Les auteurs s’adressent aux ministres Christian Dubé et Eric Girard

Le 22 mars 2022, à la suite d’une mobilisation sans précédent de 28 associations et ordres professionnels⁠1 ayant à cœur la qualité de vie des Québécoises et Québécois, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité une motion en faveur de la prévention en santé. Plus précisément, cette déclaration collective des élus demandait au gouvernement du Québec de mettre la prévention des maladies et des traumatismes au cœur de la transformation du système de santé et réitérait la volonté d’appliquer les recommandations de la commissaire à la santé et au bien-être du Québec. Parmi celles-ci figure un réinvestissement majeur en santé publique, notamment en matière de prévention et de promotion de la santé.

Si les intentions du gouvernement de donner à la prévention un rôle plus important ont été plusieurs fois rappelées depuis, les actions, elles, se font rares. Et l’urgence demeure plus que jamais avec notre système de soins qui déborde et les propositions qui se succèdent, mais ne règlent pas la situation !

Un plan stratégique pour réduire le nombre de Québécois qui auront recours au système de santé, qu’il soit hospitalier ou extrahospitalier, est plus que nécessaire. Il en va de la pérennité de notre système de santé.

Sa portée est également économique : un Québécois malade est un travailleur absent de son poste de travail ou un concitoyen qui ne peut vaquer à ses occupations quotidiennes. La prévention est donc une stratégie de choix. Plus on tardera à mettre en place des politiques préventives, plus les effets mettront du temps à apparaître.

En ce sens, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment publié un rapport qui nous rappelle que la priorisation de la prévention est essentielle à la mise en place d’un système de santé résilient face à de potentielles crises, qu’il s’agisse de l’augmentation des maladies chroniques associée au vieillissement, des conséquences des changements climatiques ou encore de l’émergence d’une autre pandémie.

Aujourd’hui, un an plus tard, quel chemin a été parcouru ? Est-ce que le plan d’urgence demandé a été élaboré pour opérer rapidement un virage important et progressif vers plus de prévention ? Avons-nous identifié sur le tableau de bord les indicateurs qui permettront au gouvernement de démontrer la valeur ajoutée exceptionnelle que constituent des actions de prévention s’il investit suffisamment dans ce secteur ? Il semble bien que non.

La réforme du système de santé s’en vient. Il faut souhaiter que les modalités de sa refondation, annoncées comme révolutionnaires, fassent de la place pour la prévention et la promotion de la santé. La santé publique doit être reconnue à sa juste valeur comme faisant partie intégrante de la santé et comme solution possible.

Or, bien plus qu’une question de valeur, il en va de la responsabilité sociale du gouvernement de le faire, car il a le pouvoir d’épargner à la fois des souffrances inutiles à la population et de réduire la charge de travail que les professionnels de la santé ne peuvent plus tenir.

Le gouvernement a entre ses mains une stratégie efficace, bien que non exclusive, pour réduire son plus grand poste de dépenses, le coût des soins de santé. Selon Berwick en 2008 et Bodenheimer en 2014, l’amélioration du système de santé doit avoir quatre objectifs : une meilleure santé de la population, la réduction des coûts par personne, l’amélioration de l’expérience de soins des patients et le bien-être des travailleurs de la santé. Ces objectifs sont intimement reliés à des actions de prévention. Encore faut-il avoir la volonté de les mettre en application.

Investir en prévention, c’est audacieux

Reconnaître les intervenants de la prévention comme des alter ego des soignants, c’est faire une énorme avancée dans la place de la prévention au sein du système de santé. Et pour ce faire, il faut combiner l’engagement fort et unanime de l’Assemblée nationale à un plan clair et chiffré en matière de prévention.

Messieurs Dubé et Girard, notre demande n’est pas que pragmatique et réaliste, elle est aussi et surtout incontournable pour éviter le point de non-retour pour la pérennité de notre système de soins. Il est minuit moins une.

1. Lisez la lettre : « Prévention des maladies et promotion de la santé : pour la mise en place d’un plan d’urgence » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion