Ses promoteurs étaient probablement encore sous l’effet des herbes chics du festival de Woodstock. Fleurs d’amour et fleurs d’amitié.

Ça devait être une espèce de nirvana professionnel. Ils allaient réinventer l’étymologie du verbe travailler, lui enlever son goût de sueur.

Étudiants en socio à l’université, nous avons beaucoup divagué sur le sujet, parce que des penseurs, et même des économistes, nous avaient prédit une société du loisir.

Je l’attends encore ! Ou peut-être l’ai-je ratée…

Depuis, Zachary Richard a repris le flambeau et nous le rappelle inlassablement : travailler, c’est trop dur…

Mais j’ai toujours aimé bosser. Bon, vous me répondrez que j’aurais pu essayer autrement d’avoir une vie, dans le sens de Get a life ! Possible.

Peut-être aussi que le travail est fondamentalement à contre-emploi de la nature humaine et que la bonne question est : pourquoi travailler ? Là, on change de galaxie.

Je me suis souvent demandé quel était le pourcentage d’humains vraiment heureux au travail. Pas très fort, selon moi…

D’où mon questionnement sur un phénomène émergent : est-ce que la semaine de quatre jours correspond à la semaine des quatre jeudis, dans son sens utopique, que ça n’arrivera pas ?

Le débat s’en vient gros comme un train selon moi, TGF ou TGV, au choix.

Je me suis de nouveau intéressé au sujet grâce à deux articles du Time⁠1 et d’HuffPost France⁠2.

A priori, comment une organisation peut-elle espérer profiter d’un rendement « plus optimal » de ses employés avec moins de temps travaillé ? Le terme « plus optimal » étant un critère élastique d’employeur ou simplement mathématique : les résultats financiers.

Par exemple, quatre jours travaillés au lieu de cinq, ou 32 heures au lieu de 40. Mais avec plein salaire, c’est-à-dire payé cinq jours.

Ajoutez à cela une part de télétravail, un mode d’organisation devenu quasiment incontournable. Bien que tous les emplois ne s’y prêtent pas.

À la Ville de Québec, quand nous essayions de trouver la bonne formule entre le « présentiel » et le télétravail, je répétais souvent que les pompiers ne pouvaient pas éteindre des feux à distance !

4 Day Week Global, une communauté à but non lucratif, comme ils se décrivent, fait la promotion de la semaine de quatre jours.

4 Day a publié le 21 février dernier les résultats d’une étude⁠3 réalisée au Royaume-Uni, en association avec des chercheurs de l’Université Cambridge et du Boston College.

Je vous résume ça.

Sur 61 entreprises, employant 2900 personnes qui ont testé la « réduction significative du temps de travail », ou des modèles de semaine de quatre jours pendant six mois (de juin à décembre 2022), « 56 ont annoncé la maintenir après cette expérience », et parmi elles, 18 ont déjà décidé que ce maintien sera permanent.

Satisfaction de la majorité des entreprises quant à la performance et la productivité, avec un chiffre d’affaires au total qui « est resté globalement stable, avec une hausse de 1,4 % ».

De plus, 39 % des employés de ces entreprises auraient connu une baisse de leur niveau de stress. « Le nombre de jours d’arrêt maladie a aussi diminué de 65 % et le nombre de salariés qui quittent leur emploi a chuté de 57 %. »

Si 71 % ont signifié une baisse de leur niveau d’épuisement, 22 % auraient vécu une hausse de celui-ci, comme 15 % ont « signalé une hausse des insomnies ou des difficultés à dormir ». On n’y peut rien pour certains, on appelle ça des « cas ».

Maintenant, est-ce que les Britanniques sont si différents de nous ? Je ne crois pas. La même enquête chez nous donnerait probablement les mêmes résultats. Nous ne sommes pas des extraterrestres, et eux non plus. La preuve, le Commonwealth…

Les chiffres les plus intéressants de cette étude sont la baisse très importante d’arrêts maladie et de départs d’employés.

On parle ici d’un coût énorme pour les organisations. Remplacer temporairement ou définitivement un employé est ruinant.

En ces temps de pénurie grave de main-d’œuvre, et surtout si le chiffre d’affaires se maintient, il ne serait pas surprenant que cette tendance du quatre jours par semaine soit adoptée plus rapidement qu’on le pense par les entreprises privées.

Et ceux qui ne voudraient pas suivre n’auront pas le choix de toute façon. La compétition pour l’embauche de la main-d’œuvre est à ce point féroce que les forces du marché, comme le dirait si bien Adam Smith, feront le travail. Nécessité fait loi.

Les résultats de cette étude et d’autres qui viendront sûrement alimenteront la naissance de nouveaux paradigmes dans l’organisation du travail.

Et si le rendement optimal venait de l’énergie accumulée avec une troisième journée de congé ? Ou de la possibilité de faire une petite brassée de lavage tout en œuvrant en télétravail ?

Cette révolution prévisible de l’organisation du travail, accélérée par la pandémie, ne fait que commencer. La rareté de la main-d’œuvre nous amènera à un autre niveau, plus tôt que tard.

Et là où le plus important changement de paradigme s’effectuera sera dans les relations de travail. On ne se souvient pas, dans l’histoire du Québec contemporain, d'un moment où le rapport de force ait été autant en faveur des travailleurs.

Les patrons perdent le gros bout du bâton encore plus à chaque mois qui défile.

1. Lisez l’article du Time (en anglais) 2. Lisez l’article du HuffPost France 3. Consultez les résultats de l’étude de 4 Day Week Global (en anglais)

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Scène du spectacle Décembre de Québec Issime

Entre nous

J’étais au Saguenay–Lac-Saint-Jean en fin de semaine dernière. Ça tempêtait fort. On apprenait que Québec Issime s’était fait mettre dehors de la Place des Arts avec son spectacle Décembre. Tout ça après 20 ans de succès. Place des Arts n’est pas une entreprise privée, nos taxes payent annuellement près de la moitié de son budget. Il me semble que ça exige de voir ça large, dans le sens du Québec, comme avoir aussi comme mission la diffusion de la création régionale. Révoltant !