Après avoir laissé le champ (trop) libre à l’industrie du vapotage, Québec serait prêt à sévir.

Notre journaliste Tommy Chouinard a révélé jeudi dernier qu’un projet de règlement vient d’atterrir sur le bureau du ministre de la Santé, Christian Dubé⁠1. Il devrait être adopté au cours des prochaines semaines.

Il était temps !

On a compris depuis plusieurs années que les dirigeants de cette industrie avaient décidé de cibler et de piéger les jeunes.

Et leur stratégie fonctionne à merveille, si on se fie aux plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec.

Tout près d’un adolescent sur cinq vapote à travers la province, selon l’enquête québécoise sur le tabac et les produits de vapotage qui a été publiée l’automne dernier. C’est-à-dire 18 % des jeunes de 15 à 17 ans.

C’est aussi le cas de 15 % des jeunes de 18 à 24 ans, alors que chez les 25 ans et plus, le vapotage est nettement moins populaire : on parle de 2 %.

Pourquoi ce phénomène si particulier chez les jeunes ? Parce qu’on a laissé le loup entrer dans la bergerie. Et que celui-ci a les dents très, très longues.

Expliquons-nous.

L’industrie du vapotage a tout fait pour rendre son produit le plus cool possible. Du design des vapoteuses aux saveurs alléchantes mises sur le marché, tout a été pensé pour susciter l’engouement des jeunes.

On apprenait même dans Le Devoir il y a deux semaines que certaines boutiques de vapotage au Québec ont commencé à vendre des bonbons « exotiques ». Vous aurez compris qu’ils ne cherchent pas avec ça à attirer des fumeurs accros à la cigarette depuis plusieurs décennies !

Du côté des gouvernements, on a surtout tourné autour du pot. Des mesures ont été annoncées au cours des cinq dernières années, mais rien d’assez contraignant.

L’achat de produits de vapotage est interdit aux jeunes de moins de 18 ans, c’est vrai. Mais à lire le reportage d’Alice Girard-Bossé publié vendredi dans La Presse⁠2, bon nombre de commerçants s’en fichent.

Ouvrons une parenthèse ici pour répéter que, oui, les vapoteuses demeurent utiles pour les fumeurs qui cherchent une façon efficace de quitter la cigarette, particulièrement lorsqu’ils bénéficient du suivi d’un professionnel de la santé.

Selon l’état actuel des connaissances, les produits du vapotage sont moins nocifs que les produits du tabac.

Le problème, c’est qu’un nombre hallucinant de jeunes qui ne fument pas se laissent tenter par le vapotage. Et le risque de développer une dépendance à ces nouveaux produits, lui, est bien réel.

Il l’est encore plus si les doses de nicotine du liquide à vapoter qu’ils utilisent sont plus élevées que la concentration fixée par Ottawa – elle est de 20 milligrammes par millilitre.

Heureusement, le ministre de la Santé et des Services sociaux semble avoir l’intention de mettre le doigt là où ça fait mal.

Son projet de règlement viserait à interdire la vente de produits de vapotage comportant une saveur ou un arôme autre que celui du tabac. C’est ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, tant par Québec que par Ottawa.

Christian Dubé souhaiterait aussi limiter la concentration en nicotine à 20 milligrammes par millilitre, comme l’a fait le gouvernement fédéral. Ça permettrait aux inspecteurs de son Ministère de veiller à ce que cette règle soit respectée sur le territoire québécois.

On va toutefois se garder une petite gêne avant d’applaudir. Car ce n’est pas la première fois que nos élus promettent d’agir avec fermeté. C’est visiblement plus facile à dire qu’à faire.

La pression de l’industrie est forte, car le marché des jeunes est pour elle du pain bénit.

Après avoir laissé le vapotage devenir un problème de santé publique, nos élus ont la responsabilité de réparer les dégâts au plus vite.

1. Lisez l’article « Parfums dans les produits de vapotage : Québec prêt à sévir » 2. Lisez l’article « Adolescent cherche vapoteuse : un jeu d’enfant » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion