivre à son héros un évènement majeur, mais cette fois-ci fictif. Alors que des pluies diluviennes provoquent des glissements de terrain mortels à Montréal, Mathis fait la rencontre d’une étrange entité qui le pousse à jouer un rôle déterminant dans la lutte environnementale. « Je voulais parler d’environnement, parce que c’est important, mais je voulais le faire de façon le fun », explique l’autrice. Avec ses nombreux rebondissements, la série a des airs de film d’action. « Chaque fois que j’écris un livre, c’est comme si je regardais un film ou que j’écoutais une émission. J’écris toujours avec cette idée-là en tête », confie d’ailleurs Dïana Bélice, qui aimerait prochainement faire de la scénarisation.

Qui est Dïana Bélice ?

  • Dïana Bélice est une autrice jeunesse d’origine haïtienne née à Montréal dans les années 1980.
  • Après des études en psychologie, en criminologie et en intervention clinique, elle a travaillé auprès de jeunes qui vivaient de l’exploitation sexuelle par les gangs de rue.
  • Son premier roman, Filles à vendre, paru en 2013, traitait d’exploitation sexuelle. Elle a publié plus d’une vingtaine de romans jeunesse.