Je suis infirmière-clinicienne spécialisée en traitement du tabagisme. J’ai accompagné des fumeurs et ex-fumeurs adultes dans leur lutte contre la cigarette pendant près de 20 ans. Je suis outrée de savoir que des milliers de patients fumeurs que j’ai accompagnés seront bientôt laissés à eux-mêmes.

Je cherche encore aujourd’hui à comprendre pourquoi le gouvernement s’entête à vouloir bannir les parfums des produits de vapotage. Où sont la logique scientifique et le gros bon sens d’un gouvernement qui se dit pragmatique ?

Avec mon expérience clinique auprès des fumeurs adultes, j’ai vu comment la dépendance à la nicotine fumée gardait ces femmes et ces hommes prisonniers de leur tabagisme. Un cercle vicieux dans lequel la combustion produite par la fumée de cigarette, responsable de multiples maladies chroniques, est l’ennemi juré de la santé publique auquel il faut s’attaquer. Mais comprenons-nous bien, il ne suffit pas de faire la morale à un fumeur pour réussir à le convaincre d’écraser sa cigarette.

Le vapotage a justement été inventé pour aider les fumeurs à cesser de fumer afin de sortir de ce cercle de dépendance délétère.

J’ai pu le constater lors de mes consultations tabagiques : la vapoteuse a offert un nouvel outil révolutionnaire pour les fumeurs… Une bouée de sauvetage pour les fumeurs aux prises avec leur dépendance toxique au tabac fumé.

Les fumeurs adultes ont besoin de cette « béquille » pour faciliter leur transition tabagique. Par exemple, les fumeurs ont besoin d’aisance et de confiance avec les produits qu’ils vont utiliser. Le geste de vapoter rappelle sensiblement celui de fumer. Les fumeurs qui vapotent éprouvent du plaisir à utiliser la vape et vont chercher la dose de nicotine dont ils ont réellement besoin. Il est à souligner, selon les études qui se sont penchées sur le choix des parfums utilisés par les fumeurs, que la grande majorité de ceux-ci ne veulent pas vapoter un parfum au goût de tabac, lequel leur rappelle la cigarette.

Un outil qui a fait ses preuves

Si le gouvernement bannit les parfums dans les produits de vapotage, on peut imaginer qu’une grande majorité d’ex-fumeurs retrouveront leurs vieux comportements et retourneront tout simplement s’acheter un paquet de cigarettes au dépanneur. Comme infirmière-clinicienne, aussi spécialisée dans la réduction des méfaits depuis l’introduction des vapoteuses, je trouve cette décision irresponsable et purement dogmatique. Le projet de règlement que le gouvernement s’apprête à déposer va à l’encontre des nouvelles orientations de Santé Canada qui reconnaît le vapotage comme étant moins nocif que le tabagisme. Le vapotage fait partie des huit stratégies de renoncement au tabac prônées par Santé Canada, rappelons-le !

Ce qui m’interpelle est que j’ai la triste impression que le ministre de la Santé s’apprête à jeter le bébé avec l’eau du bain, comme si les parfums étaient responsables de la hausse du vapotage chez les jeunes. Nous devons comme société nous inquiéter du vapotage chez les jeunes et tout mettre en œuvre pour contrer ce fléau qui touche des milliers de familles. Cela dit, on ne doit pas priver les ex-fumeurs adultes d’un outil de cessation tabagique qui est reconnu et qui a fait ses preuves, pour en finir avec la forme hautement toxique d’utilisation de la nicotine qu’est la cigarette fumée.

Avant d’interdire les parfums dans les cigarettes électroniques, le ministre Dubé et ses collègues ministres doivent plutôt réfléchir à l’accès aux produits de vapotage. En Ontario, province que le premier ministre Legault cherche pourtant à imiter, les autorités autorisent la vente de produits de vapotage avec des arômes, mais uniquement dans les boutiques spécialisées qui restreignent l’accès des jeunes. Le modèle ontarien, qui n’a pas été beaucoup mis en marché par les groupes antitabac et l’industrie, est de loin le compromis le plus acceptable pour à la fois permettre aux ex-fumeurs adultes de vapoter des produits contenant des arômes et restreindre l’accès chez les jeunes. Pourquoi le ministre Dubé ferme-t-il les yeux sur cette voie de passage ?

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