Nous avons tout donné pendant nos études prédoctorales pour être acceptées au doctorat que nous compléterons – si tout va bien – en six à sept ans. Un minimum de neuf à dix années d’études pour pratiquer la profession qui nous passionne. Il nous sera ensuite possible d’appliquer tout le savoir et l’expérience pratique que nous aurons accumulés sur le cerveau, les émotions, la psychopathologie, les évaluations et les diagnostics, la prévention, l’intervention et la psychothérapie pour accompagner et aider la population.

L’accès aux psychologues dans le réseau public est très difficile. On sait pourquoi. Ce n’est pas parce qu’il manque de relève pour subvenir aux besoins de la population : le Québec compte 10 psychologues par tranche de 10 000 habitants, alors que l’Ontario en compte trois. C’est que le réseau de santé québécois ne retient pas un nombre suffisant de psychologues. Et peut-on réellement s’en étonner ? Les conditions qui sont offertes aux psychologues au public n’arrivent pas à la cheville de celles qu’ils peuvent avoir au privé.1

L’exode accéléré des psychologues vers le secteur privé était prévisible – on en parle depuis des années. Après une durée d’études comparable aux médecins spécialistes, souvent accompagnée d’endettement, qui voudrait entreprendre sa carrière avec des conditions désavantageuses ?

Même lorsque les avantages sociaux du public et les frais occasionnés par la pratique privée sont calculés, le psychologue qui œuvre au public gagne en moyenne 44 % de moins que celui du privé.

On a déjà accusé les psychologues du privé de « profiter » de la vulnérabilité de leurs clients pour leur facturer un tarif élevé. Cependant, à titre comparatif et sans remettre en question les besoins qu’ils comblent, certains coachs de vie (ou « thérapeutes en relation d’aide ») demandent jusqu’à 300 $ de l’heure sans études universitaires, sans ordre professionnel protégeant le public et sans accréditation pour exercer la psychothérapie ! Une augmentation de 44 % dans le réseau public ferait en sorte que les psychologues débuteraient à moins de 50 $ de l’heure. Il nous semble que la nature de notre profession, notre expertise et les années d’études qui les accompagnent valent bien la reconnaissance que les psychologues demandent ! Mais ça, leur syndicat actuel leur refuse catégoriquement.

Le combat de la Coalition des psychologues du réseau public du Québec (CPRPQ) est mené de front depuis quatre ans par des psychologues bénévoles dont l’infatigable et résiliente Dre Karine Gauthier, psychologue et neuropsychologue. Nous l’avons vue, avec plus d’un millier de psychologues du réseau public, se dévouer corps et âme à la cause. Enfin, après des années d’entrevues, de lettres, de rencontres avec le gouvernement, de mémoires, de manifestations, et plus encore, la CPRPQ obtient le soutien de M. Legault, de M. Carmant et de Mme LeBel. Nous remercions grandement ces derniers. Cela témoigne d’une volonté d’accorder une priorité à la santé mentale.

Nous sommes si près du but. Avant, il faut que la loi qui empêche la formation d’un syndicat propre aux psychologues soit modifiée. Les récents propos du président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau, peuvent induire la population en erreur. On ne peut pas comparer des pommes et des oranges. L’un n’empêchera pas l’autre. Soyons plutôt solidaires ! Comment M. Comeau peut-il négliger toutes les données et les messages partagés depuis des années auprès du public et des instances ? Les psychologues ne représentent que 3 % des membres de l’APTS et sont désavantagées sur tous les fronts.

Nous l’avons déjà dit et nous le répéterons : à titre de futures psychologues, notre plus grand souhait est de travailler dans le réseau public, tout comme 85 % de nos collègues étudiant en psychologie. Mais nous ne le ferons pas dans un contexte où nous ne sommes pas représentées et où on ne valorise pas notre expertise et notre contribution unique à la société québécoise. Toutes les professions en santé mentale sont essentielles ; il nous faut absolument des psychoéducatrices, des travailleuses sociales, des infirmières en santé mentale, etc. Mais reconnaissons également que les psychologues le sont tout autant ! C’est pourquoi la CPRPQ ne cessera pas de se battre pour que les soins psychologiques soient accessibles à la population dans le réseau public, et qu’en tant qu’étudiantes, nous ne laisserons pas tomber notre désir de pratiquer dans ce réseau. Malgré un syndicat qui cherche à la freiner, notre motivation à changer les choses ne cédera pas.

1. Lisez « Négociations dans le secteur public : les syndicats disent non à la “pépine” de Sonia LeBel »

* Florence K est vice-présidente de l’Association générale des étudiant-e-s en psychologie aux cycles supérieurs à l’UQAM (AGEPSY-CS) et ambassadrice de la Coalition des psychologues du réseau public du Québec ; Nessa Ghassemi-Bakhtiari est présidente de l’AGEPSY-CS et intervenante chez Éco-Motion.

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